Alors qu’il fête ses 80 ans en 2024, le fabricant gardois de sous-vêtements Eminence (500 salariés) ouvre un nouveau chapitre de son histoire. Fortement ancré sur le marché masculin (80 % de l’activité), il veut accélérer son déploiement sur les segments des enfants et surtout des femmes, qui génèrent à ce jour moins de 3 millions d’euros dans son chiffre d’affaires (sur les 100 M€ réalisés en 2023 par Eminence). Le groupe boucle, à cette fin, le rachat de la marque italienne Passionata : gérant un catalogue de 300 modèles, celle-ci a réalisé 33 millions d’euros de ventes en 2022.
Une impulsion à l’international
Cette acquisition pousse Eminence à prendre un véritable virage stratégique. Focalisé sur la grande distribution, le groupe va devoir s’orienter vers les magasins de détail (retail), privilégiés par la marque italienne. De même, Eminence, qui vend essentiellement en Europe (Allemagne, Espagne, France, Italie), va pouvoir se projeter sur les 18 pays couverts par Passionata à l’international.
La modernisation d’une marque phare
Afin de piloter les développements à venir autour de la marque, le groupe transfère son équipe commerciale et son bureau de style dans son siège social, situé à Aimargues près de Nîmes. "Passionata privilégie, depuis sa création en 1988, les modèles confortables et sexy. Nous allons diversifier la marque vers des modèles de nuit et de détente. De même, alors qu’elle privilégie les 35/45 ans, nous pensons qu’il est possible de cibler les 25/35 ans. Enfin, nous prévoyons de lancer la marque aux États-Unis", annonce Antonio Iandolo, nouveau président depuis 2022.
Un plan d’ampleur pour adapter l’outil industriel
Passionata fabrique en Asie, mais Eminence va rapatrier la production des pièces à plus forte valeur ajoutée dans ses 2 usines, à Sauve (Gard) et en Afrique du Nord. À cette occasion, l’entreprise, avec l’appui financier son actionnaire (le groupe israélien Delta Galil), lance un plan d’investissement de 10 millions d’euros en 18 mois. Deux nouvelles machines de production seront installées en 2024, portant les capacités d’Eminence à un million de pièces coupées. "Malgré les contraintes de la mondialisation, nous sommes une des dernières sociétés textiles à rester maîtresse de sa chaîne de production : nous n’achetons aucun produit sur étagère", fait valoir Antonio Iandolo.
Un challenge technique à relever
Une enveloppe de 2 millions va permettre d’élargir la zone de préparation et d’expédition (3 500 m2), alors qu’Eminence envoie déjà 19 millions de pièces par an depuis Sauve. "Nous gérions l’Europe comme un marché domestique, mais il s’agit maintenant de livrer 18 pays dans le monde. De même, le poids de Passionata dans le retail va nous amener à traiter des volumes plus réduits. C’est un challenge technique, car la marque affiche plus de 22 000 références", précise Eric Abriat, directeur opérationnel d’Eminence. De ce fait, le groupe programme aussi 30 recrutements pour se renforcer sur certains métiers. Il en profite pour rénover son siège social, à Aimargues, et pour renouveler son système informatique, moyennant 3 millions d’euros.
Une accélération sur les marchés publics
En combinant ses 2 marques masculines historiques (Eminence et Athena), le groupe gardois revendique 31,5 % de parts de marché en Europe. Avec cet effort de diversification, il vise désormais 5 % de parts de marché dans le sous-vêtement féminin, et 10 % sur le créneau enfants (contre près de 8 % à ce jour), sans compter d’autres marchés fructueux. En s’appuyant sur son savoir-faire technique, Eminence se développe aussi sur des marchés publics, tels que la police et l’armée, à qui il propose des produits innovants comme des chemises anti-optiques invisibles aux infrarouges. Cette activité, qui générait 10 % de chiffre d’affaires en 2023, va bondir après un marché de 4 ans remporté aux côtés de deux partenaires, le nîmois Leo Minor et le francilien Marck & Balsan. "Nous devrons produire un vestiaire complet, soit 250 000 lots pour les agents de la police, de la gendarmerie et du ministère de l’Intérieur, qu’il faudra expédier partout dans le monde, de la Métropole jusqu’à Maillote et Mururoa. Une telle opération justifie elle aussi d’avoir une supply chain mondialisée", conclut Eric Abriat.
