Haute-Garonne
Brexit : "Des risques à ne pas sous-estimer pour la filière aéronautique"
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Fany Declerck professeur des universités à la Toulouse School of Management "Des risques à ne pas sous-estimer pour la filière aéronautique"

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[Brexit 3/4] Le Royaume-Uni est officiellement sorti de l'Union européenne le 1er janvier 2021, tout en négociant un accord de commerce et de coopération. Quel est l'impact du Brexit sur l'activité des entreprises et acteurs économiques d'Occitanie ? La chercheuse Fany Declerck, experte en échanges internationaux, met en garde contre les risques politiques, organisationnels et financiers pour la filière aéronautique.

— Photo : Airbus SAS / P. Masclet

La direction d’Airbus a salué l’accord trouvé entre Bruxelles et Londres : le pire est-il évité pour l’avionneur ?

Fany Declerck : Un no deal, en créant des difficultés aux frontières douanières, aurait été un coup incomparablement plus dur pour l’avionneur. Mais l’accord ne résout pas toutes les difficultés, sur le plan organisationnel et financier notamment. Évoquons d’abord le risque politique : avant même de se mettre d’accord avec Bruxelles, Londres a décidé de supprimer au 1er janvier toutes les surtaxes douanières sur les produits américains décidés par l’UE dans le litige Airbus-Boeing. Alors que, dans le même temps, Washington a créé de nouvelles taxes sur les pièces des avions Airbus, y compris celles fabriquées aux États-Unis ! N’oublions pas que le Royaume-Uni, contrairement à la France ou à l’Allemagne, n’est pas actionnaire d’Airbus.

Quels sont les risques organisationnels ?

Fany Declerck : Certaines difficultés semblent conjoncturelles, comme la difficulté de voyager entre le Royaume-Uni et le continent pendant la crise sanitaire. Mais on aurait tort de sous-estimer la question des certifications, puisque le Royaume-Uni ne répond plus à la législation européenne. Il va falloir établir de nouvelles normes pour assurer la continuité des approvisionnements et éviter les retards de production qui, surtout sur des pièces aussi sensibles que les ailes, se chiffrent vite en millions d’euros. On sait que, de part et d’autre, les acteurs industriels sont déjà au travail sur cette question.

On peut aussi penser à la situation des sous-traitants, dont beaucoup vont travailler pour la première fois avec des partenaires non européens. Ce sont des procédures tout à fait maîtrisables, mais qui demandent du temps et des moyens pour des entreprises qui se trouvent, elles, fragilisées par la chute de leurs marchés. De façon générale, les incertitudes liées au Brexit interviennent dans un contexte où la filière aéronautique est bousculée par la crise sanitaire.

Vous évoquiez des risques financiers : quels sont-ils ?

Fany Declerck : Peu d’entreprises sont aussi exposées à la variation des taux de change qu’Airbus. La preuve en est que l’entreprise possède sa propre salle de marché, située à Londres : la question est de savoir si cette situation pourra durer vu le lobbying de l’Union Européenne pour relocaliser les activités financières jusque-là hébergées par la City. L’accord entre Londres et Bruxelles prévoit une période de transition jusqu’en 2022, ce qui est finalement un délai très court. Sur cette question financière aussi, ce sera pour Airbus un gros travail pour réorganiser ses équipes et repenser ses procédures.

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