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Smart city : Les entreprises rennaises sont-elles prêtes ?
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Smart city : Les entreprises rennaises sont-elles prêtes ?

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Enjeu d'avenir, la dimension « smart » se décline partout : entreprises, collectivités, territoires, industries, réseaux... Le bassin rennais veut jouer son rôle dans ce domaine et a des atouts à faire valoir. Ses entreprises ont-elles pris le sujet à bras-le-corps ? Tour d'horizon.

— Photo : Le Journal des Entreprises

Pour Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole, « smart grids » et autres « smart… » promettent de transformer la cité. La ville de demain a pour enjeu de devenir donc connectée et surtout « intelligente » : des transports économiques écologiques et rationalisés, des énergies maîtrisées jusque dans les foyers, des usages de données ouvertes… Une révolution qui a déjà commencé à Rennes, où les entreprises s’emparent du sujet. À tel point que la capitale bretonne pourrait bien devenir la tête de file des villes européennes en la matière. La preuve : après Rome et Eindhoven en 2015, c’est Rennes qui va accueillir la prestigieuse rencontre Knowledge Society Forum Eurocities, le mois prochain. « Il réunit les villes qui travaillent sur les cités intelligentes pour partager leurs travaux », explique Norbert Friant, Monsieur numérique à Rennes Métropole.

Jouer dans la cour des grands

Rennes et le territoire breton veulent jouer dans la cour des grands, au même rang que Rome, Barcelone, Milan… « Parmi les 17 démonstrateurs effectifs en France, nous avons démontré que nous maîtrisions les technologies », se félicite Gérard Le Bihan, du pôle Images & Réseaux. On attend désormais la réponse imminente de l’appel à projets de l’État concernant « Smile » (SMart Ideas to Link Energies). Ce programme et ses financements - on parle de 80 millions d’euros - propulseraient la Bretagne et son partenaire des Pays de la Loire en tête d’affiche, pour bâtir LE grand réseau électrique intelligent de l’Ouest. Un beau « terrain de jeu » selon Hugues Meili, dirigeant du groupe d’applicatifs digitaux Niji. Vu l’intérêt, 95 entreprises du territoire se sont déjà manifestées. « Le terrain de jeu de Dassault Systèmes dans la ville, c’est la métropole rennaise ! », rappelle Gérard Le Bihan. Avec IBM, Rennes Métropole et Images & Réseaux, ils ont d’ailleurs lancé des appels à projets pour encourager l’innovation numérique. Il en ressort plusieurs programmes labellisés, qui ont reçu chacun un financement de l’État de 70 000 € pour six mois d’expérimentation.

C’est le cas du Super Citizen Smart Sensors par exemple, porté par les entreprises rennaises Wi6Labs (10 salariés) et Alkante (20 salariés, 1,3 million d’euros de CA). Il doit mettre en place une chaîne complète de collecte et de traitement de données environnementales horodatées et spatialisées s’appuyant sur la technologie LoRa. Les données produites seront mises à disposition dans des formats dits « ouverts » (open data) et interopérables (OGC). Sans oublier la cybersécurité dont peuvent aussi se prévaloir les Bretons. Wi6Labs, par ailleurs en lien avec Kerlink (50 salariés, 8 millions d’euros de CA), a participé à la mise en place à Rennes du premier réseau public d’objets connectés (autre domaine dans lequel la métropole a une carte à jouer) : LoRa Fabian (pour Long range for a beautiful internet advanced network). Avec le laboratoire de l’école Télécom Bretagne, ils ont placé des antennes et des capteurs dans la ville qui, avec LoRa, très économe en énergie, relèvent les consommations d’énergie, d’eau, l’état du trafic…

La ville de demain à petite dose pour l’instant !

« Il y a beaucoup d’acteurs à Rennes, de PME, de start-up et même des grands groupes, constate Norbert Friant. Maintenant, il faut professionnaliser tout cela, en faisant travailler ensemble tout le monde ». Élus, habitants, techniciens, ingénieurs… « tous doivent être dans le même silo pour créer des projets improbables ! » C’est possible à Rennes, notamment grâce à la sensibilisation de la collectivité, la première à libérer ses données publiques en France. Ses vélos sont déjà connectés et leur présence s’autorégule via une application (Vélo Star). La mobilité douce est encore à améliorer, et Data2B créée en 2015 (4 collaborateurs) y réfléchit pour Rennes, dans le cadre du projet BigCycleData. La carte de transports Korrigo est également courtisée par d’autres villes pour sa norme logicielle unique qui permet de l’utiliser pour plusieurs usages de la vie quotidienne en smart city (transports, piscine, bibliothèque…).

Open energy data

Un projet d'« open energy data » est également en train de voir le jour, en lien avec Télécom Bretagne et piloté depuis le bâtiment de la French Tech : Le Mabilay. C’est la start-up Energiency (12 salariés), sur place, qui pilote le projet, pour l’instant à l’échelle du « smart Mabilay ». « L’idée est de récupérer des données de capteurs dans tout le bâtiment et d’afficher en couleurs (vert ou rouge) les économies d’énergies réalisées par les occupants », détaille Arnaud Legrand, son fondateur, qui propose des solutions pour la performance énergétique industrielle. Le nom de Lacroix-Sofrel, à Vern, revient dans les conversations. Cette PME experte mondiale a fait de la télégestion des réseaux de fluides sa force.

Objectif : inciter les habitants à envoyer leurs données de consommations d’énergie de manière sécurisée pour les collecter à grande échelle et les mettre à disposition de développeurs de réseaux électriques intelligents. « Nous avons besoin de rendre tous ces réseaux de distribution intelligents. Les majors l’ont compris », ajoute Gérard Le Bihan. « Les énergéticiens sont partis les premiers… Nous y sommes forcément présents depuis une dizaine d’années », atteste un cadre rennais de l’un d’eux. Mais pour beaucoup le modèle économique se cherche encore. Qui paiera ? « Le marché n’est pas encore défini et construit. Chacun a une pièce du puzzle, nous en faisons tous un peu, analyse cet observateur. Si les citoyens ne sont pas impliqués, il ne se passera rien et il faut aider les start-up à émerger et à se développer. Ce sont elles les passerelles ! »

Tout l’ADN ici pour aller loin

Pour Arnaud Legrand, « c’est le début de l’aventure, rien n’est gagné encore pour Rennes, mais on a tout l’ADN pour réussir. » Car on peut aller beaucoup plus loin, « Rennes a des spécialistes de tout, mais il faut dépasser le stade du bricolage. L’innovation vient de l’improbable et de l’utilisateur ». C’est pour cela que Rennes organise MaisonMix fin avril, sorte de start-up week-end pour développer des projets avec cas d’usages et « remixer la maison ». À l’instar de noms comme Delta Dore, pour la maison connectée (820 salariés, CA : 126 M€), ou le costarmoricain Ökoled, expert en éclairage. Des entreprises capables d’engager de nouveaux modèles et qui ont leur vitrine à Rennes.

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