Banque de France : « En Bretagne, les signaux sont positifs dans tous les secteurs »
Interview # Industrie # Conjoncture

Denis Kervella directeur de l'antenne finistérienne de la Banque de France Banque de France : « En Bretagne, les signaux sont positifs dans tous les secteurs »

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Effets du Brexit sur les entreprises bretonnes, impact du mouvement des Gilets jaunes, reprise économique dans tous les secteurs d'activité en Bretagne... Denis Kervella, directeur de l'antenne finistérienne de la Banque de France livre son analyse de la conjoncture actuelle.

Denis Kervella, directeur de l'antenne finistérienne de la Banque de France : "Jusqu’à présent, mis à part le secteur du transport et des acteurs comme Brittany Ferries, peu de groupes m'ont fait part de leurs inquiétudes au sujet du Brexit" — Photo : © Jean-Marc Le Droff

Quel regard portez-vous sur la conjoncture économique actuelle ?

D. K. : Après une année 2017 exceptionnelle dans toutes les zones, on assiste à un ralentissement depuis 2018, notamment du fait de la dégradation du commerce mondial, mais aussi de la dégradation dans les pays émergents et de l’accentuation de tensions commerciales. De son côté, l’Europe souffre du spectre du Brexit qui pèse sur les investissements des entreprises, et de tiraillements au sein même de la zone euro. En revanche, si toute la zone euro a fléchi en 2018, on arrive à faire mieux en France qu’en Allemagne en termes de croissance - ce qui n’était pas arrivé depuis 2005 - et l’inflation est demeurée maîtrisée.

L’économie bretonne suit-elle la même trajectoire ?

D. K. : Elle suit la même tendance, oui, mais avec ses particularités. Après une dégradation entre la toute fin de 2018 et le tout début de 2019, elle se renforce en mars à la fois dans l’industrie, les services et le BTP. Dans l’industrie, la production se raffermit, on assiste à une hausse de tarifs pour faire face aux hausses du prix des matières premières. Le taux d’utilisation des capacités de production est à un niveau correct et les carnets de commandes sont bien remplis. Dans l’agroalimentaire, le porc est en train de repartir à la hausse, porté par la demande chinoise qui a subi de plein fouet la peste porcine dans ses élevages, tout comme le prix du lait qui bénéficie de la fin des stocks européens. De leur côté, les biens d’équipement se maintiennent, avec des carnets jugés globalement bons. Dans le transport, la tendance est à la baisse de la production, mais à un niveau qui reste élevé et avec là encore des carnets qui sont bons. Dans les services, la tendance est plus modérée qu’elle ne l’a été en 2018, mais elle reste très correcte et les perspectives sont favorables. Quant au BTP, il a continué à se renforcer au premier trimestre avec un gros œuvre qui reste stable mais très supérieur à l’an passé et des carnets remplis, un fort renforcement du second œuvre qui a lui aussi de bons carnets de commandes, et une progression du TP sur un rythme mesuré, mais avec des carnets étoffés et des prévisions confiantes. Pour faire simple, les signaux sont extrêmement positifs dans tous les secteurs.

Le mouvement des Gilets jaunes a-t-il eu un impact sur l’économie bretonne ?

D. K. : J’entends beaucoup de fantasmes à ce sujet mais, pour l’heure, à part peut-être dans le secteur du commerce, son impact reste anecdotique en Bretagne… En tout cas on n’a pas assisté à davantage de défaillances d’entreprises depuis le début du mouvement. Au contraire, le nombre de défaillances ne cesse de diminuer depuis 2017, et dans une proportion considérable. Idem au niveau des crédits, qui continuent de progresser. Je rappelle que nous ne sommes pas du tout dans un contexte dépressif, et que la plupart des entreprises que je rencontre continuent à investir.

Quid du spectre du Brexit ?

D. K. : Jusqu’à présent, mis à part le secteur du transport et des acteurs comme Brittany Ferries, peu de groupes m’ont fait part de leurs inquiétudes à sujet. Il faut dire que le Brexit est loin d’être fait et qu’à ce stade, personne ne sait trop sur quel pied danser. Pour l’heure on assiste surtout aux mêmes effets qu’ont eues les taxes américaines sur l’acier et l’aluminium chinois : tant que rien n’entre en vigueur, tout le monde se dépêche de refaire les stocks…

Votre avis sur la remise en cause de l’Europe et de l’euro qui alimente actuellement de nombreux débats ?

D. K. : Entre la baisse de la croissance en Europe, le maintien d’un chômage important dans une partie de la zone euro, et tous les débats autour des inégalités et du pouvoir d’achat, je pense qu’il est nécessaire de faire de la pédagogie sur ce que nous apporte la monnaie unique. On ne peut passer sous silence les acquis de l’euro, qui a permis une stabilité des prix, mais aussi des changes, ce qui est fondamental pour les entreprises et l’économie. Il a également permis des conditions de financement nettement plus favorables, et de protéger le pouvoir d’achat qui a progressé de 20 % en France depuis 1999… Bien entendu, l’euro ne dispense pas d’un effort de compétitivité ni d’un effort pour redresser les finances publiques, mais tout cela n’est pas du ressort de la monnaie unique ! En revanche, il faut renforcer la solidité de la zone euro pour répondre aux crises financières, et mieux répartir la prospérité, c’est-à-dire amplifier la croissance et la convergence des économies. Pour résumer, je dirais qu’il faut un meilleur jeu collectif.

# Industrie # BTP # Services # Conjoncture