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Jean-Yves Grandidier, Valorem :« L'international nous permet de doubler notre activité »
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Jean-Yves Grandidier, Valorem :« L'international nous permet de doubler notre activité »

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Valorem (81,6 M€ de CA en 2018), groupe de 300 collaborateurs basé à Bègles, créé en 1994, est un pionnier de l’éolien français. À l’occasion des 25 ans de l’ETI, son président fondateur Jean-Yves Grandidier, annonce la création d’un nouveau siège social, et expose sa stratégie basée sur la diversification technologique et géographique.

A l'occasion des 25 ans de Valorem son président Jean-Yves Grandidier expose la stratégie de l'ETI béglaise basée sur une diversification géographique et technologique. — Photo : DR

Votre siège est à Bègles, au sein du parc Newton. Souhaitez-vous vous agrandir sur une parcelle voisine ?

Jean-Yves Grandidier : Oui, nous restons là. Notre futur siège sera un bâtiment de 3 600 m 2, basse consommation. Nous conserverons de l’ancien bâtiment, deux plateaux de 700 m2 chacun, pour le stockage et les ateliers. Nous souhaitons agrandir nos plateformes expérimentales.

Quand et comment est né Valorem ?

J.-Y. G. : En 1994, nous avons créé un bureau d’études spécialisé dans les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie. Valorem signifie valorisation à partir des sources renouvelables et maîtrise. Il fallait être fou il y a 25 ans pour créer un bureau d’études comme celui-là, face à la prégnance d’alors pour l’énergie nucléaire. Jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, nous avons vécu sur des petites niches de marchés. C’est l’Europe qui m’a permis de mettre le pied à l’étrier. Dans le cadre du programme PERU, programmation énergétique régionale et urbaine, j’ai répondu avec succès à un appel à projets pour réaliser une étude de faisabilité d’un parc éolien au bout de l’estuaire de la Gironde, sur le port industriel du Verdon (qui ne s’est pas concrétisé, NDLR).

L’éolien n’en était qu’à ses balbutiements, et pourtant vous avez décidé d’y consacrer votre activité. Développiez-vous d’autres segments dans le renouvelable ?

J.-Y. G. : Nous travaillions sur l’alternative à l’extension et au renforcement de réseaux en milieu rural. Par exemple, pour un refuge en montage, plutôt que de tirer une ligne - ce qui coûte très cher — nous proposions d’installer des panneaux solaires, une petite éolienne ou de turbiner le ruisseau voisin. Pour ce qui était du renforcement de réseaux, il s’agissait de faire de la maîtrise de l’énergie. Notamment autour des chutes de tensions en bouts de lignes du réseau basse tension. Nous avons notamment développé un produit : le décaleur adaptateur de tension qu’on a ensuite industrialisé avec l’aide d’EDF, pour le vendre dès 2002.

Vous êtes aussi devenu une figure lobbyiste ?

J.-Y. G. : En 1996, avec deux autres pionniers de l’éolien, j’ai créé France Énergie Éolienne, le syndicat des professionnels de l’éolien français. Avec cette association, on a effectivement fait du lobbying auprès des pouvoirs publics pour la création d’un cadre réglementaire pour développer l’éolien. Un des points d’orgue de ce travail a été l’obtention du tarif d’obligation éolien. Le 8 juin 2001, un arrêté tarifaire obligeait EDF à racheter l’électricité pendant 15 ans, à un prix qui nous permettait de financer nos opérations, de développer un modèle économique pertinent.

Quel a été votre business model à partir de ce moment-là ?

J.-Y. G. : Au départ, le capital de Valorem était à 85 % familial, les 15 % restants étant détenus par des amis. Nous n’avions pas les moyens de mener des développements de projets éoliens qui coûtent chacun 300 000 euros et qui durent cinq ans. En 2001, nous étions encore moins de dix collaborateurs. Il a fallu attendre 2007 pour arrêter de vivoter. Nous avons réussi deux levées de fonds qui nous ont rapporté 23 millions d’euros auprès de la filiale du Crédit Agricole qui s’occupait de private equity, et de la Caisse des Dépôts et Consignations. Nous pouvions changer de modèle d’affaires et devenir producteur. Avec ces 23 millions d’euros apportés en fonds propres, nous avons pu réunir 150 millions d’investissements pour construire 100 MW.

Où avez-vous installé vos premiers parcs éoliens ?

J.-Y. G. : Trois parcs se sont faits au même moment, dans la Somme à Laucourt-Beuvraignes près de Roye, dans l’Aube à Lhuitre, près d’Arcis-sur-Aube et dans le Tarn à Arfons près de Mazamet.

De nouveaux services et métiers ont donc été développés pour accompagner ce changement de cap ?

J.-Y. G. : Effectivement, nous avons développé les métiers de la construction à travers une filiale qui s’appelle Valrea et ceux de l’exploitation et de la maintenance à travers Valémo. Ce qui permet aujourd’hui à Valorem d’être un opérateur complètement intégré sur la chaîne de valeurs de la production d’électricité verte, depuis les études de développement – notre premier métier — jusqu’à l’exploitation et la maintenance. Nous nous sommes aussi diversifiés en matière de technologies. Nous avons développé le solaire et l’hydraulique. Aujourd’hui, nous produisons 420 MW, l’éolien en représente 350 MW, le solaire une soixantaine et l’hydraulique 10 MW.

Qu’en est-il de votre développement à l’international ?

J.-Y. G. : Notre objectif est de doubler nos résultats d’ici 2021 grâce à nos installations à l’étranger. 2020 sera d’ailleurs l’année de la consécration de l’ouverture à l’international. À partir de 2007-2008, on a commencé à aller à l’étranger : Roumanie, Ukraine… En Finlande, nous avons vendu à un investisseur anglais 90 % d’un premier parc de 72-MW, soit 17 turbines de 4,2 MW, qui seront installées sur des mâts de 150 mètres de haut, soit 230 mètres de hauteur, pales comprises. C’est ce qu’on fait de plus gros actuellement en terrestre. On tourne à équivalent 4 000 heures par an, équivalent pleine puissance, sur les 8 700 heures d’une année, quand les centrales nucléaires en France sont environ à 6 000 heures. En Finlande, nous ne bénéficions pas d’un mécanisme de prix garanti. On produit à 40 euros par MW/heure, voire moins. Et pourtant, ce prix nous permet d’amortir nos installations. Nous prouvons que lorsque l’on peut monter en hauteur avec des vents puissants, on arrive à produire à des coûts de production pratiquement équivalents aux opex du nucléaire.

La montée des mats est donc une condition pour que l’éolien puisse être davantage concurrentiel ?

J.-Y. G. : C’est un enjeu fondamental au niveau du développement de la filière, et même de l’intérêt plus général du pays. Une éolienne de 4 MW, à 150 m de haut va produire une fois et demie plus que deux éoliennes de 2 MW à 80 mètres de haut. Si on augmente la hauteur, on en met deux fois moins, et on produit moins cher. Il faut arbitrer. L’Espagne, l’Allemagne, les pays nordiques n’hésitent pas à monter les éoliennes en hauteur. Si on ne le fait pas chez nous, on met un boulet au pied de notre industrie.

La montée en puissance de Valorem est surtout envisagée à l’étranger ?

J.-Y. G. : C’est vrai qu’en Finlande on a deux très gros parcs en fin de développement. Le premier, avec une soixantaine de machines, pour 250 MW, équivaut à tout ce que l’on a développé pour l’heure en France à travers notre quinzaine de parcs. Notre second parc fera 300 MW. Nous sommes aussi en train d’ouvrir en Grèce et en Colombie. Notre objectif c’est un gigawatt de parcs en 2022. Et que la part de la France représente la moitié de notre parc à horizon 2035, avec un gros prisme européen.

Notre région peut-elle devenir fer de lance de ces nouvelles énergies ?

J.-Y. G. : Localement, notre problème ce sont les activités militaires et stratégiques, de grands territoires ont été préemptés par l’armée. Les bases militaires, celle de Cazaux en particulier, les vols à basses altitudes, contraignent l’installation de parcs. Nous sommes également face à une autre problématique dans le Médoc, où les chasseurs sont vent debout contre l’énergie éolienne, ce qui n’est pas le cas dans d’autres régions de France.

Localement ce sont donc plutôt les parcs photovoltaïques que vous pensez développer ?

J.-Y. G. : Le développement des parcs photovoltaïques est contraint par tout ce qui nécessite des autorisations de défrichement, qui ne sont désormais plus éligibles aux appels d’offres de la commission de régulation de l’énergie. Nous militons donc pour que soient éligibles des projets de photovoltaïques extensifs, tels que ceux que nous avons réalisés à Brach ou à Saint-Hélène. Il s’agit de recréer des biotopes de landes humides sur des zones où il y a eu de la déprise agricole, par exemple, en fonctionnant avec un éleveur local qui pourrait y faire paître des moutons. Ce qui pourrait aussi redonner une pertinence au modèle économique de l’éleveur.

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