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Le groupe Morlot mise sur la Bourse pour s’imposer dans la construction bois
Vosges # BTP # Introduction en Bourse

Le groupe Morlot mise sur la Bourse pour s’imposer dans la construction bois

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Le président du groupe vosgien Morlot, Laurent Morlot, vient de lancer l’introduction en Bourse de l’ensemble de ses activités liées à la construction bois. Avec un objectif : lever 8 millions d’euros pour financer un développement qui s’annonce très rapide, face à une concurrence européenne déjà très structurée.

Parmi les belles réalisations des équipes du groupe Morlot, figurent les coupoles de Nancy Thermal — Photo : Groupe Morlot

En novembre prochain, le président du groupe vosgien Morlot, Laurent Morlot, veut pouvoir surveiller la cote de son pôle "construction bois et enveloppe du bâtiment" sur Euronext Growth, le marché organisé par Euronext pour faciliter l’accès à la Bourse des PME de croissance. Pesant près de 130 millions d’euros de chiffre d’affaires, employant un total de 380 salariés, dont 200 basés dans les Vosges, le groupe Morlot rassemble une galaxie d’entreprises opérant essentiellement dans le domaine de la construction et de l’industrie, en passant par des activités comme l’hôtellerie ou l’énergie.

Mais ce qui tire l’activité du groupe, c’est la demande sur le marché de la construction en bois : ce pôle, dirigé par Damien Hierso, va atteindre les 80 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, dépasser les 100 millions d’euros en 2024, pour un résultat net qui devra être multiplié par deux, passant de 800 000 € à 1,5 million d’euros. "L’année du Covid, nous avons rebondi très fort et multiplié le chiffre d’affaires par deux, pour continuer à accélérer aujourd’hui", détaille Laurent Morlot. Une croissance de l’activité soutenue notamment par la nouvelle réglementation environnementale, dite "RE 2020", imposant aux bâtiments neufs de conjuguer performance énergétique et environnementale : le texte ouvre un boulevard au bois sur les marchés de la construction.

Des chantiers pour les Jeux Olympiques

Le groupe a décroché de nombreux chantiers liés aux JO de Paris 2024 — Photo : Groupe Morlot

"Pour 2023, le carnet de commandes est plein", résume Laurent Morlot. "Pour 2024, nous sommes déjà à 60 % et très concrètement, nous ne faisons plus de commerce." Et le dirigeant d’égrener les références liées à la construction des bâtiments qui vont abriter les épreuves des Jeux olympiques de Paris 2024 : le stade pour les épreuves de hockey-sur-gazon à Colombes (Hauts-de-Seine), le centre aquatique olympique de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour les épreuves de natation, de plongeon et de water-polo ou encore le centre de préparation des épreuves de judo à Nogent-sur-Oise (Oise). Plus près du siège du groupe, installé pour l’instant à Contrexéville (Vosges), les équipes du groupe Morlot ont livré les charpentes en bois qui ont servi à réaliser les coupoles abritant le complexe de Nancy Thermal. Plus au nord, le groupe participe à un chantier à 110 millions d’euros, un nouveau centre hospitalier porté par le groupe Elsan, à Maizières-lès-Metz. "Sur la dernière année, nous avons produit 40 000 m3 de charpente en lamellés-collés. Mais actuellement, la demande est telle que les majors de la construction sont prêtes à signer 20 000 m3 en quelques semaines", détaille Damien Hierso, le directeur du pôle "bois & enveloppe du bâtiment".

De la forêt au chantier

Porté par la demande, affichant une croissance rentable, le groupe de Laurent Morlot ne veut pour autant pas en rester là. Issu d’une famille d’agriculteurs et de commerçants, collégien puis lycéen à la Malgrange en périphérie de Nancy, étudiant à l’ESITC de Metz, Laurent Morlot revendique une forme d’ambition. Après une première partie de carrière chez Demathieu Bard, il a secondé, en 2018, Serge Cunin, le président du groupe Cunin, installé à Contrexéville, au poste de directeur général. Déjà actionnaire du groupe Cunin à hauteur de 30 %, il reprend l’entreprise et toutes ses filiales en 2020, dont le fabricant de charpentes et bois lamellé-collé Weisrock, basé à Saulcy-sur-Meurthe dans les Vosges, en créant une structure ad hoc, le groupe Morlot.

L’ambition du dirigeant se nourrit d’une envie de "bâtir dans un monde en pleine évolution", dans lequel Laurent Morlot ne veut pas finir "comme un dinosaure", qui n’aurait pas su s’adapter : "Il n’y a pas d’entreprise française de notre niveau, qui travaille de la forêt jusqu’au chantier, nous sommes aujourd’hui les seuls à travailler avec du bois de France. Mais face au développement de la construction bois, c’est un enjeu de souveraineté nationale d’avoir des entreprises suffisamment développées et pérennes pour pouvoir assurer la construction de la France avec les nouvelles réglementations".

Renforcement des fonds propres

Outre-Rhin, les entreprises allemandes boxent déjà une autre catégorie : "En Allemagne, quand vous produisez 100 000 m3 de lamellés-collés par an, vous sortez tout juste de l’artisanat", assure Damien Hierso. "Leur outil industriel n’est pas comparable au nôtre." Pour continuer à pouvoir suivre un marché en pleine croissance à l’échelle de l’Europe entière, mais aussi en Afrique du Nord où l’entreprise travaille déjà, Laurent Morlot, unique actionnaire du groupe, a d’abord songé à ouvrir son capital à un fonds. Sans succès : "Avec mon comité de direction, nous voulions absolument garder notre liberté. Et dans tout ce qui nous a été proposé, nous avions peur d’être freinés dans notre élan", détaille Laurent Morlot, qui ne fait pas mystère de quelques difficultés avec sa banque. "Aujourd’hui, quand nous décrochons des marchés, nous avons besoin de lignes de caution d’avance, pour garantir nos sous-traitants. Et ça peut prendre des mois et des mois pour pouvoir avoir ces lignes", regrette le dirigeant.

Laurent Morlot - président du groupe Morlot — Photo : Groupe Morlot

Un petit porteur séduit ?

La solution va s’incarner à travers le banquier d’affaires Louis Thannberger et une introduction en Bourse. Concrètement, le groupe s’apprête à céder entre "10 et 15 %" du capital du pôle "Construction - Bois & Enveloppe du bâtiment". Une entité dont la valorisation devrait avoisiner les 80 millions d’euros, selon Louis Thanberger, permettant donc de lever un total de 8 millions d’euros sur le marché. Pour l’infatigable banquier d’affaires, le timing est bon : "Les excès de l’année dernière sur les marchés, c’est fini. Il ne suffit plus d’avoir un bon diplôme, un beau jeans et de belles baskets, comme tous les startuppers, il faut délivrer. Et c’est exactement ce que savent faire Laurent Morlot et son équipe, et c’est ça que les petits porteurs comme les grands investisseurs vont acheter", analyse Louis Thannberger. Autre argument du banquier, le changement de regard du monde bancaire sur les sociétés cotées. "Demain, avec la Bourse, nous pourrons renforcer nos fonds propres et obtenir plus facilement des lignes", assure Laurent Morlot.

Valoriser les bois vosgien

À côté de la consolidation de sa structure financière, le dirigeant veut aussi innover sur ses marchés. Avec les montants levés, le groupe va financer le développement de solutions modulaires en bois, permettant de conjuguer haut niveau de finition, construction rapide sur site tout en limitant les nuisances sur le chantier. Une solution déjà utilisée par le groupe lors de la rénovation énergétique du lycée Chopin, à Nancy. Un chantier à 7,2 millions d’euros, pour lequel une filiale du groupe, la société Cunin, a posé des panneaux préfabriqués à base de bois et d’isolation biosourcée. "Au final, le gain de temps sur le chantier est d’environ 30 %", estime Damien Hierso. En parallèle de ces innovations technique, le groupe veut valoriser toujours plus le bois local. "Quand j’ai pris le contrôle du groupe, nos équipes travaillaient à 100 % avec du bois d’export. La première règle que j’ai imposée dans l’entreprise, c’est de travailler à 100 % en bois français. On m’a dit que ce n’était pas possible", se souvient Laurent Morlot. Aujourd’hui, le groupe Morlot travaille à 100 % avec du bois français, dont 85 % sont issus du massif des Vosges.

Un positionnement qui permet de recruter

Autre axe de développement, la croissance externe. Déjà acquéreur "d’un grand nombre de sociétés" pour structurer le groupe Morlot, Laurent Morlot se pose aujourd’hui en consolidateur de son marché et rappelle que les dirigeants de nombreuses sociétés opérant autour des marchés du bois sont aujourd’hui proches de la retraite. "Le mode de fonctionnement des entreprises françaises est en pleine évolution et il y a beaucoup d’entreprises qui sont en danger de disparition aujourd’hui, ne serait-ce que par le manque de d’anticipation", assure Laurent Morlot. Revendiquant "une bonne stratégie" et de "bonnes idées", le dirigeant reçoit entre "deux et trois CV par semaine", des candidatures spontanées de salariés travaillant souvent dans des entreprises concurrentes. "Je suis pour la paix des ménages et je ne veux pas embaucher tout le monde", affirme Damien Hierso, qui affirme n’avoir aucun problème de recrutement.

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