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Rapport de l'Agence Anticorruption : "Il n'y a aucun vice caché à la CCI Nice Côte d'Azur"
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Jean-Pierre Savarino président de la CCI Nice Côte d’Azur "Il n'y a aucun vice caché à la CCI Nice Côte d'Azur"

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Lors de son contrôle en 2019, l'Agence Française Anticorruption a établi que la CCI Nice Côte d’Azur ne respectait pas la loi Sapin 2 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Son rapport, confidentiel, a été révélé par Mediapart à quelques semaines des élections consulaires. Président sortant de la Chambre de commerce azuréenne, Jean-Pierre Savarino admet des dysfonctionnements mais réfute de nombreuses accusations.

Élu en 2016, Jean-Pierre Savarino est le président sortant de la CCI Noce Côte d’Azur — Photo : Ludovic DESVARENNES - Dinkymage

Comment s’est déroulée la mission de l’Agence Française de Corruption à la CCI Nice Côte d’Azur (426 collaborateurs, budget de 96,7 M€, 103 000 entreprises représentées) ?

Cela a duré toute l’année 2019. L’AFA est venue plusieurs fois et a rencontré une quarantaine de personnes. Nous avons regardé tous les axes majeurs du fonctionnement d’une CCI, avons échangé beaucoup de documents… Elle a rendu un rapport provisoire en novembre 2020.

Dans ce rapport, l’AFA pointe l’absence de dispositif de prévention et de détection des atteintes à la probité prévue par la Loi Sapin II de 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Pourquoi n’était-il pas en vigueur à la CCI Nice Côte d’Azur ?

Quand l’AFA est venue faire son contrôle, elle s’est en effet rendu compte que notre CCI, comme toutes les autres CCI de France, n’avait pas mis en application la loi Sapin II. Tout simplement car cela ne nous l’avait pas été demandé par notre tutelle, la Direction Générale des Entreprises, ni par CCI France qui est aussi notre tutelle. L’exigence de CCI France ne nous a été demandée qu’en décembre 2020. Il était donc normal qu’au moment du contrôle nous n’ayons pas eu la certification adéquate.

Cela signifie-t-il que vous n’aviez aucun garde-fou en la matière ?

Nous ne nous sommes pas réveillés le jour où l’AFA est arrivée. Je rassure tout de suite ceux qui pensent que l’on fait tout et n’importe quoi à la CCI : il n’y a aucune possibilité de le faire. Nous avions déjà dans notre règlement intérieur beaucoup d’éléments en place. La commission de conflits d’intérêts existe, par exemple, depuis de très nombreuses années.

Nous sommes un établissement public, une partie des finances est publique, nous sommes donc sous le contrôle de la tutelle, qui est l’État, ainsi que de la Cour des comptes si elle le souhaite. Nous fournissons tous les comptes détaillés chaque année à notre tutelle. Les commissaires aux comptes sont aussi là pour vérifier la conformité des éléments. Nous avons également une particularité importante : une très grande majorité de nos activités sont sous le droit privé. Nous sommes donc aussi assujettis à la règle du privé.

Le siège de la CCI Nice Côte d’Azur se situe boulevard Carabacel, à Nice — Photo : Olivia Oreggia

Quelles actions avez-vous donc entreprises depuis le rapport de l’AFA ?

Cet audit a permis d’identifier 41 observations et 34 recommandations. Nous avons répondu à toutes les observations et, dès la fin 2019, nous avons travaillé à mettre en place les éléments manquants. D’ailleurs, le rapport définitif rendu le 30 juillet 2021 note les "efforts de transparence et d’amélioration de la CCI depuis le rapport provisoire". L’AFA nous encourage à poursuivre ces efforts.

En mai 2021, nous avons ainsi modifié notre règlement intérieur y introduisant un chapitre relatif à l’éthique, la déontologie et la lutte contre les atteintes à la probité. Nous y avons notamment ajouté la Charte d’éthique et de déontologie adoptée fin 2020 par CCI France, un code de conduite anticorruption spécifique à notre CCI, l’obligation de déport pour tout membre, conseiller technique ou collaborateur lorsque celui-ci est confronté à une question à laquelle il est directement ou indirectement intéressé… Nous avons désigné un membre extérieur, basé à Paris, pour présider la Commission de prévention des conflits d’intérêts pour lui donner une totale indépendance. Nous avons mis en place une procédure de recueil et signalement des lanceurs d’alerte. Nous avons désormais un guide pratique pour collaborateurs et les membres élus, nous formons dorénavant les élus susceptibles d’intégrer la CCI sur ce thème. Nous avons aussi établi une cartographie des risques de corruption, une des exigences de la loi Sapin. Ce sont autant de garde-fous supplémentaires.

Ce contrôle de l’AFA était-il donc finalement une bonne chose ?

Cela a nécessité énormément de travail dans la restructuration et l’amélioration des procédures mais cela nous a permis de faire un point beaucoup plus précis en termes d’audit interne. Cela a renforcé la CCI dans son mode opératoire, c’est positif. Nous avons fait appel à un cabinet spécialisé pour nous aider à auditer tous les processus internes et rédiger les méthodologies et procédures à mettre en place selon les exigences de la loi Sapin II. Nous sommes ainsi l’une des rares CCI en France en conformité avec la loi Sapin II, sachant que certaines mesures ont encore un certain délai d’application. Et j’en suis totalement satisfait car cela me protège d’autant plus en tant que président d’un établissement public. C’est aussi une protection supplémentaire pour les entreprises qui soumissionnent à la CCI.

Pourquoi l’AFA s’est-elle intéressée précisément à la CCI Nice Côte d’Azur ?

Nous avons été la première chambre de commerce en France à être auditée par l’AFA. Depuis, la CCI Île-de-France l’est à son tour. Apparemment, elle a regardé parmi les cinq CCI les plus importantes et a peut-être choisi la nôtre car nous sommes parmi les plus diversifiées. C’est une démarche logique.

Dans ses colonnes, Mediapart assure par ailleurs que vous "menez grand train". Que répondez-vous à ces accusations ?

Je n’ai rien à cacher. Concernant les frais de représentation, nous confions tous ces éléments à la tutelle. En 2018, trois déplacements à l’étranger ont gonflé ces frais qui, ces trois dernières années, sont compris entre 3 000 et 3 500 euros par mois en moyenne. Je précise que les frais de cabinet ont diminué de moitié par rapport aux deux dernières mandatures.

Il y a un autre point que je tiens à rectifier : il est dit que les élus n’ont pas le droit de faire travailler l’entreprise qu’ils dirigent avec la CCI. C’est faux, le règlement intérieur de CCI France l’autorise, sous certaines conditions bien sûr.

Vous êtes donc droit dans vos bottes ?

Je suis serein, je dors très bien oui ! Lundi 27 septembre, lors de notre assemblée générale, des représentants de la tutelle ainsi que le préfet des Alpes-Maritimes viendront attester que les éléments présentés dans ce rapport ne présentent aucun vice caché ou difficulté. Ils savent que nous sommes des gens sérieux et savent très bien quelle est notre marge de liberté.

Mediapart a fait état de ce rapport confidentiel à quelques semaines des élections consulaires, alors que vous vous présentez à votre propre succession. Y voyez-vous un simple hasard de calendrier ?

Certains se sont servis de ce contrôle pour fantasmer sur de la corruption. Je rassure tout un chacun : nous n’avons bien sûr relevé aucune anomalie ou entrave au sein de la CCI Nice Côte d’Azur. Il n’y a pas de corruption et il n’y a aucun élément qui pourrait donner lieu à une démarche juridique, que ce soit parmi le personnel ou les membres élus. En période électorale, il est plus facile d’essayer d’éliminer l’adversaire que de discuter du fond, c’est-à-dire l’avenir des entreprises du territoire. Ce qui m’intéresse, c'est comment sortir nos entreprises, de la crise, après le Covid, la tempête Alex, quelles solutions peut-on apporter ? J’espère qu’à partir de lundi, nous passerons à ces vrais sujets.

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