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Thierry Benedic (Groupe Benedic) : "Notre stratégie, c’est de devenir un petit acteur national plutôt qu’un gros régional"
Interview Metz # Immobilier # Stratégie

Thierry Benedic président du groupe Benedic "Notre stratégie, c’est de devenir un petit acteur national plutôt qu’un gros régional"

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Le président du groupe immobilier messin Benedic, Thierry Benedic, veut poursuivre la trajectoire qui lui a permis de réaliser 50 % de croissance sur les quatre dernières années. Entre croissances externes et développement national, le dirigeant commence aussi à tirer les bénéfices du rachat de la start-up Homeloop.

Thierry Benedic pilote le développement de son groupe immobilier depuis Metz — Photo : Jean-François Michel

Avez-vous bouclé le rachat des cabinets spécialisés dans la gestion de copropriété qui doivent sortir le groupe de son périmètre historique, la Lorraine ?

Au plus tard au printemps de cette année, nous devrions racheter un cabinet en Moselle Est. En Lorraine, nous sommes déjà le premier acteur sur la gestion de copropriétés, et dans notre esprit, nous visons désormais plus large. Dans le Grand Est, nous avons racheté un beau cabinet d’une vingtaine de personnes, Alsimmo, à Strasbourg. Maintenant que nous sommes implantés dans les grandes villes du Grand Est, l’idée est de commencer à avoir une implantation nationale, c’est pour cela que nous avons racheté un cabinet sur Paris, dans le 16e arrondissement. L’opération a été bouclée début octobre, et depuis, nous avons racheté deux autres petits cabinets dans le 14e et 17e. Nous avons donc une dizaine de personnes déjà sur Paris, pour tout ce qui est gestion immobilière. Le sens de notre développement, c’est d’aller dans les grandes agglomérations. Et la stratégie que nous avons écrite, c’est de devenir un petit acteur national, plutôt qu’un gros régional, et d’être présent dans la dizaine de grandes villes françaises.

C’est le marché qui se consolide ou c’est vous qui déclinez votre stratégie ?

C’est nous qui déclinons notre stratégie. Mais en parallèle de cela, la démographie des cabinets nous est favorable, avec beaucoup de gens qui ont entre 50 et 70 ans, n’ont pas de repreneurs ni l’envie de continuer. L’autre élément, c’est que les gros acteurs du marché, que sont Foncia, Nexity, Citya, sont moins actifs. Nexity vend tout son immobilier d’agence, suite au rachat par un fonds. Pour les autres, le prix de l’argent ayant fortement augmenté, ils achètent moins. Nous, en tant qu’acteur indépendant, nous avons une place à prendre sur ce marché. L’horizon que nous nous sommes donné à 10 ans, c’est d’avoir une dizaine d’implantations dans les grandes villes. Actuellement, nous sommes environ 200 personnes dans le groupe, et à 10 ans, nous serons à peu près entre 400 et 500 salariés. En prestation de service, nous faisons actuellement autour de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. Et l’objectif cible c’est de faire entre 30 et 50 millions d’euros, avec une grande partie de récurrent.

Comment allez-vous piloter ce changement de dimension ?

Notre enjeu, c’est de rester une entreprise avec des valeurs familiales. Sur notre nouveau logo, nous avons voulu insister sur "L’immobilier au cœur". Cela résume bien les choses : au cœur de l’immobilier, mais aussi au cœur des gens, au cœur des collaborateurs. L’enjeu, c’est que les collaborateurs se sentent toujours dans la famille Benedic, même s’ils ne sont plus au jour le jour avec moi. Donc nous allons grossir sans trahir nos valeurs, sans ouvrir non plus le capital, sans faire rentrer de fonds, en gardant à la fois les valeurs de la famille mais également l’actionnariat familial. À partir du moment où on fait rentrer des fonds, on doit des comptes, on doit du résultat. Et ce n’est pas ce que je souhaite. Toute la croissance est faite à la fois sur fonds propres et sur endettement bancaire, et si tout se passe bien, nous pourrons continuer à le faire comme cela.

Vous avez repris Homeloop en 2022. Est-ce que l’entrée dans le groupe de cette start-up faisant de l’achat immobilier instantané ou "iBuying", vous a bousculé ?

Quand nous avons repris Homeloop, la start-up faisait zéro chiffre d’affaires et il y avait 300 000 euros de charges par mois. Aujourd’hui, nous sommes quasiment à l’équilibre. Nous faisons plus de 2 millions d’euros de marge brute. Peu importe ce qu’on achète, la marge brute c’est ce qui permet de payer les salaires. Avec la crise, nous avons un peu modifié le modèle. La marque est très forte et conserve la possibilité d’acheter des biens, de faire de l’iBuying. Pour cela, nous avons encore levé 4 millions d’euros supplémentaires, donc au total, nous avons une quinzaine de millions d’euros de force de frappe pour acheter des biens. En parallèle, nous avons développé le réseau commercial. À la reprise de Homeloop, il y avait six experts dans les différentes villes pour vendre les produits. Aujourd’hui, nous sommes plus d’une vingtaine, avec l’objectif de doubler ce chiffre cette année, pour atteindre 40 experts sur Homeloop en 2024. Sachant que nous sommes à l’écoute du client pour savoir ce qui est le mieux pour lui. Vendre à Homeloop avec une décote ou alors une vente plus classique, au bon prix. L’idée est donc maintenant d’avoir les commerciaux qui permettent d’asseoir la rentabilité de la société par l’activité de mandat.

Est-ce que le iBuying a fonctionné comme vous l’imaginiez sur le marché français ?

Nous avons réalisé entre 50 et 60 opérations l’année dernière. Par rapport à notre outil d’estimation, sur les prix de revente, nous sommes à peine à 2 % d’écart. Car acheter, ce n’est pas difficile, c’est de revendre plus cher qui est compliqué. Et donc la valeur d’estimation est primordiale. Nous avions une marge brute cible de 12 %, et nous sommes entre 14 et 15 %. Donc le modèle, comme nous le faisons tourner, fonctionne. Homeloop, c’était une boîte de tech qui faisait de l’immobilier, et maintenant, c’est une boîte d’immobilier qui fait de la tech.

L’arrivée des outils de Homeloop au sein du groupe Benedic a permis de renouveler votre rapport avec vos clients ?

Pas aussi vite que j’aimerais. Mais nous sommes complètement investis sur le sujet puisque nous avons étoffé le marketing digital et nous avons désormais deux data analystes. La relation avec le client change, mais moi je ne crois pas à la relation digitale, je crois au digital comme outil dans la relation commerciale. Quand on achète un bien immobilier, la confiance est primordiale et cela reste absolument clé dans le métier. D’ailleurs, toutes les sociétés qui se sont développées autour de l’agence en ligne, soit en n'ayant plus de relation ou peu de relations humaines, ont quasiment toutes disparu.

Pour autant, l’acquisition de Homeloop a fait de vous un acteur particulier sur le marché immobilier…

À l’échelle de l’Europe, tous les gros acteurs ont arrêté, avec des entreprises qui ont levé plusieurs centaines de millions d’euros mais ne font plus d’opérations en iBuying. Aux États-Unis, Opendoor, fonctionne mais a réduit la voilure : ils sont actuellement à un peu plus de 1 000 acquisitions par mois contre 3 000 il y a encore quelques années. Concrètement, nous sommes donc le seul acteur à faire du iBuying en France. Quand nous avons repris Homeloop, nous voulions acheter pour dix ou douze millions d’euros, mais c’était avec notre argent. Quand d’autres disaient qu’il fallait faire 100 millions d’euros ou 200 millions d’euros. Sauf qu’il n’est pas si facile de changer d’échelle sur cette activité et que nous avons choisi de le faire prudemment. Ce modèle ne peut pas fonctionner sans y mettre de l’humain.

Vous lancez la commercialisation des 76 logements de votre projet immobilier L’Impératrice, la réhabilitation de l’Hôpital Bon-Secours à Metz. Malgré un marché compliqué, vos clients ont-ils répondu présents ?

Ce qu’il faut d’abord retenir, c’est que ce projet parle à beaucoup de Messins. Moi le premier, je suis né à Bon-Secours et ce bâtiment était l’hôpital emblématique en cœur de ville. Autour, un nouveau quartier a été construit, mais le bâtiment historique, lui, n’a pas été détruit et c’est celui-ci que nous réhabilitons. Sur Metz, dans le neuf, il y a rarement des programmes en ville parce qu’il n’y a pas de foncier, et là, nous avons la chance d’avoir un emplacement et un bâtiment uniques. En fin d’année, nous avons fait un peu de pré-commercialisation et nous avons déjà presque une quinzaine de biens vendus. Nous sortons un peu à contre-courant, mais le dossier est prêt depuis longtemps. Ce n’est vraiment pas un produit comme les autres.

Ce projet a été lancé en 2020 : comment avez-vous fait pour l’adapter aux nouvelles conditions de marché ?

Nous avons été choisis sur concours en 2020, au moment du Covid. Entre-temps, la municipalité a changé et, surtout, nous sommes entrés dans une explosion des coûts des matériaux, avec des augmentations de plus de 30 %. Il faut comprendre qu’une réhabilitation coûte plus cher que de faire du neuf. L’enveloppe, c’était un hôpital, donc à partir du moment où vous construisez pour y habiter, il faut passer par de nombreuses études, qui heureusement n’ont pas débouché sur de mauvaises surprises mais sur des surcoûts. Au total, il faudra injecter une quinzaine de millions d’euros de travaux dans ce projet. Comme nous avons un coût de travaux qui est très important, nous avons passé du temps à tout revoir. Et en parallèle, nous sommes appuyés, pour ce projet de près de 6000 m² de surface de plancher, sur un acteur de la construction et de la promotion à la fois locale et avec de larges épaules, qui est le groupe Demathieu Bard. Nous avons décidé de le faire en co-promotion avec Demathieu Bard Immobilier, avec qui nous sommes associés sur ce projet. L’idée forte pour moi, c’était de vendre à des Messins. J’ai refusé plusieurs propositions de défiscalisation, de vente avec des avantages fiscaux ou avec des démembrements de propriété. Le projet doit sortir à un vrai prix de marché. Il aurait donc été possible d’aller plus vite, mais je voulais que ça soit commercialisé localement, à des prix de marché locaux, soit entre 4 000 et 5 000 euros du mètre carré, pour les petits logements, destinés au marché locatif. Et autour de 3 000 à 4000 euros du mètre carré pour les autres appartements.

Quand comptez-vous lancer les travaux ?

Nous avons besoin de vendre environ la moitié des logements, soit une bonne quarantaine, pour pouvoir attaquer les travaux. Au plus tard en septembre 2024, je dirais que nous pourrons les lancer, pour une livraison en 2026.

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