Ces PME qui ont fait du design leur accélérateur de croissance
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Ces PME qui ont fait du design leur accélérateur de croissance

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Image, rentabilité, nouveaux marchés, innovation… Le design n’est pas qu’un simple verni esthétique. Pour bon nombre d’entreprises régionales, qui seront présentes à la Biennale Internationale du Design de Saint-Étienne (21 mars au 22 avril), cette méthodologie, à la croisée de l’art et de l’usage, incarne un véritable accélérateur de croissance.

Organisatrice de la Biennale Internationale de design, la Cité du design de Saint-Étienne est aussi un formidable centre de ressources, de recherche et de diffusion du design auprès des entreprises — Photo : C.Pierot

« La French Touch est reconnue à l’international et pourtant seul 9 % des entreprises françaises utilisent le design de manière stratégique, contre 12 % en moyenne en Europe, constate Isabelle Vérihlac, directrice du Pôle Entreprises et Innovation à la Cité du design de Saint-Étienne. Si on veut rester optimiste, on dira que nous avons un potentiel de développement important. » Un potentiel d’autant plus important à développer que les bénéfices du design ne sont plus à démontrer.

Gains d’image, hausse de la rentabilité avec des coûts de production revus à la baisse, acquisition de nouveaux marchés, innovation boostée… Les entreprises ont tout à gagner à intégrer le design dans leur stratégie. « Le design permet de sortir du lot, de se différencier de la concurrence, d’innover et même de revoir son mode de management. Il apporte un regard croisé sur toutes les composantes de l’entreprise. C’est un levier de croissance », explique Laëtitia Le Maner, fondatrice de l’agence de design industriel Novam, dans la Loire.

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Une étude de 2010, réalisée par l’Agence pour la promotion de la création industrielle et la Cité du design, montre d’ailleurs que 75 % des entreprises qui ont eu recours au design ont constaté une augmentation réelle de leur chiffre d’affaires. La moitié affirme même avoir ressenti une hausse de leur valeur financière. « Si on se réfère à l’étude de la Danish Business Authority, les entreprises qui investissent dans le design enregistrent une augmentation de leurs revenus bruts 22 %, plus élevée que celles qui n’investissent pas dans le design », abonde Isabelle Vérilhac.

Fermob et Weiss sauvés par le design

Investir dans le design, Bernard Reybier n’a pas hésité à le faire quand il a repris, en 1989, Fermob, un fabricant de mobilier de jardin, dans l’Ain. « À l’époque, ce n’était qu’un petit atelier passé de 40 à 10 salariés et qui réalisait à peine un million d’euros de chiffre d’affaires. Fermob allait mourir, mais le design l’a sauvé », assure le PDG. Il décide d'embaucher un designer. « Il a mis en cohérence les formes par rapport aux usages et, très rapidement, nos produits ont commencé à se vendre mieux que ceux de nos concurrents. Cela nous a permis de nous démarquer, de nous forger un look, un style et une identité », plaide-t-il.

« Avec l’innovation et la vision internationale, le design est l'une des trois composantes de notre succès. Certes le retour sur investissement est difficile à calculer, mais il est réel. Pour preuve, nous en sommes à 27 années consécutives de croissance », affirme le patron de Fermob, qui pèse aujourd’hui 72 M€ de chiffre d’affaires et 230 salariés.

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Nouveau concept de boutiques chez Weiss

Le chocolatier stéphanois Weiss (120 salariés ; CA : NC) a vécu une histoire similaire. Confronté à des difficultés financières au début des années 2010 (675 000 € de pertes en 2012 ; 12,7 M€ et 108 salariés), il a décidé, en 2013, de tout miser sur le design pour sortir de l’ornière. « Quand Eugène Weiss a inventé le Napolitain, un chocolat au format pensé pour les voyages en train, en 1912, c’était déjà du design. Mais à partir de 2013, nous avons décidé de structurer cette démarche et d’accélérer », expose Valentine Girault-Matz, la responsable communication de Weiss. L'entreprise fait alors appel à des designers et s'appuie aussi beaucoup sur la Cité du Design. « Aujourd’hui, c'est dans notre ADN. Le design est pour nous une source de créativité, de différenciation, de compétitivité et il a permis à Weiss de redevenir une entreprise rentable », assure Valentine Girault-Matz.

Une rentabilité que le chocolatier stéphanois compte bien encore améliorer, en lançant un nouveau concept de boutiques, imaginé, testé et validé lors de la Biennale. En effet, après avoir demandé aux visiteurs de l’édition 2017 d’imaginer les boutiques Weiss de demain, le chocolatier réorganisera cette année un nouveau « living lab » (laboratoire d’innovation où l’usager est acteur), pour les inviter à se prononcer sur différents concepts et valider celui qui verra le jour en 2020.

Conquête internationale pour Thuasne

Chez le leader européen de la compression médicale Thuasne (2 100 salariés ; 220 M€ de CA), dans la Loire, la démarche design a pris une tournure plus importante il y a une dizaine d’années, avec l’embauche d’une designer. Cette dernière prend en charge l'expression graphique et réorganise toute la communication et les packagings du groupe. « Elle a aussi initié une véritable démarche en profondeur de design fonctionnel, en accompagnant les équipes R&D et marketing à s’interroger sur comment le patient va utiliser un produit, le porter, vivre avec. Avoir des produits conformes au cahier des charges de remboursements de la Sécurité sociale ne suffisait plus. La concurrence devenait plus active et il fallait prendre en compte les besoins d’utilisation et le confort des patients pour améliorer l’observance des produits et regagner des parts de marchés », détaille Anne-Sophie Ducottet, directrice de la communication de Thuasne.

Une stratégie qui a aussi permis au groupe d’accélérer son développement à l’international. « Certains de nos produits haut de gamme, avec un design propre et une qualité supérieure de confort au porté et à l’usage, nous ont permis d’avoir une bonne légitimité, quand on s’est introduit dans certains pays. En un sens, le design a contribué à ce que Thuasne devienne une ETI », argumente Anne-Sophie Ducottet.

Relocalisation pour Sam Outillage

Chez le fabricant d'outillage à main stéphanois Sam Outillage (180 salariés ; 35 M€ de CA), on n’en est pas encore là. Et pourtant le design porte déjà ses fruits. « Il est présent dans toutes nos innovations et nous permet de nous différencier de la concurrence étrangère sur des produits traditionnels », expose le directeur général Olivier Blanc.

Au début des années 2000, Sam Outillage décide d'ailleurs de mettre sa traditionnelle servante d’atelier entre les mains d’un designer. « Résultat, nous en avons commercialisé plus de 2 000. Le succès a été tel que la fabrication, sous-traitée un temps, délocalisée ensuite, a été relocalisée en 2012, à la suite du rachat d’une tôlerie à Montpellier », illustre Olivier Blanc. Idem pour la clé dynamométrique qui, grâce à son lifting design et à ses nouvelles fonctions mécatroniques, devrait à terme être relocalisée dans l’usine du futur que SAM est en train de se faire construire sur son site historique de Saint-Étienne.

Innovations frugales chez Cookut

Depuis 2012, le fabricant d'ustensiles de cuisine Cookut, lui, s'attache à utiliser le minimum de ressources pour créer des produits simples, mais fonctionnels. Elle pratique ainsi le design "frugal" ou "innovation frugale". Cette nouvelle tendance consiste à répondre à un besoin de la manière la plus simple et la plus efficace possible, en utilisant le minimum de ressources. Conscientes que les consommateurs souhaitent de plus en plus revenir à des choses simples et authentiques, certaines entreprises en ont fait leur axe stratégique de développement. Mieux, leur modèle économique. Au sein de la PME Cookut (10 salariés), basée à Chaponost, dans le Rhône, cette frugalité se traduit par la création de produits sans mécanisme, sans carte électronique et sans développement logiciel.

« Pendant des années, on s'est laissé enfumer par l'industrie qui nous a fait croire que l'on avait besoin d'une résistance électrique pour faire fondre du fromage. Une simple petite bougie suffit ! Les gens en ont marre d'être entourés de produits complexes, expose le fondateur Grégory Maître. Nous réconcilions l'utilisateur avec l'objet, avec des produits simples, sans fioritures ou sur-fonctions. Et comme on utilise moins de matières premières, nos produits sont évidemment moins chers. »

Un modèle qui a trouvé son public, puisque la PME est passée de zéro à 4 M€ de chiffre d'affaires en six ans, avec un réseau de distribution de 800 boutiques indépendantes en France.

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