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Aloxe investit 25 millions d’euros à Messein pour recycler du plastique
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Aloxe investit 25 millions d’euros à Messein pour recycler du plastique

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La start-up industrielle Aloxe, co-fondée en 2020 par Arnaud Piroëlle et Clément Lefebvre, vient de mettre en service sa nouvelle usine de recyclage du polytéréphtalate d’éthylène à Messein, en Meurthe-et-Moselle. Financés par le fonds américain Ara Partners, les deux associés entendent prendre pied sur un marché appelé à se développer, celui du PET recyclé.

"Dans la boucle de recyclage du PET, le site de Messein travaille de la paillette à la granule", résume Mathieu Bajolet, le directeur d’Aloxe France — Photo : Jean-François Michel

C’est autour d’une bouteille d’Aloxe-Corton, cette appellation du vignoble de la Côte de Beaune, qu’Arnaud Piroëlle et Clément Lefebvre ont entamé en 2019 les premières discussions autour de la création de leur start-up industrielle spécialisée dans le recyclage d’un type de plastique, le polytéréphtalate d’éthylène ou PET.

Trois ans après le lancement d’Aloxe en 2020, la start-up industrielle a bouclé le dernier exercice sur un chiffre d’affaires de 37 millions d’euros, emploie 200 salariés dans toute l’Europe et vient de mettre en service une usine de recyclage du PET sur le parc d’activités Moselle Rive Gauche, à Messein, en Meurthe-et-Moselle. Comptant actuellement 35 salariés, la nouvelle usine doit employer un total de 45 personnes début 2024.

Cet investissement de 25 millions d’euros doit permettre à Aloxe, dès le début de l’année 2024, de se doter d’une capacité de production de 50 000 tonnes de granules de PET recyclé dans cette nouvelle usine française, capacité qui viendra s’ajouter aux 40 000 tonnes produites en Pologne et aux 30 000 tonnes produites en Italie. "Fin 2025, nous aurons une capacité totale de 120 000 tonnes", additionne Arnaud Piroëlle, le cofondateur d’Aloxe, qui projette un investissement total de 50 millions d’euros dans ce plan de développement européen. "Si vous ramenez cela à un marché de 1,3 million de tonnes, nous aurons entre 8 et 9 % de part de marché sur le PET recyclé en Europe." A cette date, la start-up industrielle veut atteindre les 220 millions d’euros de chiffre d’affaires et employer 300 salariés, gagnant alors ses galons d’entreprise de taille intermédiaire.

Une demande créée par une directive européenne

Sur quoi la confiance des co-fondateurs d’Aloxe se base-t-elle ? En 2019, le législateur européen a pris une directive visant à réduire l’incidence des produits plastique sur l’environnement. Entre autres règles, la directive, baptisée SUP pour Single Plastic Use, impose aux vendeurs de bouteilles en PET d’incorporer 25 % de plastique recyclé dans leurs bouteilles au 1er janvier 2025 et 30 % en 2030. "Mécaniquement, il y a une demande qui est générée par cela, et donc il faut mettre en face des capacités", détaille Arnaud Piroëlle.

Avec son associé, le dirigeant identifie la faiblesse de l’offre actuellement en place : de nombreux industriels proposent de petits volumes de PET recyclé, éparpillés partout en Europe en fonction des gisements de matières premières. Le pari d’Aloxe est de massifier ses approvisionnements à l’échelle de l’Europe et de proposer un PET recyclé dont la qualité soit stable, pour les marchés de l’alimentaire ou de la cosmétique.

Les deux lignes actuellement installées dans l’usine d’Aloxe à Messein disposent des meilleures technologies disponibles sur le marché — Photo : Jean-François Michel

Un projet industriel qui a séduit le fonds américain Ara Partners, actionnaire majoritaire d’Aloxe. "Nous avons fait une rencontre exceptionnelle avec ce fonds. Ce sont des gens qui ont une philosophie industrielle, qui conçoivent le temps long. Pour développer une usine, la faire tourner, fidéliser les clients, il y a besoin d’un peu de temps", assure Arnaud Piroëlle. Opérant déjà en Europe depuis Amsterdam, le fonds a souhaité y installer le siège d’Aloxe, quand le siège opérationnel est basé à Paris, où sont notamment rassemblées les fonctions supports du groupe.

Une PME lorraine à la base du savoir-faire d’Aloxe

Actuellement, les capacités de production européennes de PET recyclé installées ne sont pas suffisantes pour répondre aux exigences de la directive européenne SUP : 950 000 tonnes peuvent être produites, quand la demande va atteindre 1,3 million de tonnes au 1er janvier 2025, une fois la directive en vigueur. Après la France, l’Italie et la Pologne, les dirigeants d’Aloxe citent déjà le Royaume-Uni et l’Espagne pour compléter leur maillage de l’Europe.

"Pour réussir ce projet, il était plus simple et plus intelligent d’acheter des sociétés déjà en place et de les tirer vers le haut", détaille Arnaud Piroëlle. Après des recherches menées dans toute la France, les deux co-fondateurs d’Aloxe vont identifier une société installée à Vezelise, en Meurthe-et-Moselle : LPR, pour Loreco Plast Recyclage. À l’époque, l’entreprise emploie 18 salariés et affiche une capacité de recyclage du PET de 10 000 tonnes par an, pour un chiffre d’affaires d’environ 6 millions d’euros.

Avant d’être recyclées, les paillettes de PET sont caractérisées par le laboratoire de l’usine Aloxe de Messein — Photo : Jean-François Michel

Ancien cadre de BASF, Arnaud Piroëlle s’appuie sur une expérience de 25 années passée dans l’industrie pétrochimique. À ses côtés, Clément Lefebvre a fondé Tridex, une entreprise qui triait, revalorisait ou recyclait des produits non conformes, avant de diriger la division "Plastique" de Veolia. Les deux dirigeants ont la conviction que la cible est la bonne : "En faisant l’acquisition de cette société, cela nous permettait d’avoir une base de savoir-faire, du personnel, une base de clients, une base de fournisseurs. Par contre, il était évident que ce site était impropre à une expansion", affirme Arnaud Piroëlle.

Installé dans le village de Vezelise, avec une aire de jeux pour enfants à l’entrée de l’usine, le site est incompatible avec les ambitions des dirigeants, qui veulent investir pour développer la capacité installée : "Nous savions déjà en le rachetant que nous voulions faire passer ce site d’une capacité de 10 000 à 50 000 tonnes". Dès le rachat de LPR, Arnaud Piroëlle et Clément Lefebvre identifient le parc d’activité Moselle Rive Gauche à Messein : ancien crassier de l’industrie sidérurgique, le terrain se révèle idéal pour y faire sortir de terre ce qui est aujourd’hui la plus grosse usine de retraitement de PET alimentaire de France.

Vers une ligne de lavage à Messein ?

"Dans la boucle de recyclage du PET, le site de Messein travaille de la paillette à la granule", résume Mathieu Bajolet, le directeur d’Aloxe France. Après la collecte des poubelles jaunes, les bouteilles et emballages en PET vont être lavés puis broyées. "Chez Aloxe, nous savons le faire dans nos usines italiennes et polonaises. À Messein, pas encore", souligne le co-fondateur d’Aloxe. À proximité immédiate de l’usine de Messein, Aloxe dispose en effet d’un droit de préemption sur un terrain qui doit lui permettre de bâtir une unité dédiée à la préparation de ces paillettes de PET, soit un nouvel investissement de "plus d’une dizaine de millions d’euros".

Mais tant que le gouvernement français n’aura pas imposé la consigne sur les bouteilles en PET, les dirigeants d’Aloxe estiment que le gisement actuel n’est pas suffisant. "Nous attendons que la consigne des bouteilles en PET passe, parce que cette consigne créera automatiquement 120 000 tonnes de bouteilles supplémentaires à trier en France. Si demain nous voulons collecter 95 % des bouteilles, c’est la consigne qu’il faudra mettre en place. Pour moi, c’est l’affaire de quelques années", affirme Arnaud Piroëlle.

Les clients d’Aloxe sont livrés en big-bag ou en vrac — Photo : Jean-François Michel

En attendant qu’Aloxe dispose de paillettes "Made In Messein", l’entreprise utilise la production de ses usines polonaises et italienne, stockée dans cinq silos d’une capacité totale de 500 tonnes.

"Tout notre savoir-faire réside dans la capacité des équipes à identifier les propriétés de la matière entrante pour l’assembler et obtenir la qualité exigée par nos clients. Un peu comme l’œnologue qui va assembler les cépages pour arriver à créer un grand vin", illustre Mathieu Bajolet. L’usine de Messein dispose d’un laboratoire, qui teste toutes les quatre heures les granules produites pour ensuite ajuster le mélange et éviter les dérives.

Le recyclage du PET devient possible "à l’infini"

Après avoir été mélangée, la matière est portée à 200°C pendant quatre heures pour la phase d’extrusion. Pour arriver à une qualité compatible avec un usage alimentaire, le "grade alimentaire", le PET recyclé est soumis à une étape de polycondensation : les granules sont placés dans de l’azote à 195°C, permettant ainsi d’obtenir un produit quasi identique à un granule de PET vierge, notamment en termes de viscosité et de résistance mécanique. "Sur le marché, il y a deux procédés qui permettent d’arriver à ce résultat : le Vacunite et le Starlinger", précise Mathieu Bajolet. "À Messein, nous disposons de deux lignes équipées du procédé Vacunite, et notre usine en Italie est équipée d’une ligne Starlinger."

Fin 2023, les deux anciennes lignes de l’usine de Vézelise vont être déménagées dans les 4 500 m2 de l’usine de Messein, complétant ainsi les possibilités de recyclage du PET. Disposant des meilleures technologies disponibles sur le marché, les dirigeants d’Aloxe affirment être aujourd’hui capables de recycler des bouteilles en PET "à l’infini".

"La technologie est éprouvée et fonctionne", assure Mathieu Bajolet, en soulignant que la production d’une bouteille en PET recyclé émet 67 % de CO2 en moins par rapport à son équivalent en PET vierge. Pour réussir à mettre sur le marché un PET recyclé compétitif, le directeur d’Aloxe France devra surveiller ses coûts de production : devant l’électricité et la masse salariale, c’est le prix de la matière première entrante qui pèse le plus sur les résultats de l’entreprise. "Plus que le chiffre d’affaires, nous devons être attentifs à l’écart de prix entre la matière entrante et notre PET recyclé", précise Mathieu Bajolet.

Au premier semestre 2023, le prix de la tonne de PET pétro-sourcé est tombé autour de 600 €, du fait de la baisse des prix du pétrole. Un coup dur pour les industriels du recyclage, dont le PET recyclé dépasse actuellement les 1 200 € la tonne. Pour autant, ce mouvement spéculatif n’ébranle pas Arnaud Piroëlle : "Le plastique vierge est un concurrent conjoncturel, car mes clients ne sont pas encore obligés d’incorporer mes produits et ont donc tendance à retarder l’incorporation du PET recyclé", analyse le co-fondateur d’Aloxe. "Mais nous savons déjà qu’il y aura une recrudescence de la demande dans les mois à venir : ça arrive."

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