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Guy Tempereau (Seris) : "Les entreprises de la sécurité doivent se réinventer"
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Guy Tempereau dirigeant du Groupe Seris "Les entreprises de la sécurité doivent se réinventer"

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Après 45 ans à la tête de Seris, Guy Tempereau prend du recul. Le fondateur et dirigeant du leader français de la sécurité revoit la gouvernance de son groupe, basé à Saint-Nazaire, et appelle les entreprises du secteur à changer de modèle.

Guy Tempereau, dirigeant du groupe Seris — Photo : Seris

Vous prenez donc du recul sur l’opérationnel de Seris (43 000 salariés, 650 M€ de CA en 2020) après 45 ans à la tête de l’entreprise. Pour quelle raison ?

Cela fait des années que j’y réfléchis. Je m’étais dit qu’à mes 60 ans, je déciderai de l’avenir de l’entreprise, si je la vendais ou si elle restait dans le giron familial. Elle reste donc dans le giron familial. Je me suis donné 10 ans pour établir la nouvelle organisation. J’ai d’abord proposé il y a 7 ans à mes deux filles Céline et Audrey de travailler ensemble. J’ai ensuite décidé de créer un family office en décembre 2019 : GenTem qui se prononce comme " j’entends ", qui signifie être à l’écoute. La famille reste, via cette holding, actionnaire à 100 % de Seris. Par ailleurs, nous avons mis en place un nouveau modèle de gouvernance qui s’articule autour de deux organes nouvellement créés : le conseil de gouvernance et d’animation (CGA) et le comité exécutif (Comex). Le CGA, dont la mission est de définir les orientations stratégiques du groupe, réunit mes trois enfants mais aussi Dominique Bamas (membre du conseil de surveillance de Manitou), Bruno Cathelinais (ancien président du directoire de Beneteau) et Antoine Massiet du Biest (directeur général du family office GenTem). Le Comex a quant à lui pour missions la mise en œuvre de la politique définie par le conseil de gouvernance et d’animation et le pilotage opérationnel des activités du groupe. Il est composé d’une équipe de sept personnes qui ont rejoint le groupe sur l’année 2020 et est dirigé par Patrick Abgrall. Il a acquis en France comme à l’étranger (États-Unis, Royaume-Uni) une expérience forte au sein de groupes internationaux dans le domaine du feu et de la sécurité électronique.

L’organisation de Seris change donc. Et la stratégie ?

La stratégie reste la même. Nous avons décidé en 2019 de faire une pause après l’acquisition du groupe polonais Konsalnet qui représente un tiers du chiffre d’affaires et des effectifs du groupe. Il faut prendre le temps de bien faire. Cette pause va permettre aux organismes de l’entreprise de se préparer, de repenser ses méthodes. Nous voudrions ensuite continuer à grandir par croissance externe en Europe et en Afrique où nous sommes déjà présents depuis cinq ans avec 12 000 salariés. Quand nous nous implantons dans un nouveau pays, c’est avec l’ambition d’être positionnés au minimum dans le top 3. C’est le cas dans chaque pays.

Comment le groupe Seris a-t-il vécu cette année 2020 si particulière ?

L’année 2020 restera dans les esprits. C’est en France que nous avons le plus souffert. Nous comptons encore aujourd’hui près de 300 personnes en activité partielle. Nous avons souffert parce que nos équipes dans les aéroports sont à l’arrêt, un secteur qui représentait en 2019 12 % de notre activité en France. L’annulation des événements culturels et sportifs (Seris assure la sécurité des matchs de football et de rugby, NDLR) a aussi pesé alors que nous venions justement de reprendre en 2018 le n°1 belge sur l’événementiel. L’année 2020 a été difficile, nous sommes loin de nos objectifs en termes de chiffre d’affaires avec un écart de 70 millions d’euros, même si le groupe reste en croissance. Le résultat d’exploitation sera positif mais le résultat net devrait être un peu juste.

La rentabilité du secteur de la sécurité a toujours été faible. Comment évolue-t-elle ?

Elle est encore plus faible depuis 2019. Aujourd’hui, sans même prendre en compte la Covid, je pense que 50 % des entreprises de la sécurité sont dans le rouge. On parle de résultats en baisse de 60 à 70 % pour certains. C’est un secteur très concurrentiel qui compte plus de 5 000 entreprises. Toutes les activités ont été à la baisse.

Comment retrouver de la rentabilité ?

Il faut s’adapter, se réinventer. Ce que nous faisions avant n’est plus viable. C’est pour cela que nous avons besoin de temps pour réfléchir à la sécurité de demain. Nous allons réfléchir à une diversification des produits en étudiant notamment la valeur ajoutée des nouvelles technologies sur nos métiers. Les principaux acteurs se repositionnent sur ce sujet, après s’en être éloignés il y a quelques années. Il faudrait aussi que l’ensemble de la profession se mobilise afin d’établir une task force sur tous les sujets de prévention. En France, la sécurité, c’est 175 000 salariés dans le privé, 150 000 en gendarmerie, 130 000 dans la police. Et si on réfléchissait ensemble à apporter une solution, partager une vision sur les risques sécuritaires ? Le groupe Seris est présent par exemple au Parlement européen à Strasbourg, et assure des missions sécuritaires sur des sites militaires en Belgique et en Pologne, ou encore sur des sites sensibles comme des centrales nucléaires. Nous pouvons et nous devons avoir des sujets communs de discussion dans l’intérêt de la sécurité nationale.

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