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La FFB 49 s’inquiète pour l’avenir des entreprises du bâtiment
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La FFB 49 s’inquiète pour l’avenir des entreprises du bâtiment

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Les entreprises du secteur du bâtiment ne manquent pas de travail. Néanmoins, le moral des dirigeants n’est pas au beau fixe. Aux pénuries et augmentations de coûts des matières premières, des matériaux et de l'énergie s’ajoutent les problèmes de main-d’œuvre et d’organisation de chantier.

Yannis Borjon-Piron est le président de la FFB de Maine-et-Loire depuis 2020 — Photo : Olivier Hamard

"Avant la crise sanitaire, témoigne Yannis Borjon-Piron, le président de la FFB (Fédération française du bâtiment) de Maine-et-Loire (400 entreprises adhérentes pour environ 6 700 salariés), nous ne connaissions pas de problèmes de décalages de chantiers. Nous étions sur une courbe d’activité ascendante. Celle-ci est toujours élevée mais les chantiers sont devenus un casse-tête pour les entreprises." En effet, avec la crise du Covid-19, sont arrivées les difficultés d’approvisionnement en matières premières. Dans le secteur du bâtiment, les tâches effectuées par les entreprises étant très interdépendantes, si un grain de sable grippe la machine, toute la chaîne en pâtit. "Cela impose de s’organiser et d’anticiper, complète le président départemental de la FFB, mais ce n’est pas toujours possible en raison des difficultés d’approvisionnement et du manque de main-d’œuvre."

"Cette hausse des prix peut avoir une réelle incidence sur l’avenir de nos entreprises"

Les difficultés d’approvisionnement concernent le bois ou l’acier, mais aussi le carrelage, la brique et d’autres produits en terre cuite. Pour du matériel également, certains composants faisant défaut dans la fabrication des chaudières par exemple, ce qui induit immanquablement au bout de la chaîne des retards dans la pose sur le chantier. Ces retards en cascade sont supportés ensuite par d’autres corps de métiers, et par le client. Avec de surcroît des coûts à la hausse : "Cela a commencé par le bois et l’acier, raconte Yannis Borjon-Piron, mais de nombreux matériaux sont maintenant concernés. Le prix des isolants peut par exemple augmenter de 7 à 8 % en un mois, comme celui de la plaque de plâtre. En moyenne, l’augmentation du prix des matériaux depuis le début de la crise sanitaire, est d’environ 15 %." Pour exemple, l'acier a enregistré depuis deux ans une hausse de 42,8%, le bois de 35,2%, l'aluminium de 20,9%, les plastiques de 19% et le béton et ciment de 15,8%. Or, les matériaux représentent entre 30 et 50 % du prix de vente de l’entreprise dans le secteur du bâtiment, où les marges restent faibles, en moyenne de 2 à 3 %. "Nous sommes inquiets car cette hausse des prix peut avoir une réelle incidence sur l’avenir de nos entreprises", s’alarme Yannis Borjon-Piron.

Sensibiliser les clients et les différents acteurs

Face à la situation, les entreprises peinent parfois à répercuter à leurs clients la hausse du coût des matériaux. D’autant plus si les devis, comme ce peut être le cas pour des chantiers d’envergure, ont été signés depuis longtemps, à une période où l’on n’envisageait pas une telle flambée des prix. "Pour des chantiers à visibilité courte, on peut ajuster nos tarifs, confie Yannis Borjon-Piron, mais pour des chantiers à long terme, signés depuis longtemps, c’est plus compliqué. Nous travaillons pour accompagner les entreprises sur ces sujets, nous communiquons auprès des maîtres d’ouvrage, des bailleurs, des clients, pour appliquer un partage des coûts. Il s’agit de remettre du lien et à force de discussions, de négociations et d’échanges, on parvient pour certains chantiers à des renégociations de prix. Dans tous les cas, les clients entendent les difficultés mais tout le monde est confronté à ces hausses."

Ces actions de pédagogie menées par la FFB auprès des clients et de ses adhérents, peu habitués pour certains à ces démarches de négociations, portent donc parfois leurs fruits. Mais la situation reste tendue, accentuées aussi par la pénurie et les retards. "Malgré les demandes de bienveillance auprès des donneurs d’ordres, certains appliquent des pénalités de retard et mettent la pression sur les entreprises qui ne demandent qu’à effectuer les chantiers dans les délais, ajoute Julien Berthias, secrétaire général de la FFB 49. Car ces retards leur sont préjudiciables aussi : une entreprise qui ne démarre pas un chantier ne facture pas."

Pénurie de main-d’œuvre

Au-delà de la sensibilisation et du travail mené sur le terrain auprès des entreprises du secteur et des donneurs d’ordres, la FFB va plus loin, en demandant aux pouvoirs publics des mesures de soutien, dont certaines ont été mises en place par le gouvernement suite à l’invasion de l’Ukraine : gel des pénalités de retard et possibilité de révision des marchés, mise en place d’un crédit d’impôt sur les matériaux et gel du prix des carburants, dont la hausse affecte aussi les entreprises et peut représenter, selon la fédération, l’équivalent de 2 % du chiffre d’affaires. La possibilité du recours au chômage partiel fait également partie des souhaits de la FFB : "Certaines entreprises ont des commandes mais ne peuvent pas travailler en raison des pénuries ou des retards sur les chantiers", précise Yannis Borjon-Piron.

"Nous n’avons probablement pas assez formé de jeunes après la crise de 2008"

La question de la main-d’œuvre vient en effet gripper aussi la bonne marche du secteur du bâtiment. Un problème récurrent qui s’est accentué avec la reprise de l’activité dès la sortie du premier confinement au printemps 2020, et malgré une augmentation du nombre de jeunes en formation. "Nos CFA sont pleins, confie Julien Berthias, et ne peuvent pas accueillir plus de jeunes, faute de place. Il faudrait pour cela des investissements conséquents et on ne trouve pas non plus de formateurs en nombre suffisant." "Nous n’avons probablement pas assez formé de jeunes après la crise de 2008, reconnaît Yannis Borjon-Piron. Pourtant, nos métiers ont su se rendre plus attractifs, moins pénibles, avec des salaires qui n’ont aujourd’hui rien à envier à d’autres secteurs." Le BTP, en incluant les travaux publics, emploie 18 700 salariés dans le département, contre 15 000 il y a quatre ans, et même le recours aux intérimaires, au nombre d’environ 2 000 en Maine-et-Loire, ne suffit pas à pallier ce manque de main-d’œuvre.

Malgré un carnet de commandes toujours bien rempli, le secteur du bâtiment dans le Maine-et-Loire est donc à la peine, et le moral des dirigeants s’en ressent, selon les responsables de la FFB. "Certains sont dans le dur et nous nous efforçons de les soutenir", confie Yannis Borjon-Piron qui craint que les difficultés ne s’accroissent pour le bâtiment, non pas en 2022 compte tenu du volume d’activité, mais dans les années à venir. La hausse du prix de l’énergie, l’inflation et l’augmentation annoncée des taux de crédit immobilier risquent bien en effet de fragiliser encore plus le secteur.

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