Haute-Loire
Sabarot aiguise son appétit sur le marché des légumineuses
Haute-Loire # Agroalimentaire

Sabarot aiguise son appétit sur le marché des légumineuses

S'abonner

Depuis 2018, le fabricant de légumineuses Sabarot mène tambour battant une politique d’investissement pour tirer parti de la forte croissance du marché des protéines végétales. Née en 1819, l’entreprise familiale valorise son terroir en misant sur des innovations de praticité, la modernisation de son outil de production et la création de filières agricoles locales.

Carrefour et Sabarot ont été récompensés pour leur collaboration sur la filière du petit épeautre du Velay par la FEEF (Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France) — Photo : DR

Il n’y a pas si longtemps un consultant visionnaire lui annonçait la fin des légumineuses. Antoine Wassner, son président, représentant de la septième génération à la tête de Sabarot (160 salariés ; 75 M€ de CA en 2022) a choisi de suivre le sillon tracé par la petite semeuse de lentilles encapuchonnée, le logo affiché sur ses paquets de légumineuses. Bonne option, puisque l’entreprise bicentenaire devrait afficher 20 % de croissance cette année et, sur sa lancée, vise les 100 millions d’euros en 2025 !

Ses racines fermement ancrées dans son terroir, à Chaspuzac (Haute-Loire), l’entreprise bicentenaire aux capitaux 100 % familiaux ne s’est pourtant pas assoupie sur les acquis qui ont fait sa réputation : les lentilles vertes du Puy, les champignons sauvages et les escargots en conserve, qui figurent parmi ses meilleures ventes à l’étranger… "Nous sommes des dénicheurs de graines", confie-t-il. Lentilles et, plus récemment, quinoa et boulgour, des best-sellers, génèrent 60 % de ses ventes. Des dénicheurs qui veillent au grain et investissent pour innover et se moderniser.

Faciliter les usages

Sabarot a investi 20 millions d’euros de 2018 à 2023, financé à 87 % par un pool de huit partenaires bancaires dont les principaux sont BNP, Crédit Agricole Loire et Haute-Loire, Caisse d’Épargne, LCL. 13 % du montant provient d’aides de l’État, soit 1,10 million d’euros de France Relance 2022 pour la tour de tri ; 1,10 million d’euros de la région AURA pour son procédé de cuisson surgélation et la modernisation de son magasin automatisé et 400 000 euros du département et de la communauté d’agglomérations du Puy-en-Velay.

"Depuis cinq ans, nous accompagnons la croissance de la consommation de légumineuses en les rendant plus faciles à utiliser", résume Antoine Wassner. L’entreprise a notamment investi 5 millions d’euros pour la création de son unité Individually Quick Frozen (IQF), un procédé innovant fruit de trois années de R & D en interne, qui transforme les légumineuses brutes en produits précuits surgelés, prêts à l’emploi. Avec ce procédé, Sabarot permet aux industriels de l’agroalimentaire et de la restauration collective d’intégrer facilement des protéines végétales dans leurs recettes, tout en maîtrisant parfaitement le coût de revient par portion, par ailleurs moins élevé que celui des conserves.

Ce produit surgelé cuit a déjà séduit Blini pour ses houmous, le traiteur régional Martinet et Bonduelle. Les restaurateurs y viennent aussi. "Nous misons beaucoup sur la restauration hors foyer, avec le développement de la livraison à domicile", ajoute celui qui se réjouit de la mode des salades et autres poke bowls, qui ont fait de son entreprise "un leader européen de la surgélation de légumineuses et céréales".

Accompagner la végétalisation de l’assiette

Depuis le démarrage de l’unité IQF en 2019, Sabarot a presque triplé ses volumes de production passant de 2 500 tonnes en 2018 à 7 000 tonnes en 2023, soit une capacité de 20 tonnes par jour permettant de répondre à l’engouement pour les assiettes végétalisées (19,2 % de croissance en valeur pour le marché des légumineuses en conventionnel). Représentant déjà 20 % du chiffre d’affaires, les volumes produits en surgélation devraient à nouveau quadrupler d’ici 2030.

En amont de la chaîne, l’entreprise a investi 3 millions d’euros pour la rénovation de la tour de tri des légumineuses, dont 1,1 million d’euros ont été financés par France Relance 2022. "En 2022-2023, nous avons remplacé tous les équipements afin d’améliorer la qualité du tri et doubler la capacité de production à 40 000 tonnes par an", déclare le dirigeant.

Le chiffre pourrait atteindre 80 000 tonnes en 2030, notamment grâce à la forte demande en lentilles - plus de 60 % du marché en valeur -, la graine qui tire la croissance de l’univers des légumes secs. Autre fait marquant, fort positif pour Sabarot : "ce sont les marques nationales qui se développent au détriment des marques de distributeurs, en régression de 14 % en volume sur l’année écoulée", ajoute Sabine Margot, responsable de la marque.

Centraliser la logistique pour réduire les coûts

Enfin, en 2020-2021, Sabarot a investi 6 millions d’euros dans un entrepôt automatisé de 2 000 m² sur 23 mètres de hauteur (l’équivalent de plus de 6 300 palettes), qui stocke et distribue ses 7 800 références produits à destination de plus de 70 pays (20 % des ventes à l’export en 2023). "Nous avons réduit de plus de 20 % nos coûts logistiques et réduit de 48 heures les délais de livraison en centralisant nos opérations logistiques sur notre site historique de Chaspuzac ", confie Antoine Wassner. Au passage, l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit du bâtiment a permis d’atteindre l’autonomie énergétique.

Depuis dix ans, en s’appuyant sur sa filiale Sabarot Agriculture qui accompagne les agriculteurs des filières locales de légumineuses, l’entreprise de Chaspuzac a renforcé son sourcing en France. "Il y a 15 ans, seulement 20 % de nos légumineuses étaient d’origine française. Aujourd’hui le taux atteint 80 %, dont 20 % sont cultivées dans la région", affirme le président de Sabarot. La tâche n’est pas toujours aisée. La très recherchée lentille verte du Puy (seulement 2 % des ventes) ne peut être cultivée que dans un secteur très circonscrit, au sein d’une zone de polyculture élevage.

Fédérer des filières de légumineuses locales

Pour inciter les producteurs à consacrer des terres à la culture des lentilles, en concurrence avec le soja et le maïs utilisés pour nourrir le bétail, Sabarot a dû augmenter ses prix d’achat au producteur de plus de 25 % en 2023. En partenariat avec Carrefour (voir encadré) et d’autres distributeurs, la filiale développe d’autres cultures locales (orge perlé, chanvre bio et bientôt sarrasin…) et surtout celle du petit épeautre du Velay, la nouvelle filière qui cartonne puisque les ventes de cet ancêtre du blé dépassent déjà en volume les ventes de lentilles vertes du Puy AOP.

Haute-Loire # Agroalimentaire