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Domain Therapeutics lance une levée de fonds de 30 millions d'euros
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Domain Therapeutics lance une levée de fonds de 30 millions d'euros

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Sur le point de lever 30 millions d'euros, la société de biotechnologies strasbourgeoise Domain Therapeutics entre dans une nouvelle phase de croissance. Cela se traduira par le doublement de l'effectif, le renforcement du portefeuille de molécules et la création de nouvelles start-up qui contribuent au financement de l'activité de R&D.

Youssef L. Bennani, président du directoire (à gauche) et Pascal Neuville, directeur général de Domain Therapeutics, ont célébré les 10 ans de leur implantation au Bioparc d'Illkirch-Graffenstaden en septembre dernier — Photo : © Adelise Foucault

Domain Therapeutics veut changer de dimension. Pour cela, la société de biotechnologies alsacienne lance une levée de fonds de 30 M€. Devant aboutir sous six à neuf mois, l’opération doit permettre à cette PME de 57 salariés d’enclencher « une nouvelle phase de développement et de croissance », expose son président du directoire, le Dr Youssef L. Bennani. Domain Therapeutics identifie des molécules capables d’activer des récepteurs membranaires RCPG - qui jouent un rôle dans la communication cellulaire – dans le but de développer des produits thérapeutiques innovants pour le traitement de maladies et du cancer du système nerveux central.

« Nous aimerions, un jour, être en mesure d’accompagner le développement de nos traitements jusqu’à la mise sur le marché d’un médicament », projette le président du directoire. Un positionnement ambitieux : entre la découverte d’une molécule et la mise sur le marché d’un médicament, pas moins de 15 années de travail sont nécessaires, indique l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.

Une nouvelle phase stratégique

Pascal Neuville, le directeur général, se montre, lui, plus prudent. Dans l’immédiat, « nous aimerions au moins avoir la possibilité de maturer nos candidats médicaments jusqu’à la phase 2 des essais cliniques (premiers tests du candidat médicament chez l’homme, NDLR) avant de les céder, à des montants supérieurs à ceux d’aujourd’hui ». Il estime ainsi que « Domain Therapeutics doit atteindre une taille critique suffisante pour attirer et peser dans les discussions avec les groupes pharmaceutiques ». C’est l’enjeu de cette nouvelle levée de fonds.

Le directeur général espère aussi financer le développement de son portefeuille de molécules, ce qui doit passer par un doublement des effectifs, la biotech employant 47 salariés en Alsace et 10 au Canada. « La croissance bénéficiera à nos deux sites, à Illkirch et à Montréal. Chacun exploitant une plateforme technologique spécifique, les deux sont complémentaires ».

L’ambition est également « d’avoir la capacité de cofinancer de façon plus importante les sociétés que nous créons, en y augmentant notre part au capital, pour augmenter notre cash-flow ». Car l’entreprise a mis au point un business model particulier, en réponse à une situation de crise qu’elle a connu au démarrage de son activité.

Malgré le développement d’une plateforme technologique prometteuse, l’entreprise, créée en 2001 par un chercheur du CNRS, Maurice Israël, à Gif-sur-Yvette (91) a en effet failli disparaître. Faust Pharmaceuticals – son nom à l’époque - s’implante à Illkirch en 2003. Ses dirigeants font le choix de l’Alsace, « pour la qualité de sa chimie et de sa pharmacologie », rappelle Pascal Neuville.

Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier

À l’initiative de ce dernier, alors directeur scientifique, Faust Pharmaceuticals opère un important virage en 2008. La société change de modèle d’affaires et prend le nom de Domain Therapeutics. « Nous avions tout misé sur un produit que nous avions poussé jusqu’en phase 2 d’essais cliniques, sans pouvoir trouver de contrat à la hauteur de ce que nous espérions, mettant à mal notre modèle économique », témoigne Pascal Neuville. Désormais, l’entreprise combine des services de recherche pour le compte de groupes pharmaceutiques, et l’identification de molécules prometteuses.

« Nous avons créé un arbre, schématise Pascal Neuville. Ici, on exploite les technologies pour mettre à jour de nouvelles molécules. Dès qu’une molécule présente un potentiel intéressant, on crée une société pour l’emmener en études cliniques ». Pour le développement des candidats médicaments en phase clinique, Domain Therapeutics s’appuie sur des investisseurs en capital-risque et des Sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT). « Ce sont nos premiers investisseurs en phase de co-maturation », pointe Pascal Neuville. L’objectif, in fine, étant de revendre le candidat médicament à un industriel pharmaceutique.

Une sixième société à son actif

Domain Therapeutics a déjà la création de six sociétés à son actif, dont la dernière, Ermium Therapeutics, a été lancée en septembre dernier. Celle-ci va porter le développement d’une molécule mise au point par Domain Therapeutics et ayant un potentiel pour le traitement de maladies auto-immunes. Le Dr Jean-Philippe Herbeuval, Kurma Partners, Idinvest Partners, Domain Therapeutics (qui injecte 3 M€ et détient 37 % du capital) et la SATT Erganeo sont présents au capital de la nouvelle société.

À ce jour, Domain Therapeutics a signé, par l’intermédiaire de ses sociétés existantes, trois accords stratégiques majeurs avec des industriels pharmaceutiques : l’allemand Boehringer Ingelheim, l’américain Bristol Meyers Squibb et le danois Lundbeck. Ce dernier a acquis l’an dernier la société Prexton Therapeutics, dont le candidat médicament, le Foliglurax, destiné à traiter la maladie de Parkinson, est actuellement en phase 2 d’essais cliniques. Domain Therapeutics reste propriétaire des brevets, ce qui lui procure une rentrée d’argent à chaque étape clinique validée. L’an passé, la PME a réalisé un chiffre d’affaires de 2,8 M€ mais les accords industriels signés sur 2018 représentent environ 17 M€ de revenus à venir.

« Nous envisageons de lancer trois nouvelles sociétés dans les 18 prochains mois », annonce Pascal Neuville. La première planchera aussi sur la maladie de Parkinson, une autre portera le développement d’un candidat médicament en immuno-oncologie et la troisième s’intéressera au développement d’un produit de traitement de la douleur qui n’agira pas sur les récepteurs opiacés, une réponse qui fait écho à la crise des opioïdes qui secoue actuellement les États-Unis.

17,6 millions d’euros déjà levés

Parallèlement à ces projets, Domain Therapeutics a étoffé ces derniers mois son conseil d’administration, s’entourant d’experts du business développement. La dernière arrivée est Sylvie Ryckebusch. Après 12 ans passés chez Merck en Suisse, la scientifique, titulaire d’un doctorat en neurobiologie de l’Institut de Technologie de Californie (CalTech) complété par un stage post-doctoral à la Harvard Business School, va apporter à la biotech strasbourgeoise son expertise en matière de stratégie de licence pour accompagner la prochaine phase de développement de Domain Therapeutics.

En mai dernier, la société de capital-investissement parisienne Seventure Partners, principal actionnaire de l’entreprise (aux côtés de Airfi Conseil, Auriga Partners et la SODIV) a renforcé sa participation avec un apport de 3,5 M€, pour rassurer les potentiels investisseurs et amorcer ainsi la nouvelle levée de fonds. « Nous avons pour actionnaires plutôt des fonds de pension de type family office, qui ont cette patience que n’ont pas d’autres investisseurs, dans un secteur où les développements sont longs avant d’espérer des retombées », commente Pascal Neuville. Depuis 2008, la société de biotechnologies a déjà collecté 17,6 M€. Elle s’apprête à faire deux fois plus en une seule opération pour entrer dans une nouvelle ère.

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