Sylvain Huchette a la persévérance du scientifique et le pragmatisme du paysan. Il est docteur en écologie marine et passionné par la reproduction de l'ormeau. «J'ai rencontré ce mollusque en faisant de la recherche en Australie, il n'intéressait personne en France», précise le fondateur de France Haliotis. Très apprécié des fins gourmets pour sa chair au goût inédit, l'ormeau est un coquillage qui s'épanouit sur les côtes bretonnes depuis la nuit des temps. Mais il a fait les frais d'une collecte abusive dans les années 70 et de l'apparition d'une bactérie, le vibrioharveyi, en 1996 (80% de mortalité). C'est en étudiant cette menace bactériologique que le biologiste est parvenu à maîtriser la reproduction de l'ormeau. Au point d'en expérimenter l'élevage à Plouguerneau. Non pas en bassin mais en pleine mer. France Haliotis démarre en 2004 grâce au coup de pouce d'Oséo (375.000€) et d'un business angel. Le lieu d'implantation est choisi pour la qualité de l'environnement des Abers. Après de multiples ajustements et quelques coups de vents fatals, son process est au point: les naissains d'ormeaux s'épanouissent d'abord un an en nurserie puis en mer. Sur une concession de 5ha, des cages prototypes sont immergées à 10-15 mètres de profondeur durant plusieurs années. Le temps de permettre à l'ormeau d'atteindre sa maturité (7cm de diamètre à cinq ans), de façon régulière au rythme naturel de saisons. «Nous sommes les seuls à élever ainsi des ormeaux, il a fallu tout inventer.»
Un cycle fiable en cinq ans
La croissance de France Haliotis est donc greffée à celle du mollusque. Le cap des cinq ans est enfin atteint aujourd'hui. «Il nous fallait prouver la fiabilité d'un cycle d'ormeau», analyse Sylvain Huchette qui va désormais pouvoir développer aussi la vente des naissains. L'entreprise a commercialisé 3,5 tonnes d'ormeaux l'an dernier puis cinq tonnes cette année (60 à 80euros le kilo). Le produit s'est positionné sur le segment du haut de gamme en séduisant les chefs étoilés. 80% de la production est commercialisée dans les restaurants, le reste en vente directe et sur internet. France Haliotis compte développer aussi des produits dérivés comme la terrine d'ormeau et les bijoux confectionnés à partir des coquilles nacrées. L'ampleur de son essor, en 2010, est liée à l'obtention d'une seconde concession de 5ha en mer, à Guissény. Le projet se heurte à l'opposition d'une frange de la population. C'est à Sylvain Huchette de prouver l'innocuité de son élevage sur l'environnement pour obtenir un feu vert du préfet. « Biologiste avant d'être chef d'entreprise», il dirige d'ailleurs un programme de recherche européen sur le développement durable de l'ormeau.
