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Les PME bretonnes gagnées par la Bourse
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Les PME bretonnes gagnées par la Bourse

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Jamais la Bretagne n’aura eu autant de sociétés cotées depuis 10 ans. 19 entreprises évoluent actuellement sur les marchés boursiers, essentiellement des PME. Spécialisées dans les énergies renouvelables, les NTIC ou le domaine des agritechs, elles ouvrent la voie d’une tendance qui devrait se poursuivre en 2024.

Pour Jacques Le Mancq, le PDG de Broadpeak, l’entrée en bourse offre une forme de reconnaissance de l’entreprise — Photo : Euronext - Broadpeak

Elles s’appellent OKwind, Broadpeak, Charwood Energy, Vinpai, Winfarm, Ecomiam ou bien encore Entech. Elles ont pour point commun de faire partie de ce cercle des PME bretonnes récemment cotées en Bourse, sur Euronext. "Nous comptons 19 sociétés cotées en Bretagne quand elles sont 49 sur le Grand Ouest (NDLR : Pays de La Loire, Normandie, Bretagne). La région Bretagne est l’une des régions les plus dynamiques de la décennie, et plus spécifiquement sur les deux ou trois dernières années, en matière d’introductions en Bourse", avance Guillaume Morelli, directeur des activités de cotation France chez Euronext. Cette appétence forte et récente des PME locales pour les marchés boursiers est également confirmée par Vincent Le Sann, directeur général adjoint de la société Portzamparc à Nantes : "50 % des montants levés sur Euronext Paris en 2022 ont été effectués par des sociétés basées en Bretagne ou Loire Atlantique."

L’exception bretonne en 2022

Si les entreprises régionales ont fait une entrée en force sur les marchés boursiers en 2022, elles faisaient jusqu’alors quasi-figure d’exceptions. En effet, le marché mondial des introductions en Bourse était des plus moroses l’an passé comme en atteste la dernière étude menée par Ernst & Young. Le cabinet d’audit financier et de conseil a analysé le nombre de sociétés entrées en Bourse par voie d’offre publique ou IPO (Initial Public Offering). "En 2022, la Bourse de Paris a enregistré 11 nouvelles introductions en Bourse : 2 opérations sur Euronext et 9 opérations sur Euronext Growth, un chiffre en forte baisse par rapport aux 33 introductions en Bourse réalisées l’année précédente. Par ailleurs, le montant moyen levé est très bas, proche du niveau de 2020, année du démarrage de la pandémie", souligne EY dans cette étude.

"La Bourse est accessible aux PME"

Comment s’explique ce particularisme breton au sein de la place boursière d’Euronext Paris et plus spécifiquement sur Euronext Growth et Euronext Access, dédiées aux PME ? Les raisons sont multiples. Un important travail de terrain et de vulgarisation a été mené par les équipes d’Euronext sur le territoire et que relèvent plusieurs acteurs qui accompagnent les PME dans ces phases d’introduction en Bourse. "Pour beaucoup de PME, la Bourse pouvait sembler inaccessible alors qu’elle est accessible. Nous observons aussi que les dirigeants partagent leurs expériences sur ce sujet au sein des réseaux où ils se retrouvent", note Vincent Le Sann. Un propos étayé par l’expérience d’Entech (150 salariés, 34,3 M€ de CA), l’entreprise finistérienne spécialisée dans la production et du stockage d’énergies renouvelable : "Nous en avons notamment parlé avec un autre Quimpérois, Daniel Sauvaget, PDG d’Ecomiam, qui est entré sur le marché Euronext Growth en 2020", indique Christopher Franquet, PDG de la PME.

Ces notions de cooptation et de partage d’expérience sont également observées par Guillaume Morelli qui note, "qu’en Bretagne, il y a un écosystème très soudé et très solidaire de tous les acteurs du financement et de l’accompagnement des entreprises. C’est plus fort qu’ailleurs et cela permet de trouver la meilleure solution afin de faire grandir ces sociétés".

Accélérer et s’internationaliser

Permettre à son entreprise de passer un cap est souvent ce qui amène ces entrepreneurs à franchir le pas. C’est le cas du spécialiste du streaming vidéo, le rennais Broadpeak (330 salariés, 42 M€ de CA en 2022). L’entreprise dirigée par Jacques Le Mancq, PDG de Broadpeak, a levé 20 millions d’euros lors d’une opération d’IPO chez Euronext Growth, en juin 2022. "Broadpeak connaît une forte croissance depuis sa création en 2010, rend compte le dirigeant. Nous avions levé 10 millions d’euros en 2019, auprès d’Eutelsat. Avec l’accélération des technologies, on a eu ensuite des opportunités sur nos logiciels et notre plateforme Saas. C’est à ce moment-là que nous avons fait appel à la Bourse. L’objectif était de structurer notre équipe, renforcer nos commerciaux et accélérer notre technologie."

La Bourse est aussi un moyen de se développer en France et à l’international. L’acteur morbihannais des ingrédients naturels Vinpai (39 salariés et 6,2 M€ de CA en 2022) s’est saisi de ce levier pour ces développements au sens large mais aussi pour accélérer sur l’export. La PME, qui a levé sept millions d’euros sur le marché Euronext Growth Paris au cours de l’été dernier, entend "s’ouvrir aux marchés asiatiques et dans le Pacifique. L’entreprise réalise actuellement 50 % de son chiffre d’affaires à international avec des ventes dans une trentaine de pays", témoignent Cyrille Damany et Philippe Le Ray, les co-fondateurs.

Des gains de visibilité et de notoriété

L’IPO offre aussi une visibilité toute particulière. Ecomiam (40,3 millions d’euros de chiffre d’affaires), le réseau quimpérois de surgelés, entré en Bourse en 2021, dirigé par Daniel Sauvaget, l’a expérimentée. "La Bourse nous procure aussi une exposition et une notoriété beaucoup plus importantes qu’une simple levée de fonds qui, en général, reste relativement discrète. Et de constater aussi "que notre projet coche toutes les cases des préoccupations des consommateurs : l’origine des produits et leur traçabilité, la simplicité, la praticité et la qualité de l’offre, l’équité vis-à-vis des fournisseurs, l’aspect environnemental…"

Transparence et coûts

Tentante, l’entrée en Bourse a aussi ses contraintes. Elle demande du temps : "Je dirai qu’il faut compter à peu près un an", confie Bertrand Vergne, dirigeant d’Octopus, l’entreprise qui fabrique des robots avicoles dans le Morbihan et qui est cotée sur Euronext Access. "Il faut aussi anticiper la notion de coûts liés à l’introduction sur les places boursières, ceux des intermédiaires mais aussi ce qui a trait au coût de la communication financière", recommande l’entrepreneur. Au global, les coûts seraient estimés entre 5 et 7 % du montant levé.

"Etre coté en bourse, c'est aussi devoir faire preuve de transparence avec la publication des comptes et communiquer sur ses projets. Il faut aussi communiquer au marché si ces mêmes projets prennent du retard", avertit Vincent Le Sann de Portzamparc.

Dans l’écosystème local, peu osent émettre des réserves quant à ces IPO. Toutefois, un acteur du grand Ouest a accepté de se livrer. "La Bourse reste pour moi une bonne solution de financement pour les PME. Après, il faut vivre avec les fluctuations des cours, qui sont souvent amplifiées par rapport aux circonstances que connaît l’entreprise." Il émet aussi un autre avertissement quant à la proportion du capital de l’entreprise mis en Bourse. "Quand vous avez un actionnariat majoritaire stable, vous pouvez piloter la société à moyen et long terme. Dans le cas contraire, c’est le court terme qui l’emporte et cela devient plus compliqué. "

Les cleantechs séduisent les investisseurs

Informées et sensibilisées, les PME bretonnes ont un certain nombre de clés en main pour réussir leur IPO. À l’instar d’OKwind et ses trackers solaires (170 employés, 41,8 M€ de CA), Charwood Energy, concepteur de solutions énergétiques pour valoriser la biomasse (4,9 M€ de CA en 2022 et une trentaine de salariés) ou Entech, ces sociétés évoluent dans le secteur des cleantechs, ces jeunes pousses technologiques qui favorisent le développement durable. "La Bretagne, comme dans les Pays de Loire, compte des champions français de la transition énergétique. C’est un secteur économique plébiscité par les investisseurs", décrypte Guillaume Morelli. La région est aussi riche d’autres secteurs qui attirent les investisseurs telles que les innovations menées par Paulic Meunerie (18,7 M€ de CA en 2022) et ses farines haut de gamme. Le meunier aura été la première agritech à être cotée en Bourse sur Euronext Growth ou bien encore Vinpai et ses ingrédients naturels pour l’agroalimentaire.

La Bretagne et ses pôles d’excellence font aussi recette sur les marchés boursiers grâce à ses sociétés des NTIC comme Broadpeak ou Ekinops (127,6 M€ en 2022, 500 collaborateurs), fournisseurs de solutions de télécommunications ainsi Lumibird (191 M€ de CA en 2022, 1 000 salariés), l’expert des technologies lasers. Toutes ces sociétés implantées au cœur de pôles reconnus comme Rennes et Lannion. Là aussi, comme pour les énergies renouvelables, ces entreprises ont la faveur des investisseurs en raison des opportunités de croissance forte.

D’autres IPO annoncées

Dans le contexte économique actuel, les IPO bretonnes trusteront-elles encore les premières places sur leurs marchés dédiés ? Les experts de l’accompagnement confirment que "oui d’autres entrées en Bourse d’entreprises régionales se feront dans les six à douze prochains mois".

La première pourrait être Iméon Energy (17 salariés, 4 M€ de CA en 2022-2023). Cette entreprise brestoise spécialisée dans les onduleurs solaires, annonce vouloir lever près de 8 millions d’euros en Bourse en entrant, à l’automne sur le marché Euronext. Cette levée de fonds doit notamment lui permettre de se développer à l’international.

D’autres acteurs, bretons mais pas uniquement, devraient emboîter le pas à Iméon Energy. La hausse des taux de crédit pèse sur les entreprises qui pourraient trouver des réponses à leurs besoins financiers sur les marchés boursiers que pourraient aussi encore plus privilégier les investisseurs.

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