D’ici 12 à 18 mois, la zone d’activité économique de Saint-Martin-d’Hères, en bordure de la métropole grenobloise, devrait se transformer en une véritable centrale de production d’électricité solaire, destinée à alimenter les entreprises implantées localement. Du moins celles qui ont souhaité faire partie d’un projet innovant d’autoconsommation collective de grande échelle. Porté par le collectif BoucL Énergie, filiale du producteur d’énergies renouvelables parisien Everwatt (150 salariés, 10 M€ de CA en 2021), ce programme, fruit du partenariat entre une vingtaine d’acteurs territoriaux, vise à mettre en place une solution pour faire évoluer le mix énergétique local.
Mutualiser le foncier des acteurs locaux pour produire l’énergie
"Nous sommes partis du constat que les consommateurs comme les entreprises souhaitent désormais avoir leur rôle à jouer dans les problématiques énergétiques", explique Guillaume Ayné, directeur développement de BoucL Énergie. C’est dans cette optique qu’Everwatt, aux côtés de la Banque populaire d’Auvergne Rhône Alpes et du Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes ont investi 4 millions d’euros pour l’installation de 7 500 panneaux photovoltaïques sur les toits des entreprises de la ZAE ayant proposé de les héberger. Au total, huit sites deviendront des centres de production d’électricité solaire.
"Le but est de mutualiser les infrastructures : les entreprises qui ont du foncier disponible pour supporter des panneaux pourront ainsi consommer et partager le surplus avec d’autres partenaires qui n’ont pas les infrastructures nécessaires pour produire", explique encore Guillaume Ayné. Parmi les 23 partenaires locaux, figurent notamment le Centre technique et scientifique du bâtiment, des PME comme Precitechnique, My fitness Gym ou de grands groupes, tels que Lidl ou Rent a car, ces derniers mettant à disposition leur toiture pour l’installation de panneaux.
350 tonnes de CO2 économisés par an
L’intérêt du projet pour les acteurs locaux est double : dans le contexte actuel de flambée des prix de l’énergie, cette communauté territoriale d’énergie leur permettra de consommer une électricité moins chère puisqu’elle ne sera plus soumise au barème européen de fixation des prix. Le coût de l’électricité produite, injectée dans le réseau d’Enedis, sera calculé par Everwatt pour chaque consommateur, en fonction d’une clef de répartition. Enfin, alors que les entreprises vont devoir redoubler d’efforts pour réduire leur empreinte carbone, le projet devrait permettre d’économiser "350 tonnes de CO² par an, soit l’équivalent de 350 allers-retours entre Paris et New York en avion", affirme Christophe Ferrari, président de Grenoble Alpes Métropole, également partenaire du programme.
Valoriser la Zone d’activité économique de Saint-Martin-d’Hères
Autre particularité de cette boucle énergétique locale : être implantée sur une zone d’activité économique, un site déjà anthropisé et qui ne viendrait donc pas faire concurrence à un projet de développement agricole. Une façon de répondre à la problématique de raréfaction des sols disponibles, et de mettre en valeur les ZAE. Celle de Saint-Martin-d’Hères, qui abritait initialement les cuves d’essence d’Elf Aquitaine, fut transformée en zone d’activité dans les années 1970. "Les ZAE sont souvent vieillissantes et peuvent véhiculer une image obsolète, alors qu’elles possèdent beaucoup d’atouts pour contribuer à la transition énergétique : des surfaces disponibles et une localisation périurbaine à proximité des centres-villes, et notamment de quartiers avec une forte densité de logement accueillant des ménages en précarité énergétique", explique encore Guillaume Ayné. Qui rappelle que cinq bailleurs sociaux, dont Alpes Isère Habitat et Société Dauphinoise pour l’Habitat font partie des partenaires.
Un projet pilote
L’émergence de ce projet est également le fruit d’un changement législatif, qui a permis d’accroître le périmètre et la puissance des opérations d’autoconsommation collective autorisés. Ainsi, dans le cadre de la loi climat et énergie de 2019, la puissance cumulée maximale des installations est désormais de 3 MWc (Mégawatts-crête) et la distance maximale entre les points de livraison et d’injection d’électricité est de 2 kilomètres. Un changement d’échelle puisque le périmètre autorisé jusqu’alors était celui d’un simple bâtiment. Le projet de Saint-Martin-d’Hères ambitionne d’installer 3MWc pour une production de 3,6 CWh/an, afin de fournir 12 % de la consommation de la ZAE, soit le premier projet de cette envergure. Une douzaine d’autres boucles énergétiques collectives devraient voir le jour, dont une à Annecy et une à Chambéry.
