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Crowdlending : des premiers pas hésitants en Morbihan
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Crowdlending : des premiers pas hésitants en Morbihan

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Le prêt participatif aux entreprises (ou crowdlending) prend peu à peu de l'ampleur en Morbihan. Il a notamment permis le financement de lignes de production et de projets dans la transition environnementale. Mais le risque zéro n'existe pas. Pour preuve, une entreprise locale est à l’origine de l’un des plus gros défauts d'October, la plateforme de crowdlending phare en France.

Le crowdlending est un bon complément de financement pour mettre son projet en orbite. — Photo : @ SpaceX - Unsplash

En France, le prêt participatif aux entreprises, ou crowdlending "entreprise", explose. De 7 millions d’euros collectés en 2010, il est passé à plus de 130 millions d’euros levés à fin 2018. Le Morbihan n'échappe pas à la règle, bien au contraire, et c'est déjà plusieurs millions qui ont été collectés par les entreprises du territoire. La démocratisation de ce mode de financement complémentaire, souvent désintermédié et participatif, est en marche. Les plateformes qui mettent en relation financeurs et entrepreneurs doivent donc, plus que jamais, « mouiller la chemise », pour reprendre l’expression de Karim Essemiani, le fondateur de la plateforme bretonne GwenneG.

October voit rouge en Morbihan

C'est ce qu'a entrepris de faire October (ex-Lendix), la principale plateforme de crowdlending en France, mais qui l'a conduit à passer d'un extrême à l'autre en Morbihan. D'un côté, elle a permis au groupe de Bréhan Olmix, spécialisé dans les biotechnologies marines, de collecter 1,4 million d'euros auprès de 1 500 prêteurs, pour financer une nouvelle ligne de production de produits panés, issus de dindes élevées sans antibiotique, grâce aux algues. De l'autre, elle doit gérer la mise au point mort d'un autre prêt depuis l’automne.

L’entreprise morbihannaise bénéficiaire, dont le nom n’a pas été révélé, a fait défaut pour un restant dû de 597 784 euros sur un prêt initial de 675 000 euros. Pas sûr que les particuliers prêteurs récupèrent leur mise... October France dit tout mettre en œuvre pour améliorer ses ratios : de 5 en 2016, le nombre d’analystes est passé à 9 dans l'Hexagone et le nombre de personnes dédiées aux opérations d’une à deux.

« Aujourd’hui, aucune plateforme n’est rentable »

L’un des analystes de la plateforme le reconnaît : « Aujourd’hui, aucune plateforme n’est rentable. Ce sont les actionnaires qui subventionnent leur existence. » Heureusement, le crowdlending à destination de la transition environnementale s’en sort pour l’instant mieux. Il fait en tout cas figure de valeur refuge.

Outre Olmix, le Morbihan a connu ces derniers mois deux opérations d'envergure, bouclées en très peu de temps, l'une sur GwenneG (ferme solaire sur le toit de l’ex-base sous-marine de Lorient) et l'autre sur Enerfip (ferme photovoltaïque de Baud). Il est vrai aussi que l’une est portée par Xsea, une société d’économie mixte, et l’autre par Quadran, filiale du puissant groupe Total. Des structures aux reins solides.

Une opportunité pour les banques

Les banques s'intéressent de plus en plus à ce mode de financement alternatif. Dans le Morbihan, comme dans d'autres départements, Arkéa a conclu un partenariat avec October France, qui intervient en complémentarité de l'offre bancaire classique. « Le crowdlending est encore peu connu mais va se développer. En Europe, le financement des entreprises se fait encore à 80 % par de la dette bancaire et 20 % de désintermédié (autres sources de financement), quand, aux États-Unis, la proportion est inversée », témoigne Adrien Mauny, directeur du centre d'affaires Arkéa Banque entreprises de Vannes.

« Ces plateformes peuvent réagir vite, en 48-72 heures, quand nos circuits bancaires demandent, eux, plus de temps et d'analyse. »

Si la complémentarité peut se faire sur les projets, elle peut aussi se jouer côté timing : « Parfois, le tour de table des entreprises doit être rapide, si une opportunité de croissance externe se présente. Ces plateformes peuvent réagir vite, en 48-72 heures, quand nos circuits bancaires demandent plus de temps et d'analyse. La plateforme peut donc apporter ce besoin immédiat et, nous, offrir un financement plus important, avec des taux bien négociés et de l'accompagnement », poursuit Adrien Mauny. Même si, rappelle Anne-Louise Rodes, expert-comptable associée au cabinet Efficience, une campagne de crowdlending nécessite un véritable engagement de la part de l'entreprise.

Du crowdfunding au crowdlending, l'exemple d'Ekosea

Pour tirer leur épingle du jeu, les plateformes jouent de plus en plus la carte de la spécialisation. C'est ce créneau qu'a choisi d'explorer la plateforme de financement participatif morbihannaise Ekosea. Créée en octobre 2015 par Maël Prud'Homme et treize associés, elle est spécialisée en crowdfunding pour des projets ayant trait au nautisme, à la mer et à l'environnement. Après avoir financé une cinquantaine de dossiers en 2018, pour un montant total de 200 000 euros, la TPE se lance dans l'aventure du prêt participatif, en comptant bien embarquer avec elle une partie de ses 7 000 contributeurs.

« C'est une demande des entreprises que nous accompagnons et une démarche différente du crowdfunding. Ces entreprises ont souvent des besoins de financement lorsqu'elles commencent à faire du chiffre d'affaires et qu'elles doivent investir ou recruter. Bien souvent, les banques demeurent frileuses pour les soutenir, car elles n'ont pas encore toutes les garanties, expose Maël Prud'Homme. Ekosea étudie déjà une quinzaine de dossiers. Ils seront analysés avec le double regard de la plateforme et celui d'un cabinet comptable, qui donnera des notes. »

Ekosea vise 24 projets financés pour cette première année. Les porteurs de projets pourront emprunter entre 15 000 et 250 000 euros. Les prêteurs pourront prétendre à des taux d'intérêts bruts annuels oscillant entre 2 % et 12 %. Nouveau levier pour Ekosea, cette offre vise aussi à lui permettre d'atteindre la rentabilité.

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