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Les business angels se renforcent en Occitanie
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Les business angels se renforcent en Occitanie

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Fédérés par une association régionale composée de ses deux réseaux fondateurs, Capitole Angels et Melies, les business angels pèsent dans l’écosystème occitan. Premiers de cordée pour financer l’amorçage des start-up - une phase critique - ils se déploient partout sur le territoire et viennent même de donner vie à Aerospace Angels, le premier club national dédié à la filière aéronautique et spatiale.

Pierre Carli, président de Capitole Angels — Photo : Philippe Kallenbrunn

C’est une tendance marquante de la French Tech en 2023 : le financement des projets innovants en phase d’amorçage (moins de 1 M€) a connu une hausse de 35 % par rapport à l’année précédente dans l’Hexagone, selon le baromètre annuel réalisé par le cabinet In Extension Innovation Croissance, et même de 40 % en Occitanie. Or, le “seed” est le terrain de jeu des business angels, ces personnes physiques qui assument de gros risques pour aider les start-up à se lancer. Dans la région, ces investisseurs sont fédérés par l’association loi 1901 Occitanie Angels, créée en décembre 2016 autour de ses deux réseaux fondateurs : Capitole Angels à Toulouse et Melies Business Angels à Montpellier, qui témoignent tous deux aujourd’hui d’une activité en croissance.

Dans la zone de Sète et Agde (Hérault), Occitanie Angels, représenté par Melies, vient par exemple de s’associer à l’agence économique locale Blue pour lancer Blue Business Angels. Il s’agit de la troisième antenne créée par Melies en 3 ans, après Nîmes (Gard) et Perpignan (Pyrénées-Orientales). “Cette stratégie se justifie car il existe une vraie dynamique dans les territoires, estime Jean-Paul Alic, le président de Melies, qui boucle de 5 à 6 opérations par an. Nous trouvons, loin des métropoles, des business angels qui n’ont pas toujours accès à un réseau comme le nôtre. Pour chaque installation, nous voyons émerger des dossiers, comme récemment à Nîmes avec la start-up Drone Geofencing (qui a levé 1,20 M€ fin 2023, NDLR)”.

Un stade risqué

Blue Business Angels va s’appuyer sur les sept structures fédérées par l’agence économique (pépinières, incubateurs, plateformes d’innovation) pour identifier des pépites locales. Elle va aussi travailler avec son Club des entrepreneurs (130 adhérents), où elle espère convaincre des patrons ou cadres d’investir sur des tickets d’entrée de 5 000 euros. Melies peut participer à des tours de table atteignant 600 000 euros aux côtés d’autres réseaux. “Nous ciblons des start-up en phase de démarrage, un stade risqué où les banques n’investissent pas encore, assure Jean-Paul Alic. Mais notre capacité à analyser les dossiers et à accompagner le projet dans le temps peut être sécurisante pour ces acteurs en vue d’un levier bancaire, ou pour les autres partenaires qui se joignent à nous.”

Dans l’ouest de l’Occitanie, Capitole Angels (62 membres) envisage pour sa part l’ouverture à terme d’antennes locales dans le Tarn (Albi, Castres, Gaillac), le Tarn-et-Garonne (Montauban), l’Aveyron (Rodez) ou le Gers. Mais sa vitalité se concentre pour l’heure sur la ville rose. En 2023, le réseau présidé bénévolement depuis fin 2021 par Pierre Carli, ancien président du directoire de la Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées, a investi 600 000 euros dans 10 start-up (4 réinvestissements et 6 nouvelles opérations). Il a ainsi participé à hauteur de 51 000 euros à la levée de fonds de 800 000 euros réussie par la start-up gardoise Woodland Garden, qui développe une technologie pour l’achat en vrac, ou encore à hauteur de 151 000 euros à la levée de fonds de 1,2 million d’euros opérée par Intence, jeune pousse native des Pyrénées et spécialisée dans la digitalisation des expériences touristiques.

Incitations fiscales

“Nous avons élaboré notre business plan et échangé avec des fonds d’investissement, raconte Alexandre Magnat, le président d’Intence. Nous nous sommes rendu compte que l’ordre naturel des choses pour lever des fonds était de passer par la “love money”, puis les business angels. C’est ce qui nous a conduits vers Capitole Angels. Ils ont instruit notre dossier dans la bienveillance et nous accompagnent aujourd’hui.” Cette phase d’instruction, qui intervient lorsque le pitch initial de la start-up s’est avéré concluant, dure de trois à quatre mois. En moyenne, chaque business angel du réseau, qui cotise pour 400 euros annuels, prend un ticket de 10 000 par an. Quant à la fourchette des investissements consentis par Capitole Angels, elle oscille entre 30 000 et 250 000 euros par start-up financée.

Quoique significatifs, ces chiffres ne satisfont pas totalement Pierre Carli, qui se démène pour faire adhérer plus d’investisseurs à la structure. “Si l’on se compare aux réseaux d’autres métropoles françaises, nous devrions compter plus de 100 membres et parvenir à 1,5 million d’euros d’investissement par an, indique-t-il. Mon rêve serait de financer 7 start-up à hauteur de 150 000 euros chaque année. Il faudrait pour cela que nous atteignons une taille critique.” Les nouvelles mesures de la loi de finances 2024, qui introduisent des incitations fiscales pour les particuliers à investir dans les jeunes entreprises innovantes de croissance (JEIC) et les jeunes entreprises innovantes de rupture (JEIR), devraient favoriser la captation de nouveaux membres.

Bilan annuel

À sa décharge, Capitole Angels, qui comptait 82 membres jusqu’à il y a peu, en a perdu une vingtaine malgré lui en favorisant l’éclosion d’un réseau thématique, Aerospace Angels, exclusivement consacré aux start-up de l’aéronautique et du spatial. Incubé par Capitole Angels durant toute l’année 2023, ce dernier a tenu son assemblée générale constitutive et vole de ses propres ailes depuis le 1er janvier 2024. Il siège au B612 à Toulouse et, bien que fortement ancrée régionalement, sa vocation est nationale, à l’instar d’autres réseaux thématiques de France Angels (fédération nationale des business angels) comme Agri Angels, Angels Santé ou Mer Angels.

“Grâce à Capitole Angels, nous avons pu être opérationnels tout de suite, ce qui nous a permis de présenter un bilan annuel alors même que nous n’avions pas encore d’existence juridique”, salue Jean-Michel Darroy, le président d’Aerospace Angels, ancien cadre d’Airbus. Soutenu par Aerospace Valley, la Région Occitanie ou encore Toulouse Métropole, Aerospace Angels est né de la nouvelle profusion de start-up dans les secteurs de l’aéronautique et du spatial. “Il y a l’hydrogène, le New Space, les nouveaux carburants, l’intelligence artificielle, et c’est passionnant !”, savoure Arnaud Mézière, membre du bureau fraîchement élu. En 2023, Aerospace Angels a écouté le pitch de 19 start-up.

Agglomérer les cerveaux

“Nous examinons la qualité et les valeurs humaines du fondateur, précise Jean-Michel Darroy. Un business plan évolue, nous le savons, les start-up sont souvent amenées à pivoter. Mais leur capacité à s’adapter passe justement par les capacités d’écoute de leur fondateur. Nous demandons aussi aux start-up dans lesquelles nous investissons de les accompagner en intégrant l’un de nos membres à leur comité d’orientation stratégique.” Sur ces 19, Aerospace Angels en a financé deux (4 à 5 dossiers devraient connaître un dénouement imminent) : le constructeur d’avions décarbonés Aura Aero et Skyted (en co-investissement avec Capitole Angels), qui développe un masque acoustique permettant de parler sans être entendu.

“Ce sont des gens qui ont un gros réseau et beaucoup d’expérience, apprécie Stéphane Hersen, le président de Skyted, lui-même ancien cadre d’Airbus. C’est de la smart money. Quasiment tous les investisseurs qui nous ont rejoints sont des dirigeants qui ont revendu leur entreprise, à qui je peux poser des questions et avancer. Quand je m’interroge sur un problème bancaire, j’appelle Pierre Carli, et il est vite résolu.” En janvier 2024, Aerospace Angels comptait déjà une trentaine de membres et semble bien parti pour atteindre son objectif de dénombrer 40 à 50 business angels en fin d’année. “La plupart d’entre eux étaient déjà investisseurs, indique Arnaud Mézière. Il n’est pas rare de voir dans l’aéronautique et le spatial des gens mettre un ticket de 5 000 à 10 000 euros sur des projets. Notre but est d’agglomérer tous ces cerveaux et ces petites capacités d’investissement individuelles. Je pense que le potentiel est de plusieurs centaines de personnes en France.”

Partenariat avec le CNES

L’idée reste de conserver un noyau dur de spécialistes issus du secteur. “Nous tenons à préserver le label Aerospace Angels, appuie Jean-Michel Darroy. C’est un gage de sérieux qui intéresse les start-up parce qu’il leur donne un argument vis-à-vis de plus gros investisseurs.” Le réseau réfléchit aujourd’hui à la façon dont il doit accroître sa représentation dans les régions où l’activité aéronautique et spatiale est dense (Île-de-France, Région Sud, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Nantes et son bassin…). Il multiplie aussi les partenariats pour gagner en notoriété, à l’instar de celui conclu avec le Centre national d’études spatiales lors du dernier Salon du Bourget. À la clé : un événement conjoint avec le CNES qui se tiendra le 6 juin 2024 au B612. Aerospace Angels est aussi devenu partenaire institutionnel des Assises du NewSpace et s’est rapproché du Startair, le club des start-up de la filière, lancé par le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) en avril 2022.

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