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Toulouse, place forte de l'entrepreneuriat étudiant
Enquête Toulouse # Organismes de formation # Innovation

Toulouse, place forte de l'entrepreneuriat étudiant

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En trois ans, le nombre d'étudiants toulousains qui se lancent dans des cursus de créations d'entreprises a été multiplié par cinq. Universités et écoles multiplient les dispositifs pour les accompagner et, déjà, quelques belles entreprises sortent du lot.

Alexis Laporte était encore étudiant à l'Enseeiht quand il a cofondé la start-up Unitag avec quatre autres élèves de l'école d'ingénieur. Il a depuis participé à la création d'Hubware, société qui édite des solutions d'assistants digitaux — Photo : © Hubware

À seulement 31 ans, Alexis Laporte compte déjà deux créations d’entreprises à son actif dont la seconde, Hubware (12 salariés), a levé 1,40 M€ pour développer ses solutions d’assistants digitaux. Il faut dire que le dirigeant toulousain a commencé tôt, avant même l’obtention de son diplôme à l’école d’ingénieur Enseeiht. « Avec quatre autres étudiants, nous avions l’envie de travailler ensemble, et de mettre à profit les compétences acquises en stage, résume Alexis Laporte. En 2011, quand nous avons lancé notre première start-up, Unitag, il n’existait aucun cadre légal pour l’entrepreneuriat étudiant, aucun coaching ni formation… » Séduite par l’expérience, la direction de l’Enseeiht crée, dès l’année suivante, un statut pour ses étudiants lancés dans l’entrepreneuriat, avec un aménagement des horaires et la possibilité d’étirer la scolarité sur un semestre supplémentaire.

Dès 2012, des incubateurs dédiés

C’est aussi en 2012 que l’école de commerce TBS a lancé TBSeeds, devenu l’incubateur phare de l’entrepreneuriat étudiant à Toulouse. La structure a accompagné l’une des plus belles réussites des start-up locales, SchoolMouv. « J’ai voulu proposer du soutien scolaire vidéo en ligne, interactif et abordable, ce qui m’avait moi-même manqué l’année du bac, raconte Shannon Picardo, président de la société. TBSeeds m’a mis en contact avec Damien Jolibert, enseignant aujourd’hui associé qui m’a assisté sur la partie pédagogique et le recrutement de professeurs afin d’élaborer les premiers contenus du site ». SchoolMouv compte à présent 44 actionnaires, plus d’1,5 million d’élèves inscrits et 35 000 professeurs utilisateurs. L’entreprise a déjà levé 3,50 M€ en 2016 et 2019, ce qui lui a permis d’atteindre les 40 salariés et de déménager dans des locaux de 550 m2 au mois de mai.

La société Hopaal (6 collaborateurs ; CA 2018 : 300 k€), qui propose des vêtements fabriqués à partir de matières recyclées, a également fait ses armes au sein de TBSeeds. « Les conseils des professeurs et de professionnels extérieurs ont été précieux pour le développement du business model et l’organisation des chaînes de production et d’approvisionnement, détaille le cofondateur Clément Maulavé. Nous avons aussi très nettement gagné en crédibilité vis-à-vis des banques, des journalistes et des investisseurs ». Créé en 2017, Hopaal a déménagé ses bureaux et ouvert une boutique à Biarritz en juillet.

Le Crece, manifestation pionnière

Un point commun unit les fondateurs d’Unitag, de Schoolmouv et d’Hopaal : ils figurent tous les trois parmi les lauréats du Crece. Ce concours d’entrepreneuriat-étudiant créé il y a déjà 18 ans par la CCI Toulouse Haute-Garonne fait de la Ville rose l’une des métropoles pionnières sur la question. « À l’époque, nous sentions dans le monde étudiant une méconnaissance voire un rejet de l’entreprise : le Crece a eu pour mission de sensibiliser étudiants et professeurs aux potentialités de la création d’entreprise, se souvient Gérard Trullen, l’élu de la CCI qui suit l’organisation du concours. On sent aujourd’hui que ce regard a bien changé, notamment grâce à l’implication des enseignants : les dossiers présentés au Crece sont souvent de grande qualité, avec une analyse fine des marchés et des modèles crédibles. »

La professionnalisation des accompagnements est un levier majeur du boom de l’entrepreneuriat étudiant. Depuis cinq ans, le dispositif national Pépite Ecrin se décline régionalement sous la responsabilité de l’Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées. Ses missions concernent d’abord la sensibilisation et la formation des étudiants intéressés par l’entrepreneuriat, notamment via le diplôme universitaire d’étudiant-entrepreneur (D2E) introduit par la loi en 2015. « La création d’un statut dédié a grandement facilité la poursuite parallèle des études et du projet d’entreprise, par exemple avec la possibilité de remplacer les stages par des heures de coaching », se félicite Christophe Leyronas, professeur de TBS en charge du dispositif Pépite Ecrin. Résultat, le nombre d’étudiants engagés dans l’entrepreneuriat explose à Toulouse : une soixantaine il y a trois ans, plus de 300 pour cette année 2019, selon les données compilées par les équipes de Pépite Ecrin.

Le bilan de TBSeeds est lui aussi parlant. Depuis sept ans, la structure a accompagné 111 projets, ce qui a débouché sur la création de 36 entreprises - taux de survie de 77 % à cinq ans - et 104 créations d’emplois. L’incubateur qui n’était ouvert qu’aux élèves de TBS accueille depuis 2016 des étudiants de l’Insa et de l’Ensa et depuis 2018, des jeunes de tous horizons et les alumni de TBS.

Le Semoir, dernier né des incubateurs

Ce succès inspire d’autres établissements, telle l’école d’ingénieurs de Purpan (EIP) qui a initié l’an dernier son incubateur. L’idée est venue en mai 2017, quand deux étudiants de l’EIP, Alexis Lesly-Veillard et Christophe Sovran, montent sur le podium du concours Carrefour « Lance-toi et crée ton truc » et remportent 10 000 € pour créer leur entreprise. « Notre idée est d’intégrer la spiruline, microalgue très riche en vitamines et minéraux, dans des produits aux valeurs nutritionnelles habituellement peu intéressantes comme la pâte à tartiner », explique Alexis Lesly-Veillard. Diplômés en agroalimentaire au mois de septembre suivant, les deux étudiants sont ensuite accompagnés par Pépite Écrin Toulouse pendant six mois et immatriculent leur société Hoope en avril 2018. La société commercialise déjà ses produits dans 60 points de vente du Grand Sud et vise l’échelle nationale d’ici deux ans. Le chiffre d’affaires devrait passer de 70 000 € à plus de 200 000 € pour l’exercice 2019-2020, et une levée de fonds de 500 000 € est planifiée.

Aujourd’hui installé au MIN de Toulouse, Hoope a d’abord pris ses quartiers au sein de l’EIP. « Nous cherchions des locaux et un laboratoire pour notre R & D, et la direction de l’EIP voulait développer l’intrapreneuriat, raconte Christophe Sovran. C’est en nous accueillant que l’école a lancé le concept du Semoir ». « Pour l’instant réservé aux étudiants de l’EIP, l’incubateur a déclenché la création d’un espace de coworking et accueille en ce moment le projet Selvia, qui travaille sur un substitut du sel », ajoute Catherine Tocquer, responsable du Semoir.

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