Soka investit 5,5 millions d’euros dans le ciment décarboné et va devenir producteur d’énergie
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Soka investit 5,5 millions d’euros dans le ciment décarboné et va devenir producteur d’énergie

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La costarmoricaine Soka, qui appartient au groupe bretillien Carrières des Lacs, a investi 5,5 millions d’euros pour la fourniture d’un kaolin spécifique destiné à la production de ciments décarbonés. Si la PME mise sur l’extraction et la transformation de cette argile blanche, elle va également devenir productrice d’énergie. Et cela, via une centrale biomasse et un parc photovoltaïque qui alimenteront son usine, ainsi que d’autres entreprises et des habitations.

Séverine Dudot, directrice générale de Soka, déborde de projets pour trouver de nouveaux marchés pour le kaolin — Photo : Matthieu Leman

L’entreprise Soka (82 salariés en France, 23 M€ de CA en 2022) exploite cinq gisements de kaolin, cette fameuse argile blanche, à Quessoy et au Méné (Côtes-d’Armor) ainsi qu’en Ukraine (où elle emploie 70 personnes). Récemment, elle vient d’investir 5,5 millions d’euros dans l’extraction et la fourniture d’un kaolin spécifique destiné à la production de ciments décarbonés. La nouvelle unité comprend des outils d’extraction et de convoyage, de stockage de 5 000 tonnes, de contrôle des lots et d’expédition.

La fin du chantier aura lieu en mars ou avril 2024. L’État, via son dispositif France 2030, participe au financement à hauteur de 750 000 euros. Le reste provient d’auto-financements, de partenaires financiers (CIC Vendée, Crédit Agricole Côtes-d’Armor) et de Bpifrance (prêt vert de 3 millions d’euros).

"L’idée du ciment décarboné est de limiter la part de clinker, extrêmement polluant, dans sa fabrication", explique Séverine Dudot, directrice générale de l’entreprise costarmoricaine depuis 2017. "En lui substituant d’autres minéraux, on parvient à baisser la facture énergétique de 800 à 500 kilos de CO² par équivalent tonne. Avec le métakaolin, on passe à 130 kilos de CO²." L'expérimentation pour arriver à ce résultat, a été menée depuis plusieurs années avec des cimentiers. Un premier contrat en 2022, puis d’autres, notamment avec un producteur de ciment blanc des Pays Bas, sont venus valider le modèle économique.

1,2 million d’euros d’investissement annuel

"C’est une diversification majeure de notre activité", s’enthousiasme la DG. "Avec une production prévue de 150 000 tonnes de ce kaolin spécifique par an, nous allons augmenter de 50 % notre volume d’extraction." Pour ce projet, quatre collaborateurs supplémentaires ont été recrutés, confirmant une augmentation régulière des effectifs (ils étaient de 54 en 2013).

Stéphane Brunel, directeur des opérations industrielles, devant les nouvelles installations sur le site de Soka à Quessoy — Photo : Matthieu Leman

Ce nouveau débouché du kaolin vient sanctionner un travail de R & D essentiel pour la PME, qui consacre chaque année 1,2 million d’euros en dépenses d’investissement. "15 % de notre chiffre d’affaires actuel est généré par le résultat de travaux de recherche menés cinq ans auparavant. Ils nécessitent beaucoup de mises au point et de tests chez les clients", indique l’entreprise. Parallèlement au ciment, Soka a développé un procédé de calcination du kaolin qui permet de fabriquer des produits anti-parasitaires pour la vigne et les arbres fruitiers. "Nous avons actuellement 28 autorisations de mise sur le marché en cours et continuons à tester des produits pour de nouveaux arbres fruitiers et sur de nouveaux parasites. Nous commercialisons une partie de nos produits en direct et une autre avec des distributeurs, avec lesquels nous avons développé le label Cœur de Kaolin", précise la dirigeante.

Alimenter le bourg en énergie

L’autre grand projet de Séverine Dudot est de faire de Soka un producteur d’énergie. "Nous avions travaillé avant le Covid à la construction d’une centrale biomasse. Nous avons relancé le projet avec Dalkia. L’unité produira de l’énergie destinée à l’alimentation du bourg de Quessoy et de serristes", annonce la cheffe d’entreprise. Dix à douze millions d’euros seront investis dans l’équipement, dont la construction débutera en 2024.

Celui-ci alimentera également un réseau de chaleur sur le territoire. "Nous voulons aller vite, confie Séverine Dudot. Et nous positionner comme zone d’accélération dans le cadre de la loi ENR (NDLR : loi relative à la production des énergies renouvelables de mars 2023, qui permet notamment d’obtenir des subventions)." Un autre projet d’envergure concerne la création d’un parc photovoltaïque sur une partie des 300 hectares du site de Quessoy, sur les zones de futures carrières en particulier. L’électricité devrait être dédiée à de l’autoconsommation mais aussi à l’alimentation du réseau public et d’industriels voisins, comme Marie Morin.

Le site ukrainien continue

Soka réalise 50 % de son chiffre d’affaires avec ses marchés des céramiques et des matériaux réfractaires, dont 98 % en grand export. Cette activité représentait l’intégralité de son chiffre d’affaires en 2000. L’entreprise a ensuite développé les utilisations du kaolin comme charges minérales (compléments de recette de fabrication qui apporte de la blancheur, de la résistance…) dans des domaines aussi variés que ceux de la production de plastique, caoutchouc, peinture, colle ou le domaine de l’alimentation animale.

À noter que l’entreprise, qui appartient au groupe bretillien Carrières des Lacs, produit 45 000 à 50 000 tonnes de matières lavées par an en Ukraine, contre 130 000 tonnes dans les Côtes-d’Armor. Lors du conflit avec la Russie, Soka a aidé de nombreuses familles de ses salariés à se mettre à l’abri dans le département. Classées comme activités stratégiques, l’usine de transformation et l’extraction continuent aujourd’hui en Ukraine après que la société a construit un abri anti-bombe et équipé le site de groupes électrogènes. Là-bas, comme pour le gisement costarmoricain, les réserves s’étendent sur une centaine d’années.

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