Terrena résiste à la crise et prépare sa nouvelle mission pour 2030
# Agroalimentaire # Investissement

Terrena résiste à la crise et prépare sa nouvelle mission pour 2030

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Terrena va bien. La troisième coopérative agricole de France a renoué avec les bénéfices en 2019, ce qui lui permet d’affronter la crise sanitaire sans trop de craintes. Le confinement lui a permis d’affiner sa prochaine feuille de route pour 2030. Objectif : encore plus de bio, mais aussi plus de bien-être pour les animaux, plus de liens avec les agriculteurs et avec le territoire.

— Photo : Terrena

Résistante et résiliente. La coopérative Terrena (4,85 Md€ de CA, 13 838 salariés, 21 280 agriculteurs), troisième coopérative agricole française, devrait clôturer l’année 2020 sans trop de dommages étant donné le contexte si particulier lié au coronavirus. Même si les résultats devraient être moins bons que lors de l’exercice 2019 (5,2 M€ de résultat net en hausse de 20,1 M€ pour 2019), qui a permis au groupe d’Ancenis (Loire-Atlantique) de renouer avec les bénéfices et de finir la lente et douloureuse digestion du volailler Doux.

« Pour 2020, nous attendons de voir ce qui se passera à Noël, qui représente pour nous une grosse période », explique Alain le Floch, directeur général du groupe depuis 2019. « On a subi une baisse des récoltes cet été de l’ordre de 30 % mais, à part cela, on aurait été positif », avance Olivier Chaillou, président de la coopérative. « Le fait d’être un groupe centré sur le marché français et d’être aussi diversifié nous a permis de bien résister. On a pu sécuriser nos agriculteurs-adhérents, on a joué le rôle d’amortisseur », poursuit le président de la coopérative.

Du côté des concurrents aussi, l'impact du premier confinement au printemps aura été mesuré. Le groupe coopératif Agrial (12 500 agriculteurs-adhérents, 22 000 salarié, 6,1 Md€ de CA en 2019) a "seulement" selon son directeur général, subi une baisse de 7% de son chiffre d'affaires et de 20% de baisse liée à la baisse d’activité et aux surcoûts industriels et logistiques (achats de masques, produits barrière…). En conséquence le groupe normand ( Florette, Eurial, Kerisac, Soignon etc) a choisi de diminuer son plan d’investissement de 25 % à 30 % et de les reporter sur 2021

Un confinement riche d’enseignements

Terrena, troisième coopérative agricole française derrière Agrial et In Vivo, a la particularité d’être présente sur toutes les filières alimentaires. La coopérative est la deuxième productrice de volailles en France (1,47 Md€ de CA, 4 900 salariés), n°2 de viande bovine (1,26 Md€ de CA, 3 100 salariés), leader sur le porc bio (180 M€ de CA, 250 salariés). Elle est aussi présente sur le lapin (210 salariés, 58 M€ de CA), le lait (880 salariés, 528 M€ de CA), le végétal (2 170 salariés, 940 M€ de CA), le maraîchage avec le Val Nantais (270 salariés, 88 M€ de CA) et le vin.

En attendant le bilan comptable 2020, la crise sanitaire aura eu de toute façon un impact positif pour l’image de marque de Terrena et pour le moral des troupes. « Il a fait bon être agriculteur pendant la crise. On a pu travailler et l’agriculture a été remise en avant », observe Olivier Chaillou. Le confinement puis le déconfinement ont aussi été riches d’enseignements pour la coopérative qui est en pleine préparation de sa feuille de route 2030. Ils ont mis en surbrillance des mutations qui étaient sous-jacentes.

Le bio et les produits labellisés toujours en croissance

à gauche Olivier Chaillou, président et à droite Alain Le Floch, directeur général du groupe Terrena. — Photo : Terrena

« Tout ce qui est produit élaboré (steak haché, saucisses, etc.) s’est bien comporté. On pensait que le confinement aurait fait revenir les gens en cuisine mais pas vraiment. On a vu des ventes décoller », observe Alain Le Floch. Tous les produits bio, label rouge ou issue de la marque La Nouvelle Agriculture ont aussi bien fonctionné. Tous ces produits différenciés représentent aujourd’hui 27 % du chiffre d’affaires de Terrena (+20 % pour la Nouvelle Agriculture, +14 % pour les filières bio en 2019). « Tous les produits dits de confiance ont bien fonctionné pendant le confinement. Mais on sait que la limite pour le consommateur sera le pouvoir d’achat, qui risque de ne pas s’améliorer avec la crise. Il y aura donc toujours une demande pour des produits simples, sur lesquels les consommateurs veilleront à la façon dont ils sont élaborés », résume le directeur général.

Le dernier investissement massif de Terrena répond en partie à cet objectif. Terrena investit 43 millions d’euros dans un nouvel abattoir de volailles à Ancenis spécialisé dans la valorisation des volailles issues de filières différenciées (la Nouvelle agriculture, bio, label Rouge). Il servira à 410 exploitations installées aux alentours. Il intégrera de nouveaux dispositifs sur le bien-être animal élaborés avec des ONG spécialisées dans ce domaine. Ouverture prévue en 2022 avec 435 salariés. A noter que parallèlement, Terrena envisage de céder à son associé irlandais Dawn Meats, le numéro deux de la viande rouge en Irlande et au Royaume Uni, sa filiale de transformation de viande Elivia.

L’utopie de l’autonomie protéique

L'investissement dans un nouvel abattoir plus respectueux du bien-être animal n’est qu’une première étape dans sa volonté d'engager des pratiques agricole différenciantes, basée sr l'économie territoriale. Dans sa feuille de route 2030, Terrena veut tendre vers l’autonomie protéique, qui consiste à cultiver soi-même les protéines destinées à l’alimentation des bovins plutôt que de les acheter à l’extérieur, et réduire ainsi les coûts et son empreinte carbone. « Nous avons tous les savoir-faire, on a beaucoup de briques pour réaliser cette forme d’utopie », explique Alain Le Floch. Ainsi Terrena s'engage à réduire sa part d'importation de soja d'ici à 2025 et à amplifier le développement des filières de production de protéines sur son territoire telle que le lin, le lupin, la féverole et la luzerne.

Cette « forme d’utopie », engendre une autre réflexion stratégique ambitieuse pour le groupe : retravailler sa supply-chain, sa logistique dans l’optique de préserver le territoire. « Nous avons la conviction qu’il y a des compléments inter-territoires à faire. Nous sommes le seul à même d’aménager le territoire », explique le directeur général. Autres engagements pris par le groupe à horizon 2025 : arrêter la production d'oeufs issus de poules pondeuses en 2025 et développer des alternatives au glyphosate.

Cette valorisation du local, du territoire répond à une demande du consommateur mais aussi des agriculteurs. C’est ce qui ressort de la grande consultation réalisée par la coopérative, entre décembre 2019 et février 2020, auprès de ses plus de 21 000 agriculteurs adhérents. « Certains se posent la question de la distribution locale. On ne va pas faire l’économie de se poser la question, même si le modèle n’est pas encore trouvé », explique Olivier Chaillou.

Plus de communication avec les agriculteurs

Ces agriculteurs, qui pour certains ont pu se sentir par le passé victimes de l’ "agribashing", manifestent également un fort besoin de communiquer. « Nos adhérents ont besoin d’avoir une relation plus proche. Ils ont besoin que l’on vienne les voir. Ils nous demandent aussi de les aider à communiquer avec leurs voisins et avec les élus, qu’on les accompagne et que l’on communique pour eux ».

Pour accompagner ces transitions, Terrena a revu son organisation et créé une direction du développement agricole. Elle est placée sous la responsabilité de Christophe Couroussé, qui avait piloté le lancement de La Nouvelle Agriculture, la marque qui tire aujourd'hui la croissance de la coopérative . Cette division regroupera Innovation et data, RSE, qualité, marketing groupe, Terrena force de vente, relations adhérents et communication.

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