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Picoty réfléchit à de nouveaux modèles économiques
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Picoty réfléchit à de nouveaux modèles économiques

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Centenaire, le groupe creusois Picoty cherche à faire évoluer son modèle économique pour être moins dépendant de son activité historique, la distribution de carburant fossile. Cela passe notamment par la création de nouveaux modèles de stations-service et des réflexions actives sur des carburants alternatifs.

Fin 2022, Picoty a ouvert sa première "Station A", un nouveau concept de station service de proximité — Photo : Picoty

Le groupe familial creusois Picoty (1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2021, 1 200 collaborateurs), qui regroupe 51 filiales, ne manque pas de chantiers dans un contexte chahuté par l’inflation. Essentiellement connu pour la distribution de pétrole dans les 285 stations-service de la marque Avia qu’il gère sur la partie Ouest de la France (Thevenin & Ducros se chargeant de la partie Est, soit 700 stations en tout), le groupe basé à La Souterraine cherche à se réinventer pour s’adapter aux nouvelles conditions de marché.

Cette mutation s’opère dans un contexte que la guerre en Ukraine complexifie. Comme ses concurrents, Picoty doit ainsi s’adapter à l’embargo sur les produits raffinés russes, actifs depuis début février. "Nous sommes obligés d’aller chercher des bateaux plus gros qui viennent de beaucoup plus loin avec des prix très sensibles et volatils. On subit la situation géopolitique et la hausse des prix comme le client final", affirme Caroline Schildt, directrice de la transition et du développement durable.

Un nouveau concept de station

Son arrivée à ce poste nouvellement créé fin 2021 traduit la volonté du groupe de "pousser les curseurs de la RSE et de la transition énergétique". Picoty s’est donc concentré sur une politique de développement durable, chargée de "définir les enjeux principaux. Parmi eux, celui de proposer des alternatives bas carbone et d’autres expériences clients à nos consommateurs finaux", assure-t-elle.

Le concept Station A partage ces objectifs : présenté comme un nouveau modèle de "station-service de proximité", il propose des bornes de carburant, de biocarburant et d’électricité. Mais aussi de la location de véhicules électriques (voitures, vélos) et un éventail élargi de services associés : boutique de produits locaux, accessoires et produits pour la mobilité urbaine, relais colis, laverie automatique… L’offre est centralisée via une application permettant aux clients de réserver leurs services à l’avance.

Un moyen pour le groupe de muscler son offre de services, à la marge plus élevée que celle de la vente de carburants. Le premier modèle de ce type, une station Avia rénovée (pour 350 000 euros) a ouvert à Gradignan (Gironde) fin 2022. Picoty espère en créer 10 autres d’ici à 2024 et investir à terme dix millions d’euros pour transformer ses stations-service urbaines. "Station A vient s’inscrire dans notre stratégie de repenser nos domaines d’activité historiques. En 2035, on peut prédire qu’un tiers des consommations de carburant disparaîtront avec l’essor de l’électrique, on cherche à s’équiper face à cela. On a pris un peu de retard sur le développement des bornes de recharge de notre réseau, mais il y en a une centaine aujourd’hui dont un tiers en Nouvelle-Aquitaine. On en vise 500 en 2025 et 5 000 en 2030", poursuit Caroline Schildt.

Diversifications

Si le cœur du business de Picoty (1,9 milliard de mètres cubes de produits pétroliers distribués) ne disparaîtra pas du jour au lendemain, le groupe cherche à se positionner sur de nouvelles énergies, conscient que la transition énergétique va bousculer ses marchés traditionnels.

La disparition programmée de la distribution de carburants fossiles pour les voitures se concrétisera avec l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs en Europe à partir de 2035. Ses filiales de distribution réfléchissent ainsi à une diversification, notamment pour anticiper "la fin annoncée des chaudières fioul. Elles se sont mises depuis un an ou deux à la collecte d’huiles usagées pour les transformer en biocarburant", souligne la responsable. Évoquant pour l’heure des volumes encore "très marginaux", Picoty travaille notamment avec Dielix (service de Sarpi-Veolia) pour la transformation d’huiles alimentaires.

Pour certaines énergies comme l’électrique, les équilibres économiques ne sont toutefois pas encore entièrement définis. "Nous réfléchissons encore au business model sur un plein électrique. Toutes ces alternatives bas carbone ont des niveaux de marge variés et bien inférieurs à ce qu’on connaissait dans les carburants".

Premiers essais sur l’hydrogène

Le chantier le plus récent reste celui de l’hydrogène. Le groupe, qui a créé en 2020 une filiale innovation, participe aux côtés du transporteur Hautier et de l’école d’ingénieurs EIGSI au programme LUZO (pour Logistique Urbaine Zéro Carbone) porté par Atlantech, premier quartier bas carbone de La Rochelle. L’offre de transport et de location de véhicules assurée par sa filiale Somelac et l’hydrogène est produit par électrolyse adossée à un champ de panneaux solaires, distribué par Picoty et destiné à alimenter des vélos et triporteurs et une vingtaine de véhicules utilitaires.

Picoty est aussi partie prenante au projet CatHy, prévu pour 2024, qui vise à alimenter en carburant hydrogène des transports plus lourds (routiers, ferroviaires, maritime). Cet hydrogène (une centaine de tonnes par an) non valorisé est rejeté par Envirocat, qui fabrique à La Rochelle du méthylate de sodium, un catalyseur qui transforme les huiles végétales en biocarburant. Picoty se chargerait du stockage et de la distribution. "Il reste à régler la question des investissements des différents acteurs. Le collectif doit monter des dossiers de subvention pour rendre le prix de l’hydrogène à l’usage viable" précise Caroline Schildt.

Enfin, le groupe prévoit d’ouvrir prochainement une première station hydrogène en Vendée et va candidater en avril à un appel d’offres européen (Alternative fuels infrastructure facility ou Afif) pour développer un maillage de bornes à hydrogène en France. "Notre objectif, avec tous ces investissements est de devenir un vrai guide de la transition énergétique de nos clients finaux. Pour cela, nous devons les aider à comprendre le marché et à construire leur propre mix énergétique. Nous cherchons aussi à construire le nôtre sur nos stations. L’objectif de 2023 sera de placer nos pions sur ces nouveaux marchés". Vaste chantier.

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