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Jean-Pierre Rennaud (Cluster Algues Bretagne) : "Les algues sont une solution contre le changement climatique"
Interview Bretagne # Agriculture # Innovation

Jean-Pierre Rennaud président de l’association Cluster Algues Bretagne "Les algues sont une solution contre le changement climatique"

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Lancé en 2018, le cluster Algues Pays de Brest s’élargit désormais à la Bretagne entière. Le 6 avril 2023, l’association a été constituée avec à la présidence Jean-Pierre Rennaud, président de l’entreprise d’algoculture à Groix (Morbihan), Azollae. L’objectif est de structurer la filière au niveau régional grâce à des échanges réguliers entre les différents acteurs du secteur.

Jean-Pierre Rennaud a créé l’entreprise d’algoculture Azollae à Groix il y a deux ans — Photo : Isabelle Jaffré

Comment le Cluster Algues Bretagne est-il né ?

Depuis 2018, il existait une association pour le Cluster Algues Brest. Désormais, l’activité va s’étendre à l’échelle bretonne. L’association Cluster Algues Bretagne a été officiellement constituée le 6 avril 2023. Elle représente 2 546 emplois pour 99 entreprises sur 23 EPCI. Le constat en Bretagne est que les algues sont un secteur très prometteur. Il est en progression de 10 à 15 % par an mais est encore mal structuré.

Quel est l’objectif de l’association ?

Le but est d’élargir le travail qui a été fait ces dernières années pour la structuration de la filière algues en créant des échanges entre ses différents acteurs : récoltants, algoculteurs, transformateurs, territoires, financiers, etc.

Nous avons quatre collèges pour représenter chaque type d’acteurs. Les entreprises, bien entendu, qui représentent un écosystème innovant. Les trois autres collèges sont ceux des territoires - Lannion Trégor Communauté ou le Communauté de communes du Pays Bigouden par exemple -, des structures de recherche et d’enseignement comme l’UBO-IUEM ou encore la station biologique de Roscoff, et enfin celui des partenaires pour les établissements financiers notamment (BPGO, Crédit Agricole, Crédit Mutuel Arkéa…).

Pourquoi créer une association spécifique ?

La France a le plus important littoral au monde, notamment grâce à la Bretagne. Les algues y sont nombreuses. Mais paradoxalement le pays est importateur net d’algues (130 000 tonnes en 2022). Plus de 80 % des algues viennent d’Asie qui a une culture de l’algue, notamment alimentaire. En Bretagne, les algues étaient utilisées pour fertiliser les champs autrefois, mais les engrais chimiques ont pris le pas sur les algues au fil du temps. Aujourd’hui, l’augmentation du prix des engrais chimiques, couplé à une prise de conscience mondiale sur les enjeux environnementaux, fait que les algues redeviennent attractives et économiquement viables.

D’autres pays en Europe se mettent à cultiver les algues. La Bretagne risque de passer à côté d’un enjeu majeur. Il faut saisir cette opportunité. Mais pour cela, nous avons besoin d’aller vite et donc de travailler ensemble. L’idée n’est pas de se substituer aux entreprises mais bien d’être un facilitateur.

Quels sont les atouts de la Bretagne en matière d’algues ?

Il y en a plusieurs. Comme je le disais, un littoral très important avec beaucoup d’algues et une biodiversité importante. Nous avons la quantité mais aussi la qualité. Les entreprises d’Asie nous envient la qualité de l’eau à quelques kilomètres du littoral, ce qui n’est pas le cas de leurs eaux. Nous avons aussi beaucoup de sociétés innovantes qui sont sources de création de valeur. Enfin, nous avons énormément d’organismes de recherche et de formation : Ifremer, la station biologique du CNRS, l’UBO etc. Nous avons sur le territoire une expertise et des compétences mondialement reconnues. Nous avons donc la ressource, la recherche, la formation et les débouchés.

Pourquoi n’avoir pas structuré la filière avant ?

Nous n’allons pas réinventer la poudre mais il y a une question de timing. Je pense que nous sommes dans un moment charnière. Les algues ne font pas vraiment partie de notre culture. En France, nous mangeons peu d’algues par exemple comparé aux pays asiatiques, mais nous y venons. Les algues répondent aussi à des attentes sociétales qui montent : une économie circulaire qui dynamise les entreprises locales, notamment. Il y a encore quelques années, ce n’était pas une préoccupation des citoyens et des consommateurs.

Les différents acteurs n’avaient pas non plus l’habitude de travailler ensemble. Nous allons aussi pouvoir faire émerger des projets collaboratifs.

Caroline Peltier, chargé de projet, Frédéric Faure (Algaïa), trésorier, Philippe Legorjus (Algolesko), secrétaire, Jean-Pierre Rennaud (Azollae), président et Patrick Leclerc (président de la communauté d’agglomération du Pays de Landerneau Daoulas), vice-président de l’association Cluster Algues Bretagne — Photo : Isabelle Jaffré

Pourquoi les algues sont-elles si intéressantes ?

Grâce aux organismes de recherche, les connaissances sur les algues grandissent de jour en jour. Toutes leurs propriétés n’ont pas encore été découvertes. On les utilise dans l’agroalimentaire, les cosmétiques, les compléments alimentaires, l’agriculture. Aujourd’hui, on développe de plus en plus de biomatériaux à partir d’algues. Les débouchés sont immenses !

Pour vous, y a-t-il aussi un enjeu climatique ?

Les algues sont au cœur de la problématique du changement climatique. Ce sont des végétaux à la croissance très rapide. Elles peuvent être une nouvelle source de matière première sans intrants ou presque et sans concurrencer l’usage des terres. Il y a aussi une question de souveraineté alimentaire.

Quels sont les freins ?

Il y a en a quelques-uns. Les algues ont un problème d’image à cause des algues vertes surtout. Difficile de voir les algues comme quelque chose de positif quand les journaux ne parlent que des algues vertes échouées ! Il y a donc un effort à faire de ce côté-là.

Il y a aussi un problème de ressources. Les récoltants font très attention à ne pas mettre en péril les algues sur le long terme en gérant la ressource naturelle en lien avec les scientifiques.

Il faut aussi trouver une solution pour l’attractivité des métiers de l’algue, des goémoniers aux algoculteurs (récoltant d’algues), issus des différents métiers de la mer.

Plusieurs projets de culture d’algues ont été contestés. Pourquoi ?

Il peut y avoir des problèmes de conflits d’usages. C’est pour cela que nous avons intégré les EPCI dans l’association. Les élus ont leur rôle à jouer pour arbitrer bien sûr. Échanger, discuter permet d’avancer. Le but de l’association est aussi de partager les bonnes pratiques. Expliquer ce que l’on fait, comment on le fait et les bénéfices sur la biodiversité qu’apportent les algues est un exemple de bonne pratique qui peut être partagé à l’échelle bretonne.

Des solutions sont à trouver. Il y a par exemple beaucoup d’espaces de mer vides dans les champs d’éoliennes qui se créent au large des côtes bretonnes, propices aux cultures d’algues et à la régénération de la biodiversité marine.

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