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Loïc Pochet, le marin qui veut ressusciter l’hydravion
Hérault # Aéronautique # Innovation

Loïc Pochet, le marin qui veut ressusciter l’hydravion

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L’ex-skipper Loïc Pochet porte avec pugnacité un projet d’hydravion amphibie à ailes rétractables, résolu à remettre au goût du jour un type de machine aujourd’hui sorti des radars. Projet pour lequel il a créé la PME Pochet Aerospace, basée à Sète (Hérault).

Loïc Pochet a imaginé le Morgann, concept innovant d'hydravion décarboné — Photo : Pochet Aerospace

Avec 23 traversées de l’Atlantique et 2 tours du monde à son actif, l’ancien navigateur à la voile Loïc Pochet affiche une certaine aptitude à l’exploit. Ce Breton d’origine, installé à Sète (Hérault) depuis 2016, s’est fixé un nouveau challenge en créant la société Pochet Aerospace, qui ambitionne de développer le "Morgann", un hydravion amphibie de 4 places équipé de foils et d’ailes rétractables uniques au monde.

Skipper sur la Route du Rhum et la Transat Jacques Vabre

L’envie d’entreprendre lui est venue en apprenant les ficelles de la course au large. "Après être rentré dans la Marine en 1978, j’ai rencontré Olivier de Kersauson qui amarrait sa libellule au quai du port de Brest. Il m’a aidé à rentrer dans la navigation. J’ai débuté comme simple mousse, avant d’évoluer comme équipier, chef de quartier, etc. Dans les années 1980, j’ai côtoyé tous les plus grands, de Florence Artaud à Patrick Tabarly, Yves Parlier ou Michel Malinovsky. Puis j’ai monté mes propres projets pour participer à la Route du Rhum ou la Transat Jacques Vabre. Je tire ma fibre d’entrepreneur de cette époque où je devais construire le dossier, rechercher des sponsors et salarier des collaborateurs", raconte-t-il.

En 2002, alors qu’il est en tête de la Route du Rhum, Loïc Pochet percute un cargo et perd son bateau. Dans l’impossibilité de s’aligner sur le Vendée Globe en 2003, sans moyens financiers, il s’oriente alors vers la création d’entreprise.

Inspiré par Saint-Exupéry, Mermoz et l’Aéropostale

"Dans mes nombreuses lectures de jeunesse, j’ai puisé une grande admiration pour les héros de l’Aéropostale, comme Saint-Exupéry et Mermoz. J’ai d’abord créé une école de pilotage d’hydravion – où j’ai cumulé 4 000 heures de vol à mon actif ! –, puis fondé une entreprise, en 2007, pour construire un hydravion au format ULM destiné aux grands raids. Avant de réorienter mon projet vers une catégorie plus grande : un hydravion certifié 4 places".

Un entrepreneur autodidacte

À la tête de la société Pochet Aerospace, Loïc Pochet procède comme il l’a toujours fait dans la marine : en pur autodidacte. Seul à porter son entreprise, installée dans l’incubateur sétois Flex, il s’entoure néanmoins de nombreux ingénieurs et consultants issus de l’aviation légère pour ressusciter un type de machine littéralement sortie des radars.

"À l’heure où les aéroports français sont saturés, il serait intelligent d’exploiter nos littoraux pour se donner de nouvelles capacités de transport aérien", imagine Loïc Pochet.

"La production d’hydravions a plus ou moins cessé depuis la fin des années 1970. Mais au fil de mes heures de vols, mes carnets de voyage se transformaient en carnets de doléances : j’ai constaté, sur tous les tarmacs, que beaucoup de pilotes sont encore intéressés par ces machines. À l’heure où les aéroports français sont saturés, il serait intelligent d’exploiter nos littoraux pour se donner de nouvelles capacités de transport aérien", imagine-t-il.

Une rage de vivre renforcée après un crash

Mais Loïc Pochet, conscient de la singularité de son parcours et de sa vision, tarde à convaincre de potentiels partenaires et financeurs. Après avoir levé 350 000 euros en 2021, il se débat toujours pour réunir 1,5 million d’euros et achever son prototype, sous forme de drone à échelle un tiers. "Je ne suis pas du sérail. Je ne suis pas sorti diplômé de l’ENAC (NDLR : École Nationale de l’Aviation Civile) ou du Sup Aéro, et on me l’a déjà reproché, raconte-t-il. Mais je suis têtu comme un Breton. Et après avoir survécu à un crash au Groenland, lors d’une traversée de l’Atlantique en ULM, j’ai aujourd’hui une vraie force de vie."

Donner vie à un hydravion décarboné

L’entrepreneur sort un autre atout de sa manche : le Morgann disposera de 1 000 km d’autonomie tout en étant largement décarboné. "Nous utiliserons des matériaux écologiques, hors pièces structurelles, comme le bambou, ainsi qu’un moteur thermique à injection hydrogène, annonce l’entrepreneur. La volonté de produire un hydravion le plus propre possible est innée chez moi." Son parcours de skipper l’avait déjà amené à être vigilant et à ne jamais jeter de poubelles par-dessus bord, notamment " après avoir vu des tortues s’étouffer avec des sacs en plastique en pleine mer ".

Porteur d’un projet made in France à 30 millions d’euros

En attendant de voir le Morgann replier ses ailes et rentrer dans le port de Sète, Loïc Pochet ferraille auprès des investisseurs pour finaliser la version drone, qu’il prévoit d’ailleurs de vendre aussi. Au terme de la phase R & D, il a chiffré à 30 millions d’euros le budget pour bâtir une usine à Sète, avec 100 créations d’emplois à la clef. Il indique recevoir des propositions de l’étranger mais souhaite garder son projet en France "où nous avons déjà tous les savoir-faire, de la fonderie à l’injection". Celui qui baptisa un jour l’un de ses bateaux "La Rage de Vivre" ne veut rien lâcher, persuadé du potentiel commercial de son innovation. "En janvier dernier, les compagnies aériennes des Maldives ont transporté 6 000 passagers par hydravion. Le potentiel mondial existe", promet-il.

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