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Sébastien Paris : "Il nous manquait 150 000 à 200 000 euros pour redresser la barre"
Interview Sophia Antipolis # High-tech

Sébastien Paris fondateur et dirigeant d’Onhys "Il nous manquait 150 000 à 200 000 euros pour redresser la barre"

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Éditeur de logiciel à Sophia Antipolis, Onhys (8 collaborateurs, CA 2022 : 200 000 euros) a été mis en liquidation judiciaire en novembre dernier, huit ans après sa création. La start-up deeptech avait conçu une solution de simulation des comportements et flux de populations pour optimiser la conception et gestion de bâtiments et lieux publics. Son fondateur, Sébastien Paris, explique ce qui a conduit Onhys à baisser le rideau.

Sébastien Paris a fondé la start-up deeptech Onhys en 2015 — Photo : Olivia Oreggia

Quand avez-vous su que Onhys ne serait pas sauvée ?

C’est assez récent. J’ai essayé beaucoup de choses pour redresser la barre : une conciliation, des négociations avec nos créanciers, avec Bpifrance, mais personne n’a rien voulu entendre dans le contexte actuel. Il y a à peu près deux mois, on savait que c’était plié.

Vous essayiez de lever des fonds depuis plusieurs mois déjà. Que s’est-il passé ?

Nous avions des éléments intéressants pour cela : nous avons ouvert de beaux contrats, nous avions de grands noms parmi nos clients à l’image du gouvernement monégasque, nous avons été labellisés Hi France. Nous n’avions pas encore trouvé notre modèle récurrent permettant d’avoir un beau chiffre d’affaires. Le nôtre était de 200 000 euros, c’est assez faible mais il était en croissance. Nous avons disparu pour pas grand-chose. Il nous manquait 150 000 à 200 000 euros pour redresser la barre, c’est vraiment ridicule. Disons que les banquiers sont actuellement peu arrangeants.

Qu’est-ce qui vous a menés à cette liquidation ?

Nous sommes passés par une cascade d’événements. Tout a commencé en 2021, nous avions pris un PGE mais nous avions anticipé une croissance et recruté en conséquence. Or, il y a eu des erreurs de recrutement, avec des personnes qui n’étaient vraiment pas compétentes. Nous avons mis une année à vraiment faire le ménage, ce qui nous a coûté très cher et a fait exploser nos fonds propres puisque nous n’avons passé aucun contrat en 2021. Nous étions encore dans cette incertitude post-Covid où personne n’avait vraiment repris l’organisation d’événements. Nous avions des contrats en cours que nous avons mis 18 mois à signer ! 2021 a vraiment été une année catastrophique mais nous avons réussi à passer tout cela puis 2022 a été une très belle année avec de nombreux contrats signés, notamment aux États-Unis. Le gros problème est arrivé avec Serenity (soutenu par Bpifrance dans le cadre de France 2030, et par l’Europe, Serenity est un projet innovant de trois ans autour de la planification urbaine et de la gestion des grands évènements. Il réunit le laboratoire de l’IMREDD (Nice), le groupe Siradel Engie (Ille-et-Vilaine) et les entreprises Atrisc (Haut-Rhin), Inocess (Nice) et Videtics (Sophia Antipolis), NDLR), un très beau projet dont nous étions chef de file. Mais Bpifrance a mis 10 mois à faire signer les contrats. Or, les avances remboursables sont bloquées à hauteur des fonds propres : 1 euro d’aide accordé pour 1 euro de fonds propres. Et ce sont nos fonds propres 2021 qui ont été pris en compte, année pendant laquelle ils avaient complètement fondu. Ils n’ont pas pris en compte les quasi-fonds propres. Il y a six mois, ils nous ont bloqués 350 000 euros sur des dépenses que nous avions déjà faites.

"Il vaut mieux passer des contrats avec les entreprises que de leur verser des subventions."

Ne pouviez-vous pas trouver d’autres investisseurs ?

Nous cherchions ces 150 000 à 200 000 euros pour pouvoir enclencher cet effet de levier avec Bpifrance. Notre investisseur principal, Smalt Capital via la Région Sud, que nous avons prévenu plusieurs fois, n’a rien voulu savoir. Nous n’avons pas pu trouver de financements ailleurs. Nous commencions pourtant à trouver notre marché sur notre offre historique, auprès de gros clients. Nous étions également en train de nous positionner avec Autodesk, leader mondial du BIM (Modélisation des informations du bâtiment, NDLR). Nous étions en train de monter des offres, sur de gros volumes, qui avaient un beau potentiel. Nous avions encore une belle histoire à raconter et aujourd’hui tout est à la poubelle.

Comment vivez-vous la situation en tant que dirigeant ?

J’ai investi neuf ans de ma vie dans cette entreprise… Mais ce sont des choses qui arrivent. Ce qui est frustrant est que cela arrive bêtement, comme ça. On est assez seuls quand on monte une entreprise. C’est compliqué pour les entreprises de deeptech, il y a finalement peu de soutien. Tout est orienté pour se faire racheter très vite par un fonds étranger ou des grands groupes. En France, trop de choses sont par ailleurs axées sur des subventions, qui ne permettent pas de décoller. Il vaut mieux passer des contrats avec les entreprises que de leur verser des subventions. Mais je ne suis pas aigri. Je vais me reposer un peu après cette année compliquée. Je voudrais rester au sein de Sophia Antipolis, mais je ne vais pas me relancer tout de suite dans une création d’entreprise, en tout cas pas comme ça, pas tout seul. C’est trop dur d’être seul.

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