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GT Location : « L’entreprise libérée passe par la transformation des dirigeants »
Interview Gironde # Transport # Ressources humaines

Michel Sarrat PDG de GT Location GT Location : « L’entreprise libérée passe par la transformation des dirigeants »

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GT Location, entreprise bordelaise de location de véhicules industriels avec chauffeur, a amorcé en 2012 une démarche de transformation profonde. De cette expérience singulière, son PDG Michel Sarrat en a tiré un livre dans lequel il relate ses pérégrinations de « patron libéré ». Nous l’avons rencontré.

Photo : GT Location

Le Journal des Entreprises : Votre livre Nous réinventons notre entreprise sort le 19 avril, aux éditions Diateino. Il est basé sur votre propre expérience de transformation profonde de GT Location. Pourquoi avez-vous engagé ce processus ?

Michel Sarrat : En 2011, nous avons traversé une période douloureuse. Plusieurs membres de l’équipe de GT Location ont souffert de graves problèmes de santé. Nous avons tous été extrêmement bouleversés et nous sommes sortis très affectés de ces douze mois. L’impératif de prendre soin de nos collaborateurs, de nous soucier de leur bien-être, s’est imposé à nous comme une évidence. L’entreprise était jusque-là organisée de façon très (trop ?) hiérarchique et centralisée. Il fallait redonner du pouvoir aux personnes sur le terrain. Passer d’une logique de l’obéissance et de la crainte à la liberté et la confiance. Il fallait libérer l’entreprise !

Comment procède-t-on pour « libérer » une entreprise ?

M.S. : Cela passe par la transformation personnelle des acteurs, des gens qui font l’entreprise. Et cela ne s’impose pas. On ne peut qu’inviter les collaborateurs à changer. Et c’est en voyant le dirigeant changer qu’ils seront eux-mêmes incités à le faire. Je n’ai pas un jour décrété qu’on allait transformer l’entreprise. Cela passe forcément par une transformation des dirigeants eux-mêmes. Mais c’est un long cheminement, parfois difficile. Cela fait 6 ans que l’on rame… mais on est très heureux de ramer !

Quel a été votre cheminement pour changer le patron que vous étiez ?

M.S. : C’est parti d’une suggestion de mon épouse qui avait remarqué que j’étais sorti très marqué de cette année 2011 : ne serait-ce pas le bon moment pour commencer une thérapie ? Je suis allé voir un psychologue pendant 9 mois. Parallèlement, dans l’entreprise, j’ai procédé à un « 360° ». J’ai demandé à 140 collaborateurs de répondre, anonymement, à 5 questions sur ma manière de manager. 84 personnes ont répondu. Cela a été très riche d’enseignements.

Concrètement, qu’avez-vous mis en place au sein de GT Location ?

M.S. : Nous essayons au maximum de favoriser et valoriser les initiatives de nos collaborateurs, de faire en sorte que la parole soit libre. Il me vient l’exemple de Vincent, l’un de nos conducteurs spécialisé en nutrition animale en Mayenne. Pour un de ses clients, il côtoyait régulièrement un autre chauffeur qui avait sa petite entreprise. Il réfléchissait à la vendre. Vincent a vu une opportunité pour notre groupe. Il nous a présenté le projet, a lui-même entamé les discussions. Nous avons finalement racheté cette entreprise et il en est le responsable. Notre but : qu’il y ait de plus en plus de Vincent !

« Il m’a fallu apprendre à être le moins souvent possible un frein à l’expression de mes collaborateurs. »

Vous n’avez plus de directeur des ressources humaines non plus…

M.S. : Non effectivement, depuis 4 ans le service de ressources humaines fonctionne en auto-organisation. Nos recrutements sont devenus collaboratifs, les salariés participent au processus, y compris pour l’embauche des conducteurs.

L’équipe RH a aussi initié un travail sur les salaires, ils m’ont proposé un système pour fixer eux-mêmes leurs augmentations. Ce n’est pas moi qui décide en bout de chaîne. Nous avons d’ailleurs élargi ce processus à l’équipe de direction qui décide elle-même de l’évolution de sa rémunération. Cela implique la transparence sur les salaires, tous, y compris le mien puisque je me suis prêté à l’exercice.

Vous avez rencontré des freins au sein même de votre organisation ?

M.S. : Bien sûr ! Dans les travaux sur l’entreprise libérée, on estime que l’entreprise est constituée à 20% de réfractaires, 65% d’indécis et seulement 15% de transformeurs. L’essentiel étant de donner à cette petite portion les moyens de déployer leur énergie pour réussir à entraîner les autres. Il faut faire en sorte que ceux qui ont envie de bouger puissent le faire.

Mais comme je le disais tout à l’heure, si le dirigeant doit être l’impulseur de ce processus, il en est aussi le principal frein. C’est le paradoxe de cette démarche ! Une fois que j’ai pris conscience de ça, j’avais fait un grand pas. Il m’a fallu apprendre à être, le moins souvent possible, un frein à l’expression de mes collaborateurs.

Quel conseil donneriez-vous à un patron qui voudrait s’engager sur cette voie ?

M.S. : Il ne faut pas hésiter à questionner des choses qui ne l’étaient pas. Rien n’est immuable. Là où il y a un sujet tabou, pourquoi ne pas aller voir de ce côté-là ? C’est ça qui est libérateur. Il faut oser être soi-même au travail, une personne à part entière.

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