Morbihan
Paulic Meunerie passe par la Bourse pour atteindre ses objectifs mondiaux
Morbihan # Agroalimentaire # Innovation

Paulic Meunerie passe par la Bourse pour atteindre ses objectifs mondiaux

S'abonner

Fin février, Paulic Meunerie est devenue la première agritech à être cotée en Bourse. Installé à Saint-Gérand, dans le Morbihan, et dans les Côtes-d’Armor, le meunier s’appuie sur un procédé innovant de purification des grains de blé. Fort de cette technologie, le groupe ambitionne d’être leader mondial sur le créneau de l’alimentation des insectes.

— Photo : Ségolène Mahias

Le 26 février 2020, la cloche a retenti pour célébrer l’introduction en Bourse de Paulic Meunerie. Ce moment symbolique a marqué la cotation de l’entreprise bretonne sur Euronext Growth Paris, ce marché dédié aux PME. Avec plus de 4 millions d’actions vendues à 6,32 euros, Paulic Meunerie a pu lever 7,5 millions d’euros sur les 25 millions qu'elle aurait pu obtenir. Les débuts sont donc mitigés. Depuis, l’action Paulic a perdu près du tiers de sa valeur. Mais pour la société de 35 salariés aux 8,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, le fait d’être la première agritech à être cotée en Bourse, est déjà une victoire. L’heure est à la déclinaison des étapes pour atteindre les nouvelles ambitions.

700 clients

À Saint-Gérand, dans le Morbihan, siège de l’entreprise, les péripéties boursières n’entament pas le virage technologique pris depuis 2018. En effet, le fabricant de farines a investi 8 millions d’euros sur site afin de tripler ses volumes et ses ventes d’ici trois ans. Outre Le Moulin du Gouret à Saint-Gérand, le minotier s’appuie sur les sites du Moulin de Séglien, qui sera transféré à Saint-Gérand prochainement, mais aussi sur le site de Plounévez-Quintin dans les Côtes-d’Armor.

Pour Jean Paulic, qui incarne la quatrième génération de minotiers, ce changement de dimension était nécessaire. En effet, les moulins bretons ne couvrent pas, actuellement, les besoins en farine des entreprises locales. « Le Moulin du Gouret est aujourd’hui un moulin 4.0. C'est le centre névralgique de l’entreprise. Nous sommes aujourd'hui en ordre de marche pour aborder le futur et décliner nos projets », confie celui qui a rejoint l’entreprise familiale en 1974. Le Moulin du Gouret possède une capacité de 66 000 tonnes d’écrasement, une chaîne de production automatisée et un outil de conditionnement de dernière génération.

Situé au cœur du bassin de production, Paulic produit des farines de froment et de sarrasin de haute qualité. Ses clients sont au nombre de 700. « Nous sommes dans une région où nous comptons de très nombreuses pâtisseries et biscuiteries industrielles qui utilisent nos farines mais aussi des distributeurs, des artisans ainsi que l’industrie du bétail pour les co-produits de la minoterie. »

Un process de purification du blé

Depuis une dizaine d’années, la PME dispose d’un atout pour devancer tous ses concurrents. En lien avec l’Institut Polytechnique UniLassalle de Rouen, elle a développé un procédé innovant et breveté. Il s’agit d’Oxygreen. Via l’ozone, la PME parvient à purifier et à séparer la couche périphérique des grains. De quoi éliminer tous les résidus chimiques potentiels sans laisser de trace sur le produit. Outre le process, Oxygreen a donné naissance à deux déclinaisons de produits : Nourrifibre et Qualista. La farine Qualista s’adresse aux marchés historiques de Paulic comme les boulangers. Ceux-ci peuvent attester auprès de leurs clients d’une pureté sanitaire et « d’une panification sans additif ni conservateur, riche en fibres et plus digeste ». Mais c’est aussi pour le minotier un moyen de valoriser la farine lors du prix de vente. Après avoir été traitée selon le procédé Oxygreen, la tonne de farine peut être revendue plus de quatre fois plus cher qu’en meunerie traditionnelle.

Alimenter les insectes d’élevage

L’innovation la plus surprenante concerne Nourrifibre. Grâce au son, cette enveloppe qui recouvre la céréale, l’entreprise morbihannaise attaque le marché de l’entomoculture ou autrement dit de l’élevage d’insectes. « Nous sommes les premiers à le faire », annonce Jean Paulic avec amusement. Si l’idée peut prêter à sourire, la réalité est tout autre. Le marché est colossal avec les perspectives d’explosion démographique dans le monde et les enjeux qui en découlent pour nourrir ces populations. Ces insectes sont aussi utilisés pour la protection biologique de cultures. L’entomoculture s’empare du sujet et le nombre d’élevages est croissant notamment en Europe. Dans le monde, il y avait 15 élevages en 2000, ils sont aujourd’hui 163. Cette situation n’a pas échappé à Paulic Meunerie. Son produit Nourrifibre est utilisé par un élevage belge et un élevage espagnol. « Ces clients nous indiquent que le fait d’intégrer Nourrifibre dans les rations des insectes réduit le risque de mortalité et favorise leur croissance. Ils arrivent ainsi en pleine forme à l’autre bout de la planète où ils sont exportés », dévoile Jean Paulic.

Si aujourd’hui Oxygreen, via Qualista et Nourrifibre, ne représente qu’un million d’euros de chiffre d’affaires sur les 8,5 millions que réalise l’entreprise, la situation devrait évoluer. À date, l’entreprise a limité sa prospection commerciale car elle ne dispose que d’un outil aux capacités limitées. Il est installé sur le site costarmoricain de Plounevez-Quintin. Désormais, grâce aux 7,5 millions d’euros levés en Bourse, la PME va se doter d’un réacteur de deuxième génération qui sera installé d’ici la fin de l’année au sein du moulin de Plounevez-Quintin. D’ici à 2023, ce process d’ozonation devrait être déployé à l’échelle industrielle au sein de Paulic Meunerie.

Devenir le premier meunier breton

Cette accélération des investissements dans l’outil doit porter l’entreprise à un autre niveau. « Nous visons la place de numéro un mondial pour l’alimentation des insectes d’élevage », confirme le PDG de la société. La mise en service de nombreux réacteurs d’ozonation permettra une production à une échelle industrielle. De même, des opérations de croissances externes sont prévues. Ces nouvelles composantes du groupe Paulic pourront accueillir in situ ces outils.

Les ambitions sont internationales mais aussi nationales et régionales pour le meunier. Actuellement dans le top 3 des meuneries bretonnes, il vise la pole position en matière de production de farine de froment. Pour cela, il mise sur ses nouvelles capacités de production dont est doté le Moulin du Gouret. Paulic Meunerie entend également peser sur le créneau de la farine de sarrasin en accentuant ses efforts marketing et commerciaux sur sa marque Harpe Noire. Autre levier : des acquisitions ciblées.

S’appuyant sur un outil industriel de pointe et sur plusieurs brevets internationaux, le groupe familial affiche des objectifs forts : atteindre les 50 millions de chiffre d’affaires en 2023, soit six fois son chiffre d’affaires de 2018. Aux sceptiques, Jean Paulic rétorque « nous savons d’où nous venons. Le socle de l’entreprise demeure le même car je reste largement majoritaire au capital. Les collaborateurs sont investis dans ce changement de dimension et nous sommes convaincus que notre démarche est la bonne ».


encadré

« Je garde la maîtrise de la stratégie de Paulic Meunerie »

Jean Paulic, dirigeant de Paulic Meunerie

Pourquoi avoir choisi la Bourse comme levier de développement ?

C’est un formidable accélérateur de notoriété. Il agit de manière exponentielle. L’introduction en Bourse de sociétés de taille moyenne est un sujet qui m’intéresse et que j’observe de longue date. Cette arrivée en Bourse va permettre à Paulic Meunerie de monter en puissance. En étant propriétaire à 100 % du capital, je pouvais l’ouvrir au public. Nous augmentons les fonds propres mais je garde la maîtrise de la stratégie de l’entreprise. Ces moyens vont permettre de concrétiser mes projets de développement. Il y a l’entomoculture mais j’en ai d’autres.

Comment avez-vous préparé cette entrée en Bourse ?

Il a fallu constituer une équipe forte avec des compétences dédiées et surtout des personnes habilitées. Tout est très réglementé. C’est un travail que nous avons mené de juin 2019 à février 2020. Nous avons dû choisir un "listing sponsor" (conseiller financier qui accompagne les entreprises lors de l’introduction en Bourse, NDLR) et un courtier. Il a fallu également être accompagné par une agence spécialisée en communication financière. Nous avons aussi un commissaire aux comptes et bientôt un deuxième. Enfin, un avocat financier intervient à nos côtés.

D’autres meuniers sont-ils cotés sur Euronext Growth Paris ?

Paulic est la seule entreprise de meunerie à y être. Il faut bien un premier ! J’ai toujours voulu que notre entreprise soit différente des autres. J’entends garder ce goût pour l’innovation. J’espère que les investisseurs et le grand public qui ont acheté des actions seront sensibles à nos priorités. Nous voulons des farines de très grande qualité qui associent sécurité, naturalité et compétitivité. En interne, être le premier meunier en Bourse est perçu comme une vraie reconnaissance des valeurs et des qualités de l’entreprise.

Morbihan # Agroalimentaire # Innovation