Le constat dressé par l’Insee est bien connu : les personnes qui se lancent aujourd’hui sur le marché du travail changeront quatre ou cinq fois de métiers avant la fin de leur carrière. Depuis sa création en 1999, le groupe montpelliérain Studi (1 000 salariés, CA 2022 : 120 M€), spécialiste de l’e-learning, fait son miel de cette évolution sociétale. Il couvre 14 filières (de l’immobilier à la comptabilité, en passant par les ressources humaines, le tourisme, le design ou le codage), à travers un catalogue de 200 formations en ligne certifiantes ou diplômantes, allant du CAP au niveau Bac + 5. "La crise sanitaire a poussé un grand nombre d’actifs à s’interroger sur leur évolution professionnelle ou leur reconversion. Notre offre est venue répondre à ceux qui en ont profité pour relancer leur carrière ou changer de secteur", illustre le directeur général et cofondateur de Studi, Pierre Charvet, qui rappelle que le groupe est passé de 80 à 1 000 salariés en quatre ans pour absorber cette demande.
Un nouveau navire amiral
Alors que Studi fait face, en 2023, à de nouveaux enjeux stratégiques, la société se dote d’installations conçues pour optimiser son organisation : cette croissance éclair l’avait notamment conduit à enchaîner les locations au fil des ans, avec pas moins de 10 sites répartis autour de Montpellier. Investissant "plusieurs millions d’euros", elle a construit le Studi Center, un site de 10 000 m2 aux portes de la métropole héraultaise, qu’elle inaugure le 18 mai. Destiné d’abord à réunir ses équipes, il permettra aussi au groupe d’intensifier sa marque employeur. Parmi les équipements notables figurent un Atrium (250 m2) à géométrie variable, qui pourra accueillir des séminaires de 100 à 150 personnes, réunissant des départements entiers du groupe (notamment ses équipes situées hors région, à Paris et Soissons) ; un espace de 1 000 m2, reconfigurable en lieu de vie, avec une offre de services aux salariés (restauration, sport)…
De même, Studi, qui dispose de ses propres studios pour tourner des vidéos et concevoir les contenus pédagogiques de ses formations, met l’accent sur ce volet avec le nouveau site. L’espace dédié, qui s’étendra sur 600 m2, compte désormais six studios de production vidéo. "Trois d’entre eux sont des studios classiques, permettant à des réalisateurs de produire des contenus pédagogiques de qualité. Les trois autres sont des studios hybrides, conçus pour nous aider à prendre la parole auprès de notre communauté de 70 000 apprenants : nos coaches pourront ainsi réaliser, en autonomie, des formats de type webinars, ou autres", détaille Pierre Charvet.
Le rajeunissement des publics
Le Studi Center a été calibré pour permettre au groupe de monter en puissance dans son offre de formations sur le marché français. Dans les 12 prochains mois, il lancera de nombreux programmes, sur de nouvelles verticales telles que les formations à impact (développement durable, RSE) et les formations numériques (IT, low code, no code). "Nous investissons aussi, tous les ans, dans le renouvellement de 20 % de nos programmes", glisse Pierre Charvet. L’ambition de Studi est de mieux adresser les demandes émergentes en période post-Covid. Une tendance se dégage depuis deux ans dans le rajeunissement des publics, avec l’arrivée en force des 18/23 ans. "L’e-learning devient, pour ces populations, une vraie alternative aux cursus classiques, pour se former aussi bien en formation initiale qu’en formation continue. Dans des programmes comme le codage ou l’IT, un tiers de nos élèves a désormais moins de 23 ans. Plus globalement, nous voyons aussi de plus en plus de jeunes qui, dès 21 ou 22 ans, se tournent vers nous pour rebooster leur carrière ou quand ils estiment qu’ils ont été mal orientés", observe Pierre Charvet.
L’appel d’air de l’apprentissage
Par ailleurs, Studi surfe sur un contexte institutionnel de plus en plus favorable. En 2022, Emmanuel Macron a annoncé son intention de relancer l’apprentissage, avec un million de nouveaux contrats d’apprentis d’ici 2027 : le dispositif d’aide mis en place (6 000 € pour toute entreprise qui recrute un apprenti) se traduit déjà par une hausse de 14 % du nombre de contrats signés en un an sur le plan national. "Studi, qui dispose aussi du statut de Centre de formation des apprentis, accompagne cette dynamique dans l’alternance par apprentissage", confirme Pierre Charvet.
Mais le groupe progresse aussi fortement sur les marchés publics. Le groupe candidate de façon systématique aux appels d’offres ouverts dans les régions par les services de l’État, les collectivités ou les Opcos (opérateurs de compétences). "Nous sommes notamment le plus gros acteur dans la formation à distance en Île-de-France : la Région vient de nous renouveler son plan régional de formation à compter de 2024, soit 4 000 bénéficiaires à terme", se réjouit Pierre Charvet. Cette stratégie inclut aussi la formation des demandeurs d’emploi. Parmi les plus grandes références de Studi figure Pôle Emploi : depuis 18 mois, le groupe est lauréat d’un marché public ouvert par l’organisme portant sur la formation de 3 000 personnes en 24 mois. "La tendance sur ce créneau est de rémunérer les organismes attributaires à la performance. Certaines de nos promotions jouissent d’un taux de retour à l’emploi de 70 % à trois mois. Nous renforçons notre service de coaching pour tenir cet objectif plus globalement, en accompagnant le demandeur d’emploi pendant et après la formation", souligne le DG de la société montpelliéraine.
La conquête de l’Europe
En 2018, Studi a été rachetée par le parisien Galileo Global Education (210 000 étudiants, 55 écoles), premier acteur européen dans l’enseignement supérieur privé avec quelques fleurons comme les écoles ESG, la Paris School of Business ou le cours Florent. Le groupe a lancé, en 2022, un plan d’investissement d’1,5 milliard d’euros en deux ans destiné à étendre son réseau en multipliant les acquisitions en Europe et à l’international. "Notre projet est de proposer une éducation qui ressemble au monde d’aujourd’hui", résume son président, Marc-François Mignot Mahon. Sur le volet de l’e-learning, Studi sera le bras armé de cette stratégie dès cette année : la société montpelliéraine lance une dizaine de programmes de niveau Bachelor et MBA dans toute l’Europe mais aussi en Afrique, où elle est présente à travers l’enseigne ISM Online (Institut Supérieur de Management), ouverte au Sénégal en 2021 : un millier d’élèves sont déjà en cours de formation à travers cette structure de dimension panafricaine.
En Europe, Studi visera plus précisément des pays tels que le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, où le groupe n’exclut pas de procéder par croissance externe. Après un travail de ciblage, qui passe par la réalisation d’études et de tests de marché, Studi actionnera sa stratégie en produisant ses premiers programmes internationaux, qui déclineront dans la langue locale les offres qui ont déjà fait leurs preuves en France. Objectif ouvertement affiché par Pierre Charvet : devenir le leader européen de la formation à distance. "Il n’existe pas encore de vrai leader dans ce domaine en Europe. Le groupe qui réussira ce pari ne sera pas le premier à atteindre un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros. Il réussira parce qu’il sera devenu leader d’abord sur deux ou trois marchés nationaux. Studi s’y emploie depuis deux ans, en concentrant beaucoup de moyens sur sa consolidation et sa qualité de services", conclut Pierre Charvet.
