Banque de France : « L'industrie a plus vite redémarré en Occitanie que dans le reste du pays »
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Stéphane Latouche directeur de la Banque de France en Occitanie Banque de France : « L'industrie a plus vite redémarré en Occitanie que dans le reste du pays »

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Si l'Occitanie a plus souffert que d'autres régions du fait de sa spécialisation sur l'aéronautique et le tourisme, les premiers indicateurs de reprise sont encourageants, indique le directeur régional de la Banque de France, Stéphane Latouche. Tour d'horizon de la conjoncture.

Stéphane Latouche, directeur de la Banque de France en Occitanie — Photo : © Paul Falzon / Le Journal des Entreprises

Trois mois après le début de la crise, quel est votre regard sur l’état de l’économie occitane ?

Stéphane Latouche : Le choc a été sans précédent, avec un recul du PIB de 32 % en mars au niveau national puis de 27 % en avril, et des prévisions entre -15 % et -20 % pour mai. L’Occitanie a certainement été l’une des régions les plus affectées du fait de sa spécialisation sectorielle sur le tourisme et l’aéronautique, deux des filières les plus touchées.

Cela dit, notre région semble avoir redémarré plus vite que le reste du pays, notamment sur l’industrie : dès le mois d’avril, 58 % des entreprises industrielles d’Occitanie indiquaient un retour à un niveau normal d’activité, contre 52 % pour la moyenne nationale. Et les soldes d’opinion sont positifs en mai sur l’industrie et les services marchands. La reprise dans le bâtiment semble également se confirmer, avec la réouverture de quasiment tous les chantiers.

Peut-on attendre à un rebond de l’économie pour cette fin d’année 2020 ?

S.L. : L’exercice de prévision est exceptionnellement difficile, d’autant que deux variables entrent en jeu : l’une plutôt sanitaire sur la durée et l’efficacité des mesures de confinement, et l’autre sur l’impact des dispositifs d’atténuation du choc. Incontestablement, les mesures prises par le gouvernement ont permis aux entreprises et aux ménages de passer le plus dur de la crise. Les banques nous disent que le nombre de demandes de prêts garantis par l'État (PGE) baisse drastiquement ces dernières semaines, ce qui un indicateur de bonne santé de nos entreprises dans cette phase de redémarrage.

Les prévisions de la Banque de France pour la fin d’année doivent encore être précisées, mais la tendance est à une baisse de 10 points du PIB au niveau national. La reprise est prévue dès ce mois de juin, et elle devrait s’accentuer aux troisième et quatrième trimestres. Mais l’activité devrait encore être inférieure de 5 % à la moyenne en décembre : le véritable rebond ne devrait pas intervenir avant 2021, et le retour au niveau d’activité d’avant crise en 2022.

Et pour ce qui est de l’Occitanie ?

S.L. : Ne nous voilons pas la face, le choc va être durable sur l’industrie aéronautique. Le retour à la normale n’est pas prévu avant deux ou trois ans, et nous allons assister à des ajustements de capacités et probablement à des restructurations. On peut être plus optimiste pour l’industrie agroalimentaire et surtout pour le tourisme régional, qui a une carte à jouer auprès des consommateurs français. De belles reprises sont attendues dans les autres secteurs de l’économie.

Ce que nous disent les chefs d’entreprise, c’est qu’ils souffrent d’un manque de visibilité qui crée un manque de confiance. Côté chômage, nous prévoyons un point bas mi-2021.

Vous évoquiez la baisse de demandes des PGE : quelles conclusions en tirer ?

S.L. : Les banques nous font remonter une diminution de 30 à 50 % des demandes de PGE ces dernières semaines. La première vague des PGE a permis aux entreprises de passer le cap de la crise. On aurait pu s’attendre à une seconde vague de demandes pour les besoins en fonds de roulement en phase de redémarrage, mais elle ne semble pas arriver. Cela nous fait penser que les entreprises ont su anticiper leurs besoins en financement, et que la reprise est suffisante pour qu’elles n’aient pas besoin de pousser leur endettement.

Cette tendance se confirme dans les statistiques de la médiation du crédit, qui concernent les entreprises qui se sont vues refuser des prêts bancaires. Dans la seconde quinzaine du mois d’avril, nous enregistrions dans la région 20 à 25 saisines chaque jour, principalement de TPE des secteurs du commerce de l’hôtellerie-restauration. Cette semaine, nous sommes descendus à trois saisines par jour.

Vous êtes donc optimiste sur la santé des entreprises de la région ?

S.L. : Attention, nous abordons une nouvelle étape de la crise, qui va exiger des mesures plus structurelles. Il se pose pour les entreprises un enjeu de solvabilité. Au plus fort de la crise, elles se sont chargées en dettes : il va falloir imaginer des schémas pour les aider à renforcer leurs fonds propres.

Plusieurs pistes sont examinées par les pouvoirs publics, notamment pour réorienter l’épargne des ménages vers le financement des entreprises. On s’attend aussi à ce qu’une partie de la dette puisse être transformée en quasi-fonds propres. Le rééchelonnement des remboursements des PGE au-delà des cinq ans initialement prévus est une autre piste. L’enjeu est que les entreprises n’abaissent pas leurs efforts d’investissement, afin qu’elles puissent aborder au mieux la phase de reprise prévue en 2021.

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