Bas-Rhin
Laurent Fehr (Groupe Fehr) : "Il ne faut pas perdre de vue la notion de durabilité"
Interview Bas-Rhin # Matériaux de construction # Transition écologique

Laurent Fehr directeur du développement du groupe Fehr "Il ne faut pas perdre de vue la notion de durabilité"

S'abonner

Membre de la troisième génération du groupe Fehr (CA 2022 : 150 M€ ; environ 780 salariés) basé à Reichshoffen (Bas-Rhin), entreprise familiale et indépendante depuis 1960 spécialisée dans le béton, Laurent Fehr, milite pour la durabilité des matériaux dans l’optique de parvenir à la transition écologique.

Laurent Fehr est en charge du développement du groupe familial Fehr, spécialisé dans le béton, à Reichsoffen (Bas-Rhin) — Photo : Fabrice Voné

Comment valorisez-vous le béton, ce matériau qui "cimente" votre famille depuis plus de 60 ans ?

Le premier axe, c’est qu’il faut le mettre là où on en a vraiment besoin, ce qui s’entend d’ailleurs pour tous les matériaux. Le béton est un matériau fantastique pour une transition écologique efficace et surtout durable. Dans un mètre cube de béton, il y a 10 % de ciment. Ces 10 % représentent 98 % des émissions de CO2 du mètre cube complet de béton. Il existe de nombreux axes pour travailler la décarbonation du ciment avec nos fournisseurs, ce qui est très positif et qui se fait déjà. La mixité des matériaux peut également être intéressante. Il est possible de créer des structures alliées, avec de la terre crue ou de la paille, en retrouvant des matériaux simples et faciles d’accès. En développant des matériaux biosourcés pour remplacer des isolants, on a tendance à s’en servir comme des facteurs d’une équation carbone. Ce qui n’a pas de sens à mes yeux car cela incite à mettre du bois là où on n’en aurait pas besoin. Il faut rester focus sur le fait de mettre le bon matériau au bon endroit et travailler la durabilité maximale des produits.

Votre groupe avait été retenu, cet été, pour la troisième édition du "Fabriqué en France" à l’Élysée pour votre mur de façade bas carbone Précoffré® TH Green, qu’est-ce que cela représente ?

C’est le meilleur mur que l’on peut produire en Europe en termes de carbone et de durabilité. Nous avons travaillé plusieurs années en R & D avec comme cahier des charges : comment faire le mur le plus bas carbone selon notre sens paysan. Nous y avons mis des matières recyclées à 100 %, des déchets de reconstruction, de la fibre de bois et de la biomasse pour remplacer les isolants pétrochimiques. Tout cela en le rendant esthétique et durable avec un parement qui tient plus de 100 ans, avec le concours de la Fédération française de la construction passive qui a formé dix de nos ingénieurs pour leur apprendre à construire les bâtiments du futur.

Que pouvez-vous nous dire des start-up Moebius et Fogo dont votre groupe est actionnaire ?

Des idées, il y en a beaucoup. Moebius, c’est de l’antigaspillage de béton avec une machine connectée qui optimise les livraisons en camion toupie. Fogo produit un radiateur à inertie, design, simple, durable et efficace. Ce sont des idées qui proviennent de notre R & D et qui sont maintenant développées par des porteurs de projet. Notamment Fogo qui a obtenu, en janvier 2023, le prix de l’innovation au CES de Las Vegas. Le groupe a une logique d’open innovation.

Quels investissements prévoyez-vous ?

Nous avons l’objectif de réaliser la ligne la plus décarbonisée de France, voire d’Europe, dans notre usine de Bischwiller (Bas-Rhin).

Il y a de plus en plus de dissensions de la part de la classe politique française au sujet de la transition environnementale opérée par le gouvernement. Comment le dirigeant que vous êtes se positionne-t-il ?

Le secteur que je connais le mieux, c’est la construction. Je crois qu’il faut créer une évolution et non une révolution. Il faut améliorer notre façon de construire, la rendre plus efficace et ne pas perdre de vue que tout ce qu’on doit faire en termes de développement doit être économiquement viable, sinon cela n’a pas de sens. Si c’est pour faire des choses qui ne seront que pour une élite, cela ne sert à rien. Le mot durabilité manque dans les discours. Il ne faut pas perdre de vue cette notion plutôt que d’être dans la consommation à outrance dans le domaine de l’immobilier.

Quelles peuvent être les incidences sur votre groupe de la crise du logement qui semble se profiler ?

Cela va être une crise dure et durable. Les entreprises vont devoir s’adapter. Il ne faut pas perdre nos racines et continuer à construire mieux, plus efficace et plus durable. Je rabâche ces mots-là car c’est le bon sens. C’est une crise comme mes parents, mes grands-parents, en ont connu par le passé. Chaque crise est une opportunité de croître et de s’améliorer, il faut garder le cap. On souhaite que l’État assume son rôle car on a besoin de loger les gens. Surtout avec des bâtiments plus efficaces au niveau thermique. C’est pour cela que, malgré la crise, on veut rester sur le bien construire.

Bas-Rhin # Matériaux de construction # Transition écologique # ETI
Fiche entreprise
Retrouvez toutes les informations sur l’entreprise FEHR GROUPE