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"Bas salaires : il ne faut pas que tous les efforts reposent sur les entreprises"
Avis d'expert France # Ressources humaines

"Bas salaires : il ne faut pas que tous les efforts reposent sur les entreprises"

Le gouvernement demande aux entreprises d’augmenter les bas salaires. Mais il ne leur facilite pas non plus la tâche, estime Emmanuel Millard, président de l’association des Directeur financier et du contrôleur de gestion (DFCG).

Emmanuel Millard, président des DFCG : "Si l’augmentation des (bas) salaires en France ne fait pas de doute, il ne faut pas que tous les efforts reposent sur les entreprises." — Photo : DR

Alors que la persistance de l’inflation continue d’affecter le pouvoir d’achat des Français, la première ministre a reçu les organisations syndicales pour entamer des discussions sur la progression des rémunérations (en clair, les bas salaires) et les parcours professionnels dans le cadre de la conférence sociale sur les salaires.

Dans ce contexte économique morose, avec par une croissance économique probablement inférieure à 1 %, un taux de chômage qui repart à la hausse et des taux d’intérêt qui ont plus que doublé depuis un an, le gouvernement a décidé d’inviter les entreprises à faire de nouveaux efforts en ciblant les bas salaires. Pour rappel, les salaires ont déjà augmenté en moyenne de près de 6 % en 2023, soit quasiment au même niveau que l’inflation !

Fin d’exonération pour les primes de partage de la valeur

Si l’augmentation des (bas) salaires en France ne fait pas de doute, il ne faut pas que tous les efforts reposent sur les entreprises. Que l’entreprise donne d’un côté et que l’État reprenne de l’autre. En effet, à partir du 1er janvier prochain, pour une très grande majorité de situations, les primes de partage de la valeur ne seront plus exonérées d’impôt ou de cotisations sociales. Ce dispositif, largement utilisé par les entreprises, devrait rapporter près de 700 millions d’euros aux pouvoirs publics, État et Sécurité sociale réunis.

Par ailleurs, le gouvernement a décidé de mettre en place une autre mesure exceptionnelle touchant directement les entreprises, l’application des "marges minimales".

Cette mesure aura sans aucun doute des effets systémiques sur les entreprises et sur ses fondements en gestion. Si on réduit les marges des entreprises, cela signifie amputer ses possibilités d’augmentation de salaires, mais aussi de versement de primes, d’intéressement et encore de participation. Mais aussi moins de recrutements, donc un impact sur le chômage. Cette mesure, combinée à l’augmentation des taux d’intérêt et des coûts de production, puis à une éventuelle mesure gouvernementale contraignante sur les salaires, risque d’être fatale pour les entreprises, notamment les plus petites, celles qui sont notamment concernées par le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE).

Report de la disparition de la CVAE

Si, en soit, cette incitation du gouvernement, pour l’instant, à augmenter les bas salaires est une bonne chose, elle ne peut s’appliquer que dans un contexte économique favorable et surtout en aidant les entreprises, c’est-à-dire en réduisant les impôts de production. Or, le gouvernement, qui prévoit toujours une croissance de plus de 1 % pour 2023 et de 1,6 % pour 2024, a annoncé une annulation de près de 5 milliards d’euros dans le Budget 2024 d’aides destinés aux entreprises fortement consommatrices d’énergie mais également la baisse de la CVAE dès 2024 pour 1 milliard d’euros et ce jusqu’à la fin du quinquennat en 2027.

Tout cela fait beaucoup (trop) pour les entreprises qui, depuis 2020, rappelons-le, ont été exemplaires pendant les différentes crises et ont toujours répondu présentes. Seules les grandes entreprises pourront s’aligner sur ces exigences alors même que le nombre de défaillances d’entreprises retrouve le niveau élevé de 2019 et concerne principalement les TPE et PME. Vigilance !

France # Ressources humaines # Gestion # Politique économique