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Inspection d’éoliennes : Singulair conquiert le monde avec son logiciel prédictif
Bordeaux # Edition de logiciels # Cleantech

Inspection d’éoliennes : Singulair conquiert le monde avec son logiciel prédictif

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Avec une croissance à deux chiffres depuis sa spécialisation dans l’éolien en 2017, la PME bordelaise peut se vanter aujourd’hui d’être leader mondial des solutions digitales pour l’inspection et la maintenance des pales. En séduisant les fabricants, elle s’ouvre les portes de tous les pays, avec l’IA dans ses bagages et des drones pour la transporter.

Olivier Maffrand, PDG et fondateur de Singulair : "Nous sommes des éditeurs de logiciel. Ce qui compte sont les données récoltées et ce qu’on en fait." — Photo : Caroline Ansart

En quelques années, l’équipe de Singulair - douze personnes installées au cœur de Bordeaux - a permis l’inspection de 30 000 éoliennes dans 30 pays et convaincu des poids lourds de l’industrie éolienne que sa plateforme numérique TurbineWatch était la meilleure solution pour inspecter et planifier la maintenance de ces géants blancs.

Concrètement, elle s’appuie sur une centaine de pilotes de drones dans le monde, qu’elle forme à ses process, chargés de photographier les pales et nourrir le logiciel de Singulair.

Rentable depuis 2019 (2,5 M€ de CA en 2022) sans jamais avoir levé de fonds, l’entreprise girondine autofinance sa R & D et affiche une croissance de 25 à 35 % par an.

Du vent dans les voiles

"Nous avons eu du vent dans les voiles et frappé à la bonne porte au bon moment", considère Olivier Maffrand, le PDG et fondateur. En l’occurrence à celle du fabricant danois Vestas, le numéro 1 mondial (15,4 Md€ de CA en 2023). Dès 2019, le groupe confie 1 000 éoliennes à Singulair, pour 15 ans. "Il a été séduit par notre industrialisation du process. L’éolien est une énergie décentralisée. Il faut des process sur mesure, la seule réponse possible est le numérique.''

Singulair a déjà inspecté 30 000 éoliennes dans le monde — Photo : Singulair

Singulair cible uniquement les fabricants, "les seuls capables de nous confier des volumes et nous porter partout dans le monde." Aujourd’hui, la PME compte aussi Nordex et General Electrics parmi ses clients.

Une filiale au Brésil

Son dernier coup en date, en décembre : décrocher un contrat au Brésil, via Vestas, correspondant à 20 % du marché du pays, qui devrait représenter environ 1 million d’euros de chiffre d’affaires cette année. ''Le Brésil deviendra notre deuxième, voire notre premier marché dans quelques années'', prédit le PDG. Singulair y a ouvert une filiale au printemps 2023.

Au total, l’entreprise gère aujourd’hui 14 000 éoliennes, d’abord en France (4 000), mais aussi en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Turquie… "Chaque année, on ajoute 2 000 éoliennes." Une goutte d’eau au regard du marché (350 000 dans le monde) qui croît en moyenne de 10 % par an.

Sachant qu’une éolienne nécessite une visite de contrôle une à deux fois par an. En Argentine, la forte activité orageuse impose même une visite par trimestre.

''C’est un marché de spécialistes mais ce n’est pas un marché de niche'', analyse le dirigeant. À ses débuts, en 2014, Singulair s’adressait aussi aux parcs photovoltaïques. "Le marché était moins pertinent parce qu’un panneau n’est pas assez cher, alors qu’une éolienne coûte environ 3 millions d’euros avec une durée de vie de 20 à 25 ans. Elle doit performer. Rien qu’une pâle coûte 200 000 euros.''

Singulair parvient à chiffrer la perte de performance et le manque à gagner en monnaie sonnante et trébuchante induit par des dommages, et ceci en un temps record.

Le logiciel au cœur de la solution

"Le métier d’inspection a beaucoup évolué. Auparavant - c’est parfois encore le cas -, il était réalisé par des cordistes qui documentaient sur papier. Le marché s’est ensuite intéressé à la prise de photos haute définition depuis le sol, un service moins dangereux, moins cher, plus rapide. Les drones permettent des photos de meilleure qualité, avec davantage d’angles et de proximité." A en croire Singulair, c’est là, à la prise d’image, que s’arrête la concurrence (une entreprise suisse et deux américaines). Les Bordelais vont plus loin : livrer une analyse et même du prédictif.

"Ce que veulent les clients, c’est ce que le radiologue dicte à son dictaphone, pas qu’on leur explique comment fonctionne l’IRM"

"Nous sommes des éditeurs de logiciel. Ce qui compte sont les données récoltées et ce qu’on en fait. Considérant qu’il n’y a pas deux pilotes de drone qui volent de la même manière, nous avions deux problématiques : comment standardiser le résultat et comment livrer non pas des images mais une analyse." Olivier Maffrand, ancien d’Airbus, compare sa mission à celle d’un radiologue : "Ce que veulent les clients, c’est ce que le radiologue dicte à son dictaphone, pas qu’on leur explique comment fonctionne l’IRM".

La base de données de Singulair comprend aujourd’hui 1 million de dommages et nourrit la brique supplémentaire de TurbineWatch : l’intelligence artificielle. Elle devient un pilier de la solution et lui ouvre les portes du prédictif. Le logiciel intervient alors comme une aide à la décision.

L’IA poussée jusqu’à Minority Report

Oliver Maffrand a un rêve : "Arriver au bureau le matin et demander à un écran intelligent façon Minority Report ce que je dois savoir''. Petit à petit, il s’en approche. Un écran tactile géant est déjà accroché au mur des locaux du centre-ville de Bordeaux. Il n’est pas transparent comme dans le film de Spielberg, mais Olivier Maffrand manie le sien aussi bien que Tom Cruise.

Au siège de Singulair, un écran géant permet de démontrer combien la plateforme numérique TurbineWatch rend accessible en quelques secondes l’analyse de n’importe quelle pale partout dans le monde. Le rapport est généré automatiquement par l’IA — Photo : Caroline Ansart

En un clin d’œil, une cartographie des éoliennes apparaît. En une seconde, il démontre que telle pâle en Turquie avait une fissure, à réparer en urgence, que la réparation a bien été effectuée.

En 2023, Singulair a créé ''un GPT maison'' qui génère le rapport d’analyse de chaque dommage. ''On a franchi une étape vers une IA générale, celle qui permettra un dialogue entre l’homme et la machine.'' Cette année, l’équipe lance un module de prédiction des réparations. "Plus tard, l’écran me dira le matin qu’un orage a généré tel dommage, que j’ai trois mois pour y remédier, que je peux faire appel à tel réparateur dans un rayon de 50 km, à tel prix." Singulair avance pas à pas, soucieux que les changements demeurent implémentables et appréhendables. Tout le monde n’est pas - encore - prêt à Minority Report.

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