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Le Minor tricote son avenir
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Le Minor tricote son avenir

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La marque de vêtements marins Le Minor entame une mue historique. Siège social et atelier de production, son site de Guidel connaît une importante rénovation et reconfiguration. L’entreprise nourrit des objectifs ambitieux de croissance en pariant sur le made in France. Ses dirigeants planchent aussi sur une levée de fonds.

Le Minor conçoit et fabrique des vêtements marins depuis 100 ans — Photo : @Theophile Delange 

L’année 2022 ne sera pas une année comme les autres pour Le Minor. Connue pour ses marinières et autres vêtements marins qui s’exportent dans le monde entier, l’entreprise de Guidel va fêter ses 100 ans. C’est à quelques kilomètres de là, à Lorient, que la Manufacture Bonneterie Lorientaise, a vu le jour. Cette entité fusionnera en 1982 avec Le Minor, l’entreprise de Pont L'Abbé, spécialisée dans la fabrication de kabigs, ces iconiques manteaux de laine et prendra le nom de Le Minor.

Pour ses 100 ans, la PME s’est offert un cadeau historique : une reconfiguration et une rénovation du site historique de Guidel ; des travaux plus que nécessaires pour inscrire Le Minor dans une phase de développement. 2,5 millions d’euros vont être investis dans ce projet qui inclut aussi des investissements industriels, matériels, des recrutements et de la formation. "Inaugurer ce site industriel rénové, nous en rêvions depuis la reprise. Il a fallu pour cela aller chercher les financements", soulignent Jérôme Permingeat et Sylvain Flet, les repreneurs de Le Minor depuis 2018.

Pour mener à bien ce projet, l’entreprise a pu bénéficier du soutien de l’État dans le cadre du plan France Relance. Cet appui porte sur les équipements matériels. L’aide est de 400 000 euros et versée en deux fois selon l’avancée des différents secteurs investis.

Cette partie émergée de l’iceberg est aujourd’hui la partie visible du travail entamé depuis plus de trois ans par Jérôme Permingeat, Sylvain Flet mais aussi Alain Sourisseau qui fût directeur du quotidien national économique Les Echos entre 1985 et 1990 et qui s’est spécialisé dans le redressement d’entreprises. "Nous sommes trois au capital de l’entreprise. Sans Alain Sourisseau, nous n’en serions pas là aujourd’hui", note le duo. Précédemment, Jérôme Permingeat et Sylvain Flet travaillaient dans le domaine du conseil en stratégie. En parallèle, ils lancent la marque Le Flageolet connue pour ses nœuds papillons originaux et veulent étoffer leur gamme en proposant des bonnets. Ils rencontrent alors Marie-Christine Grammatico, dirigeante du Minor, qui fabriquera leurs bonnets. Cette dernière a la volonté de céder l’entreprise avec, notamment, la garantie de reprise de l’intégralité du personnel et de développements. En 2018, la cession était actée.

Le Minor change alors d’orientation stratégique. Aux volumes et à la productivité, les dirigeants privilégient une autre approche qui conjugue les traditions tout en donnant un coup de jeunes aux produits historiques de la marque tels que ses pulls et autres marinières. Outre Guidel, la société compte un site de confection à Quimper.

Des savoir-faire rares

"Notre ambition est d’en faire un site 100 % intégré en matière de production. Nous voulons faire des vêtements durables et éternels en conservant ces savoir-faire en France", résume Jérôme Permingeat. Dans le même temps, les chefs d’entreprise ont dû et doivent résoudre un problème de taille : avoir de la main-d’œuvre qualifiée sur des métiers très spécifiques. "Lorsque nous avons repris, nous avions 22 salariés sur des postes très particuliers et la moyenne d’âge était de 58 ans donc il fallait sécuriser l’avenir." En effet, sur certaines missions comme le travail de la maille, il faut compter trois ans de formation aux côtés des salariés expérimentés du Minor avant de pouvoir être opérationnels. Pour ce faire, la société a déjà organisé plusieurs cycles de formation en lien avec la Région, Pôle Emploi et l’Institut Français du Textile et de l’Habillement (IFTH). Le recrutement de personnel qualifié en production mais aussi sur les fonctions supports s’est traduit par une croissance des effectifs mais aussi un rajeunissement. "Nous sommes aujourd’hui 62 personnes et la moyenne d’âge s’établit à 34 ans."

Remise sur les rails, la marque Le Minor a aussi donné un coup de neuf à ses gammes pour gagner une clientèle plus large. La PME a ainsi recruté des créatifs comme un directeur artistique, une styliste, … Elle renoue aussi avec un produit historique : le manteau. Une ligne de production dédiée va ouvrir avec à la clé un investissement de 100 000 euros destiné à l’acquisition des machines.

Objectif : 25 à 30 millions d’euros de chiffre d’affaires

Les dirigeants mettent en face de ces actions des objectifs ambitieux. le chiffre d’affaires qui était d' 1,5 million d’euros à la reprise en 2018, est passé à 3,3 millions d’euros pour l’exercice qu’ils viennent de clore. Cette année, les 4 millions d’euros sont espérés. Pas question de s’arrêter là, Jérôme Permingeat et Sylvain Flet confirment viser "les 12 millions d’euros d’ici trois ans et le cap des 25 à 30 millions d’euros d’ici 5 à 6 ans." En parallèle, le résultat net de la PME a toujours été positif depuis la reprise en 2018. De quoi nourrir des ambitions. "Notre volonté est que Le Minor devienne une marque emblématique et premium des hauts de vêtements. Le tout en s’appuyant sur un savoir-faire français totalement intégré sur un même site.". Afin d’atteindre leurs objectifs, les dirigeants parient sur leurs canaux de vente : deux boutiques en propre. La première est située à Guidel, au sein de son siège social. Elle déménagera dans les locaux qui sont en cours de rénovation. La seconde boutique du Minor est située à Paris.

En parallèle, la société compte de nombreux points de vente ou distributeurs en BtoB comme les Comptoirs de la mer par exemple et en BtoC. "Avant la reprise, Le Minor était sur un modèle BtoB. Aujourd’hui, le BtoC c’est déjà 20 % de notre chiffre d’affaires et cela a vocation à progresser." La marque entend également miser sur son site e-commerce et plus largement sur le digital. "Nous l’intégrons dans nos process de fabrication mais aussi de suivi. Le numérique est au cœur de nos stratégies de marketing et de communication. La marque a des marges de progression en termes de notoriété." Sur ce volet digital, Le Minor investit constamment et massivement.

Levée de fonds en vue

Ancrée sur son territoire, l’entreprise est aussi très internationale. Un positionnement entrepris par Marie-Christine Grammatico, l’ancienne dirigeante et qui prend une autre dimension avec la nouvelle équipe. L’export génère aujourd’hui 55 % du chiffre d’affaires avec des marchés historiques au Japon. Outre ce pays, les produits morbihannais gagnent la Corée et Taïwan avec des ventes qui ont doublé en deux ans. Sur les tablettes de Jérôme Permingeat et Sylvain Flet figurent aussi de nouveaux marchés comme l’Angleterre. "Nous voudrions y être avec notre prochaine collection automne-hiver." En parallèle, le duo s’intéresse de près aux pays scandinaves.

Ces projections devraient s’accompagner de l’arrivée de nouveaux investisseurs. "Nos perspectives nécessitent des financements. Cela se fera sans doute dans un mix entre de la dette mais aussi un ou des investisseurs. Nous aimerions nous adosser à un investisseur patrimonial ; dans l’idéal, un industriel féru d’histoire et pourquoi ne pas y associer des fonds régionaux. Nous voulons rester majoritaires ", dévoile Jérôme Permingeat. L’opération pourrait intervenir d’ici cet été.

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