Mayenne
"On a 70 camions qui roulent au biogaz. À ne pas bouger, on perd encore plus"
Interview Mayenne # Production et distribution d'énergie

Vincent Lesage P.-D.G. du groupe Breger à Saint-Berthevin (Laval). "On a 70 camions qui roulent au biogaz. À ne pas bouger, on perd encore plus"

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Vincent Lesage, PDG : "On a 70 camions qui roulent au biogaz. On s'est lancé là-dedans parce qu'on voulait être cohérent, réduire notre impact" — Photo : Breger.

Basé à Saint-Berthevin (Mayenne), les transports Breger, comptent 925 salariés pour 700 camions et 140 M€ de chiffre d’affaires. Le groupe se déploie en treize agences en France, et deux à l’étranger (Espagne, Portugal), ainsi que 120 000 m2 d’entrepôts pour l’activité logistique.

Quels coûts ont augmenté et vous pénalisent ?

Le diesel a pris 55 % depuis septembre 2021, et la hausse s’est accentuée ces deux derniers mois. C’est LE point majeur. Cela représente 25-30 % de notre coût de revient, avec la difficulté de la fluctuation et de l’imprévisibilité. Cela se double chez nous de la hausse des prix du biogaz.

Pourquoi cela vous affecte-t-il tant ?

On a 70 camions qui roulent au biogaz. On s’est lancé là-dedans parce qu’on voulait être cohérent, réduire notre impact. Les motorisations et les systèmes de filtration ont permis de réduire drastiquement les émissions de particules. Mais c’est plus compliqué pour les gaz à effet de serre. On ne peut pas rester aux hydrocarbures, ce n’est pas possible. On s’est lancé en 2016 parce que sinon, on va continuer à attendre… L’hydrogène, c’est lourd, coûteux, ce n’est pas pour tout de suite. Si on écoute le Giec, il faut agir avant trois ans. Donc, pas avec de l’hydrogène. Quant à l’électrique, c’est compliqué pour les poids lourds.

On a donc investi dans le biogaz. À l’époque, c’était compétitif par rapport au gasoil. Aujourd’hui, c’est devenu plus cher ! La fixation des prix est complexe, elle varie selon les types de contrats (des producteurs), selon les types de distribution. Nous, on va à la pompe, on utilise toutes les stations disponibles. Dans chaque région, on cherche le distributeur le moins cher. Aujourd’hui, on connaît un moment difficile. Pour la transition énergétique, ce n’est pas vraiment la prime aux pionniers.

On a besoin de planification. Si une filière est bonne, on y va, on met les moyens. À ne pas bouger, on perd encore plus, collectivement.

D’autres coûts ont-ils augmenté ?

Oui, la main-d’œuvre est rare. Les coûts de la maintenance, des pièces détachées ont augmenté, à deux chiffres. Les pneumatiques ont pris 5 à 6 %, trois à quatre fois par an. Quant aux camions… pour ceux que l’on veut renouveler pour 2023, les constructeurs n’arrivent pas à nous donner de prix, peut-être 15 % de plus ? 20 % ? Chaque année, on change 20 % du parc. Ce sont les coûts de demain qui sont en train d’augmenter. Le social aussi : on est de gros employeurs, et la hausse des salaires a été assez importante, de 6 % en 2022, c’est plus qu’à d’autres périodes.

Quelles solutions mettez-vous en place pour atténuer le choc ?

On pratique l’écoconduite depuis très longtemps chez nous. La première réponse, c’est notre métier, "organisateur de transports". Le but est d’agencer au mieux le flux des clients, et pas de produire des kilomètres. On fait en sorte de ne pas transporter pour rien, on travaille avec nos clients pour optimiser. On massifie, on envoie des camions complets. Par exemple, pour un client qui utilisait des palettes non gerbables (qu’on ne peut empiler), on a aménagé un double plancher dans le camion. On divise par deux le nombre de camions : on réduit le chiffre d’affaires mais c’est de la productivité partagée avec notre client. L’énergie la moins chère reste celle qu’on ne consomme pas. Pour cela, on travaille avec des analyses de données, on joue sur nos implantations géographiques.

Le fret ferroviaire est une des solutions. Il y a Bayonne-Paris et Lille-Lyon. On veut le développer, mais l’offre est complexe.

Les aides de l’État vous ont-elles été utiles ?

Le plan de résilience a été très important pour nous, tant avec les aides directes qu’avec les aides sur les carburants. Cela a été essentiel pour supporter des chocs très violents (en particulier en mars). Les organisations professionnelles (FNTR) ont œuvré pour cela. Mais nous ne souhaitons pas être des entreprises subventionnées. Pour la suite, il va falloir des soutiens à la transition énergétique, mais ils devront s’inscrire dans une politique planifiée, que ce ne soit pas un simple one shot.

On aimerait une reconnaissance que notre métier n’est pas loin d’être un métier de première ligne (comme les professions de santé, les facteurs, etc. NDLR). Parce que nous, si on tombe… je ne sais pas ce qui se passe après.

Mayenne # Production et distribution d'énergie # Transport # Logistique