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Coronavirus – Alban Ragani (Securiteam) : « Bruno Le Maire, ne vous immiscez pas dans nos entreprises »
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Coronavirus – Alban Ragani (Securiteam) : « Bruno Le Maire, ne vous immiscez pas dans nos entreprises »

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La prime exceptionnelle de 1 000 euros pour les salariés a fait bondir Alban Ragani, co-dirigeant de Securiteam (300 salariés et 10 M€ de CA), une entreprise de sécurité installée à Lorient. Dans une vidéo publiée sur son compte LinkedIn, le chef d’entreprise, également président du Medef Morbihan, s’adresse au ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Il explique les origines de ce coup de colère.

— Photo : Ségolène Mahias

Le Journal des Entreprises : Pourquoi avoir choisi d’interpeller, via une vidéo sur LinkedIn, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire sur la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat de 1 000 euros pour les salariés ?

Alban Ragani : L’annonce de cette prime a des effets désastreux dans nos organisations professionnelles et nos entreprises. Nos téléphones ne cessent pas de sonner : des salariés demandent cette prime, car ils travaillent au quotidien pendant cette pandémie.

C’est simple et facile, pour un ministre, de proposer cette prime, voire d’envisager de la doubler, avec l’argent des autres. Prenons l’exemple de mon entreprise de 300 salariés : si je leur verse une prime de 1 000 euros, cela fait donc 300 000 euros, voire 600 000 euros, au bout de 15 jours de confinement. Où va-t-on s’arrêter ? J’aimerais les donner si je les avais. Avec une marge de 2 à 3 euros de l’heure dans le domaine de la sécurité, ce n’est pas possible.

« Que l’État octroie une prime identique de 1 000 euros à tous les soignants. Il peut le faire et tout le monde trouvera cela légitime. »

Je dis à Bruno Le Maire : "Ne vous immiscez pas dans notre entreprise". C’est de l’ingérence. C’est de l’électoralisme pour le futur. Que l’État, qui est à la tête de la fonction publique, octroie une prime identique de 1 000 euros à tous les soignants. Il peut le faire et tout le monde trouvera cela légitime. Le rôle de l’État est de soutenir l’économie, comme il le fait actuellement. Laissez-nous gérer nos entreprises comme nous l’avons toujours fait ! C’est notre métier.

Qu’attendez-vous après votre prise de position ?

Alban Ragani : J’aimerais que Bruno Le Maire prenne la parole et dise qu’il est allé trop loin en proposant cette prime. Je souhaiterais qu’il précise qu’il n’a pas à intervenir dans le pilotage des entreprises.

Mon message est bien évidemment relayé par le Medef et nos syndicats d’entreprises de sécurité. Que cherche-t-on avec ce type de déclarations ? À avoir de nouveau un front syndical. Les agents de sécurité sont 170 000 en France. C’est plus que le nombre de policiers. Les agents de sécurité ne sont pas valorisés. Beaucoup de métiers sont mis à l’honneur en ce moment, mais on oublie nos métiers. Leur accorder de la reconnaissance, ce serait bien.

Comment l’État pourrait aider plus encore vos entreprises ?

Alban Ragani : En faisant leur job, qui est de gérer le pays, mais pas en s’immiscant dans nos entreprises. Là, ils dévalorisent notre rôle de dirigeants.

Je considère que l’État français apporte un soutien très fort à l’économie. Peu de pays en font de même, c’est à saluer. Les mesures d’accompagnement de chômage partiel, le prêt garanti par l’État apportent de l’oxygène, même s’il faut avancer les salaires, par exemple. Reste à savoir comment nous allons financer ces mesures demain.

Nos gouvernants ont agi vite. Il faut désormais garder ce coup d’avance. Demain, nos entreprises tricolores pourraient avoir de belles opportunités de rayonner à l’international.

Quel est le niveau d’activité de Securiteam ?

Alban Ragani : Entre la mi-mars et la fin mars, c’était de la folie. Les besoins étaient énormes dans la grande distribution. Cela nous a permis de trouver du travail à l’ensemble de nos collaborateurs, notamment pour ceux qui intervenaient dans des enseignes actuellement fermées. En ce début avril, les magasins alimentaires ont pris un autre tempo. L’affluence s’est régulée dans les commerces, donc les besoins sont moindres pour assurer la sécurité. Il est possible que 20 à 30 % de nos effectifs soient placés en chômage partiel.

Morbihan # Services # Conjoncture # Politique économique