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Coronavirus : Les campings varois veulent sauver leur été
Enquête Var # Tourisme

Coronavirus : Les campings varois veulent sauver leur été

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Habituellement, les campings varois accueillent leurs premiers clients dès le printemps venu et font le plein lors des week-end prolongés des mois d’avril et de mai. Alors que le confinement a été mis en place quelques jours avant leur ouverture, les gérants accusent aujourd’hui des pertes importantes et se préparent pour sauver la saison estivale, mais aussi leurs entreprises.

Le groupe Campasun gère six campings de moyenne capacité dans le Var et le Vaucluse (ici, le Parc Mogador de Sanary-sur-Mer), qui offrent un total de 1 000 emplacements. — Photo : Campasun

Ils ont raté leurs vacances de Pâques, sont en train de rater leurs ponts de mai et les incertitudes sont encore nombreuses quant à la date de réouverture des établissements touristiques et en l’occurrence des campings.

Dans le département du Var, cette hôtellerie de plein air est le premier hébergeur touristique. Avec 240 campings, offrant 33 000 lits marchands, soit plus de 54 % des lits marchands du département, l’hôtellerie de plein air place le Var à a la deuxième place des départements français en termes d’offres sur ce marché. Cette industrie est aussi importante en termes de retombées : selon une étude commandée par le syndicat varois de l’hôtellerie de plein air et réalisée en 2017, le secteur emploie directement 1 574 personnes et soutient 740 emplois indirects et 970 emplois induits. « Pour un emploi direct dans un camping du Var, un emploi supplémentaire est soutenu dans l’économie varoise », ajoute le président du syndicat Michel Nore, à la tête du groupe Sud-Est Vacances. Et du côté des retombées, les dépenses des clients en campings sont estimées à plus de 390 millions d’euros dans le Var.

Les préparatifs de la reprise

Alors forcément, leur fermeture n’est pas sans conséquence sur l’économie touristique et l’économie en général. Et aujourd’hui, la même question est sur toutes les lèvres : quand pourront-ils rouvrir ? « Nous savons que le gouvernement devrait communiquer une date d’ouverture fin mai, début juin. Je sais que c’est très compliqué pour tout le monde d’attendre, mais, je veux dire à mes adhérents et confrères que ce serait pire d’avoir un redémarrage de l’épidémie si on rouvrait trop tôt. Je préfère avoir une très bonne saison en juillet, août, septembre, voire octobre que de devoir refermer mes établissements. Il faut être raisonnable et prudent : mieux vaut tard que jamais ! », affirme Michel Nore.

Toutefois, certains s’agacent du manque de visibilité, à l’image d’Aurore Laroche, la dirigeante d’Esterel Caravaning, un camping 5 étoiles, situé à Saint-Raphaël et qui propose 495 emplacements, dont 331 mobile-homes : « Nous avons besoin d’un calendrier méthodique et précis et de décisions cohérentes qui mettent fin au flou artistique. Qu’on ne vienne pas me dire que je peux ouvrir mon établissement la veille pour le lendemain, comme ce fut le cas pour l’entrée en confinement. »

« Qu’on ne vienne pas me dire que je peux ouvrir mon établissement la veille pour le lendemain. »

Dans l’attente de précisions, la dirigeante ne reste pas les bras croisés et réunit ses équipes un soir sur deux pour trouver des solutions qui permettraient de garantir la sécurité de ses vacanciers comme celle de son personnel. Aurore Laroche a ainsi prévu d’équiper de plexiglas tous les lieux recevant du public. Elle a doublé la surface de la terrasse de son restaurant et agrandi la terrasse de la piscine ; elle a commandé des masques en Chine et du gel hydroalcoolique « en quantité industrielle » ; elle a sollicité l’aide d’un ami pour avoir des visières de protection et prévoit l’affichage d’informations et de fiches conseils. « Nous nous réinventons, nous repensons tout le camping, à commencer par le code d’accès, qui sera remplacé par un système de lecture des plaques d’immatriculation pour commander l’ouverture des barrières. Nos clients qui reviennent d’une année sur l’autre seront invités à régler leur séjour la veille de leur arrivée. Nous imaginons aussi de nouveaux services comme des paniers barbecue, apéro ou petit-déjeuner. Ces investissements n’étaient bien sûr pas prévus mais nous avons la chance d’avoir une banque qui nous a suivis tout de suite », détaille la dirigeante, qui veut être prête le jour J et attend désormais les préconisations du gouvernement pour mettre à jour les premières mesures prises.

« Nous nous réinventons, nous repensons tout le camping. »

Dans les campings de Sud-Est Vacances et du groupe Campasun, les dirigeants préfèrent attendre la validation des protocoles sanitaires. « Nous travaillons déjà sur les outils de communication à destination des personnels, des clients et des enfants et nous nous adapterons, a minima, aux mesures préconisées par le gouvernement », souligne Vincent Gailledrat, qui dirige le groupe familial Campasun. Pour faciliter cette reprise, le syndicat varois a en outre pris l’engagement d’organiser des achats groupés de masques, gels, gants, lingettes, plexiglas au niveau départemental.

Sauver les trésoreries et les emplois

Dans l’attente de cette date d’ouverture tant attendue, les établissements de plein air sécurisent aussi leur trésorerie et Michel Nore conseille d’ailleurs à tous ses adhérents de vérifier leur éligibilité au prêt garanti par l’État (PGE) auprès de leur banque et de l’activer lorsque le besoin se fait ressentir.

Chez Campasun, groupe qui exploite six campings en direct (4 dans le Var, 2 dans le Vaucluse), « nous avons sollicité un PGE pour sécuriser notre trésorerie sans aucun problème et ce dispositif nous permettrait de maintenir l’entreprise tout en faisant une année totalement blanche », confie le dirigeant. Du côté des effectifs, 80 % de ses salariés (une quinzaine à l’année) sont en chômage partiel. Chez Sud-Est Vacances, la moitié de la soixantaine de salariés a aussi été placée en chômage partiel et chez Estérel Caravaning, un tiers des 25 salariés est concerné par ce dispositif exceptionnel.

« Nous avons sollicité un prêt garanti par l’État pour sécuriser notre trésorerie sans aucun problème. »

Quant aux saisonniers, ils seront embauchés lorsque leurs employeurs auront davantage de visibilité. Dans le camping d’Aurore Laroche, l’effectif est généralement complété, dès avril, par l’embauche de 37 saisonniers, embauches aujourd’hui suspendues. Pour la haute saison, qui s’étend de la fin du mois de juin au 31 août, le camping emploie un total de 75 à 85 personnes. Du côté des 9 campings varois du groupe Sud-Est Vacances, l’effectif passe de 60 à 300, voire 350 personnes en été. Enfin, chez Campasun, une quinzaine de salariés travaillent à l’année, quand ils sont 70 à 80 en pleine saison.

Une offre inédite pour former les saisonniers

Pour faire patienter ces saisonniers tout en mettant ce temps à profit, Romuald Rettien, le dirigeant de la société de formation toulonnaise Neo Sphère (12 salariés et une quinzaine d’intervenants, CA : 900 000 €), créée en 2014 et qui forme environ 300 élèves par an aux métiers du tourisme en présentiel (à Six-Fours-les-Plages) et à distance, a bâti une nouvelle offre en quelques jours. Convaincu en outre que l’hôtellerie de plein air est l’offre d’hébergement la mieux adaptée aux mesures de distanciation sociale, Romuald Rettien a lancé une offre de formation à destination des saisonniers du secteur, pour leur permettre « d’être opérationnels dès leur embauche à l’ouverture des campings. »

« Nous avons bâti une offre de formation pour permettre aux saisonniers d’être opérationnels dès leur embauche. »

L’organisme a traité plus de 2 500 candidatures à travers toute la France, pris en charge l’intégralité du process de recrutement et a sélectionné une trentaine d’apprentis, qui sont, depuis, formés aux métiers de la réception et de l’animation pour une durée de deux mois (avril et mai), « voire un peu plus longtemps si les campings ne sont pas opérationnels le 1er juin. » Les campings indépendants, ceux-là même que Neo Sphère souhaitait cibler, ont largement répondu présents : ils sont 35 (tous en dehors du Var) à avoir communiqué leurs besoins et pourront compter, dès leur ouverture, sur du personnel opérationnel.

Un appel à des mesures adaptées au secteur

Si les initiatives privées, comme celle de Neo Sphère, sont les bienvenues, les professionnels du tourisme sont nombreux à juger les mesures de l’État insuffisantes, d’autant que les pertes sont très importantes depuis le début du confinement. Le camping d’Aurore Laroche ouvre habituellement dès le 1er avril pour une clientèle composée d’Allemands, d’Anglo-saxons et de Français et affiche complet dès le week-end de Pâques. « À la date du 30 avril, la perte liée à la fermeture atteint déjà les 880 000 euros, alors que le chiffre d’affaires annuel est de l’ordre de 5,5 millions d’euros », confie la dirigeante. Pour sauver l’année, Estérel Caravaning restera ouvert jusqu’aux vacances de La Toussaint. « Mais au-delà de cette date, nous ne pourrons pas récupérer le chiffre d’affaires perdu cette année ! C’est là une spécificité de nos métiers, qui justifierait à elle seule une exonération de charges pour l’année 2020. Le report est totalement inadapté car nous devrions payer des charges en hiver, lorsque nous n’engrangeons pas de chiffre d’affaires… C’est pareil pour le report de crédit à 6 mois, ce n’est pas tenable et je demande un report d’au moins une année », affirme Aurore Laroche, qui estime que son chiffre d’affaires annuel devrait être divisé par quatre en 2020. Notamment parce que l’établissement fonctionne avec une clientèle étrangère : « les Anglo-saxons viennent chez Estérel caravaning par l’intermédiaire d’un tour-opérateur, propriétaire de 100 mobile-homes, qui resteront vides cet été et sur nos 400 emplacements, la moitié de notre clientèle est européenne », détaille la dirigeante.

Sauver l’été pour ne pas alourdir les pertes

Pour le groupe Campasun, qui reçoit une clientèle majoritairement française (70 à 75 %), Vincent Gailledrat estime que les pertes jusqu’à fin juin se chiffrent à hauteur d’1,2 million d’euros et la baisse du chiffre d’affaires (6 M€ en 2019) devrait avoisiner les 40 % sur l’ensemble de la saison. « Néanmoins, une interrogation majeure persiste autour de la réouverture ou non de nos parcs aquatiques, qui sont des atouts majeurs pour valider une réservation », précise l’entrepreneur.

Parc aquatique du camping Estérel Caravaning, situé à Saint-Raphaël. — Photo : Estérel Caravaning

Chez Sud-Est Vacances, Michel Nore espère réaliser cette année 9 millions d’euros de chiffre d’affaires contre 13 millions d’euros l’année précédente sur la seule activité camping (le groupe gère 22 sociétés, dont 9 campings, NDLR). « À la fin du mois d’avril, le taux de réservation était de l’ordre de 30 % alors qu’en période normale, nous atteignons déjà les 60 à 70 % d’emplacements réservés, mais nous pouvons encore sauver la saison si nous faisons le plein en juillet et août », confie Michel Nore. Sauver cette saison, tous veulent y croire, d’autant que l’hôtellerie de plein air ne manque pas d’atouts dans un contexte de crise sanitaire : « nous avons de l’espace et nos clients sont beaucoup moins confinés que dans un hôtel », confie le dirigeant de Sud-Est Vacances, qui accueille en moyenne 8 000 clients en simultané dans ses 9 campings. « Les propriétaires de campings ont déjà mis en place des mesures liées à la prévention des risques incendie ou inondation, qui peuvent correspondre aux exigences du déconfinement. Ils sont aussi très inventifs et prêts à s’adapter, mais ils ont besoin d’une feuille de route et d’une autorisation de réouverture », renchérit Françoise Dumont, présidente de l’agence de développement touristique du Var.

« Nous avons de l’espace et nos clients sont beaucoup moins confinés que dans un hôtel »,

« Chaque été, 3 millions de familles françaises, qui avaient l’habitude de partir au-delà des frontières européennes, resteront en France cet été et pourraient venir séjourner en campings », ajoute le président du syndicat de l’hôtellerie de plein air. Aurore Laroche aussi veut rester optimiste : « C’est plus compliqué, mais je garde l’espoir. Et je me bats pour mon personnel et mes clients, mais aussi pour l’entreprise familiale, créée par mes parents, que je ne vois pas voir disparaître », confie-t-elle.

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