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Sorégies met les énergies renouvelables à portée de main des territoires
Poitiers # Production et distribution d'énergie # Stratégie

Sorégies met les énergies renouvelables à portée de main des territoires

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Sur le milliard d’euros d’investissement que le groupe Sorégies prévoit d’ici 2030, la moitié sera dépensée entre 2024 et 2026, preuve de l’accélération de l’activité. Déjà producteur, fournisseur et distributeur d’énergie - électricité et gaz -, la SAEML de Vienne devient agrégateur et prouve que les énergies renouvelables sont compétitives en quittant les tarifs réglementés de l’État.

Frédéric Bouvier président du directoire du groupe Sorégies, l’une des plus grosses ETI de Nouvelle-Aquitaine — Photo : Sorégies

Le groupe poitevin Sorégies est atypique à plus d’un titre. Son ancêtre bientôt centenaire sortait déjà des sentiers battus et jouait l’électron libre. Dans l’Entre-deux-guerres, il s’agissait alors d’électrifier les territoires ruraux. Les acteurs privés s’étaient concentrés sur les villes. Dans la Vienne, les maires se regroupent et créent leur propre opérateur. En 1925 naît la régie chargée d’opérer cette électrification. "Cette dimension mutualiste nous guide encore", rappelle volontiers Frédéric Bouvier, le président du directoire. Ainsi que l’ancrage fort dans le territoire et les circuits courts.

Le groupe Sorégies est aujourd’hui producteur, fournisseur et distributeur d’électricité et de gaz au-delà des frontières de la Vienne, notamment via sa filiale Alterna qui regroupe 50 entreprises locales. La Vienne demeure néanmoins son territoire phare puisqu’elle y concentre ses forces (460 collaborateurs, 40 autres sont en Isère et dans le Lot dans la filière hydroélectricité) et que son actionnaire principal, public, est toujours le syndicat Énergie Vienne - aux côtés du Crédit Agricole et de la Banque des territoires -, ce qui lui confère le statut de société anonyme d’économie mixte locale (SAEML).

Sourcer l’énergie et valoriser les circuits courts

Son objectif : produire toujours plus d’énergies renouvelables (100 % en 2030), davantage en actifs propres (1 000 GWh), commercialiser en circuit court à prix aussi compétitifs que ceux du nucléaire et hors des tarifs garantis par l’État.

"Dans la Vienne, notre stratégie c’est de sourcer 100 % de l’énergie à nos 136 000 clients avec nos propres actifs de production, en mixant 60 % d’éolien, 25 % de photovoltaïque, 15 % d’hydroélectrique et des ouvrages de stockage", explique Frédéric Bouvier. Partout ailleurs, via sa filiale Alterna, "25 % des solutions commercialisées sont issues d’énergies renouvelables, notamment en PPA de 3 ou 15 ans, comme le contrat que nous venons de signer avec Décathlon." Un PPA - pour Power Purchase Agreement - étant un contrat d’achat d’électricité verte à prix stable, parfois produite sur le site du client. À tous, Sorégie garantit la traçabilité de l’énergie et de la centrale, "et pas seulement des certificats qui fonctionnent en marché parallèle, promet le président du directoire. Nous commercialisons en priorité des offres labellisées Vertvolt par l’Ademe."

Dans le peloton de tête des ETI de Nouvelle-Aquitaine (1,5 Md€ de CA en 2022, 2 Md€ estimés en 2023), l’entreprise dispose de plus de 260 centrales éoliennes, photovoltaïques, hydroélectriques et biomasses en France, tantôt en propre, tantôt via des partenaires.

Le groupe dispose de plus de 260 centrales éoliennes, photovoltaïques, hydroélectriques et biomasses en France — Photo : Sorégies

Sortir des tarifs réglementés de l’État

"Depuis 2021, nous revoyons régulièrement nos objectifs à la hausse, reprend le dirigeant. À l’époque, quand nous avons présenté notre plan stratégique Énergie Vienne 2030, nous voulions déjà être en capacité de couvrir 100 % de la consommation de nos clients de la Vienne, soit 1 000 GWh de production qui nous appartient. Puis, il y a eu la crise du marché de l’énergie en 2022, une crise de l’équilibre entre l’offre et la demande. Nous détenions alors beaucoup d’ENR, mais dans un modèle financier. Nous étions trop exposés à la volatilité des marchés. Or, une hausse des prix pour les clients c’est un risque d’impayés pour nous. Donc, nous avons accéléré. Notre première réponse a été pour les clients professionnels d’extraire une partie de nos ouvrages et contrats des prix garantis par l’État. Nous avons regardé quels actifs avaient un prix de revient compétitif pour les débrancher de la perfusion. Nous avons sorti de nombreux parcs éoliens pour renouveler nos clients à prix de revient. En parallèle, il nous fallait plus d’énergie." D’où le développement de l’activité d’agrégateur.

Devenir agrégateur et accélérer

"Ce sera une activité stratégique du monde à venir", précise encore Frédéric Bouvier. L’agrégateur est l’intermédiaire entre la production et le marché, qui doit assurer la stabilité du réseau alimenté par les multiples sources d’énergies renouvelables en jouant sur la flexibilité de ses partenaires disposés à absorber ou libérer de l’énergie. "Il faut être capable de cumuler des productions d’ENR, les valoriser et les transformer en produit de fourniture ou en PPA. Concrètement, ce sont des petits, moyens et gros producteurs - des régies, des SEM, des acteurs privés - qui nous font confiance en nous cédant leur énergie renouvelable." Le groupe mise désormais beaucoup sur cette branche décisive. "On est passé de pas grand-chose à 1,5 TWh en quelques mois."

À travers elle, Frédéric Bouvier fonde l’avenir sur les énergies renouvelables. Ce qui n’était qu’une filiale créée en 2001, Sergie, fusionne début 2024 avec sa filiale distribution. C’est la course à la collecte massive d’ENR partout en France. "Le mix énergétique est capital, le stockage de flux aussi ainsi que le foisonnement géographique pour éviter d’être soumis aux mêmes aléas climatiques (tempêtes, manque d’ensoleillement, etc.)", estime l’homme.

Le groupe y a consacré 153 millions d’euros en 2022, environ 140 en 2023, et prévoit 500 millions d’euros en 2024-2026, soit la moitié du budget total d’1 milliard d’euros annoncé dans le plan Énergie Vienne 2030.

250 millions d’euros de la BEI pour 44 projets

Pour y parvenir, Sorégies peut compter sur le soutien de la Banque européenne d’investissement (BEI) qui vient, fin novembre, de lui octroyer un prêt de 250 millions d’euros dans le cadre du programme Invest EU de l’Union européenne. Le second, après les 70 millions d’euros accordés en 2017.

Le parc éolien de Chaunay (Vienne), inauguré fin novembre 2023, doit entrer en fonction en janvier et produire avec trois éoliennes l’équivalent du parc voisin qui en comprend neuf — Photo : Sorégies

Le plan d’investissement sur 2024-2026 est consacré pour un tiers à la modernisation et à la numérisation des réseaux de distribution d’électricité et, pour deux tiers, à la production d’énergie renouvelable. Les fonds de la BEI contribueront ainsi à financer l’acquisition ou la construction de 44 parcs photovoltaïques et éoliens pour une capacité totale de 307 MW. "Pour l’instant, trois parcs éoliens sont prévus dans la Vienne", précise Frédéric Bouvier, dont deux entrent en production début 2024. "Celui de Chaunay ne comprend que trois éoliennes qui alimenteront le circuit pendant 25 ans, mais il produit autant que le parc voisin qui en compte neuf." En quelques années, les progrès sont énormes. L’efficacité des éoliennes a été multipliée par trois. Et, innovation de taille, "elles seront mises en production sans les tarifs garantis par l’État, je pense que c’est une première en France", estime le dirigeant.

Encadré 1 : Une direction générale collégiale

Fin 2023, le groupe a musclé sa gouvernance et opté pour une direction générale collégiale. Frédéric Bouvier, à la tête de l’ETI depuis mai 2020, est devenu président du directoire, composé de quatre directeurs généraux adjoints : Vincent Giraud chargé des gaz, infrastructures et R & D ; Pascal Grimaud pour les ressources mutualisées ; Antonin Marcault en charge de la partie "Fournir l’énergie" et de la direction générale d’Alterna énergie ; et Anna Wachowiak, DG adjointe "production, achat et valorisation de l’énergie, innovation, communication et affaires publiques". Ce nouvel état-major établi pour cinq ans est le garant de "l’excellence opérationnelle", telle que la nomme Frédéric Bouvier. "Mon enjeu n’est pas tant d’avoir une bonne stratégie que l’assurance de la mettre en œuvre. Cela nécessite une gouvernance qui maîtrise les process métiers pour que l’on soit juste du premier coup."

Sorégies a opté pour une direction collégiale fin 2023, avec Vincent Giraud, Pascal Grimaud, Antonin Marcault et Anna Wachowiak — Photo : Sorégie

Encadré 2 : Mobilité et aide à la transition énergétique

Dans la Vienne, Sorégies est aussi un opérateur de mobilité électrique, à travers un réseau de bornes de recharge pour véhicules électriques lancé dès 2015. "De 150 bornes actuelles, nous voulons atteindre près de 1 000 fin 2025", annonce Frédéric Bouvier.

Enfin, Sorégies compte aussi développer sa plateforme de solutions et de services pour aider à la transition énergétique des territoires. Depuis 2021, le groupe détient 30 % du capital du belge Haulogy, acteur de l’IT en Europe qui accompagne les gestionnaires de réseaux et fournisseurs d’énergie. Ensemble, les sociétés ont créé une coentreprise, basée à Poitiers, pour adresser le marché français. "Concrètement, il s’agit de répondre à des questions telles que "comment piloter son réseau ? Comment rapprocher la production de la consommation ? Comment déployer l’autoconsommation". "C’est cela accompagner les territoires", conclut le dirigeant.

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