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« Notre dispositif permet de rendre les gens finançables »
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Radoine Mebarki fondateur du mouvement Tous Repreneurs « Notre dispositif permet de rendre les gens finançables »

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Tout juste âgé de 35 ans, Radoine Mebarki est un patron impliqué dans le tissu économique nancéien. Dirigeant d’une agence immobilière, il déploie aujourd’hui son énergie dans le mouvement « Tous repreneurs ». Avec une conviction : seul le talent et la motivation comptent pour se lancer dans l’entrepreneuriat.

Le programme porté par Radoine Mebarki a déjà touché plus de 400 personnes en Lorraine — Photo : Jean-François Michel

Le Journal des Entreprises : Sur quels constats est né le programme « Tous repreneurs » ?

R. M. : Professeur vacataire à l’IUP de Nancy, j’étais en contact avec des banquiers qui tiraient la sonnette d'alarme. Il va y avoir 600 000 entreprises à reprendre dans les 5 à 10 ans en France. Donc d'un côté des entreprises à reprendre, du budget pour la formation et de l'autre côté des gens qui veulent se recréer un destin de vie, parce qu’ils sont malheureux dans leurs activités professionnelles, demandeurs d’emplois ou trop noir, trop arabe, trop vieux, trop jeune, pas assez diplômé.  Le parcours « Tous repreneurs », c’est cet alignement parfait des étoiles : des entreprises à reprendre, des gens motivés pour le faire.

Vous avez mis vos partenaires, et notamment les banquiers, au cœur du dispositif. Pourquoi ?

R. M. : Il y a deux ou trois freins majeurs pour qu’un banquier soit en capacité de donner une décision positive pour financer une reprise. L'idée a été de créer un parcours pour le rassurer. Première chose, garantir un socle minimum de compétences. Deuxième chose, il faut que la démarche soit inscrite dans un parcours : les banquiers perdent énormément de temps à étudier des dossiers lancés le dimanche à table, entre la poire et le dessert. Et enfin pour éprouver un projet, il faut être accompagné d'experts du monde de l'entreprise. En levant ces trois peurs, notre dispositif permet de rendre les gens finançables.

Pourquoi avoir choisi de faire passer des castings ?

R. M. : On a repris les codes de la télé-réalité d'aujourd'hui : 180 secondes pour convaincre de sa motivation. L’idée symbolique, c'est que même le SDF qui passe a le droit de tenter sa chance. Il suffit d’avoir 18 ans et d’être en situation régulière. Les candidats vont d'un gars qui n'a pas son CAP à un ingénieur de X-Mines Paris. 

Qu’est-ce qui change par rapport aux autres dispositifs basés sur des présentations rapides ?

R. M. : Tout ce qui existe en casting entrepreneurial est toujours basé sur des créateurs de start-up, mais 99 % des projets partent à la poubelle parce qu'ils ne sont pas prêts ou pas fiables. Depuis des années, on tue l'entrepreneur en même temps que le projet. Dans mon dispositif, vu que je ne m'intéresse pas au projet, c'est l'humain qui est important.

Comment faites-vous le lien avec les partenaires du programme ?

R. M. : J'ai inventé un truc rigolo qui s'appelle le mariage à l'africaine. Je me suis inspiré du pays d'origine de mes parents, l'Algérie, où les deux publics qui ne peuvent pas se parler, c'est les garçons et les filles, quand ils veulent se marier. Il faut alors organiser le ballet des intermédiaires, les marieuses. Et les marieurs ou plutôt les intermédiaires du monde de l'entreprise, ce sont les experts-comptables, les banquiers, les notaires, les avocats, tout ceux qui font le quotidien du chef d'entreprise. Donc on organise des soirées où ce sont eux les invités, pas les cédants, et devant eux, ce sont les repreneurs qui pitchent, renforcés par quatre mois de travail. On a inventé la marketplace de l'entrepreneuriat en donnant accès au marché dissimulé de la reprise d’entreprise.

Comment se développe le programme ?

R. M. : On a lancé le programme en 2015, avec une première promo à Nancy. Les Vosges ont été les premiers à nous demander de développer le programme chez eux. Après cette première expérience, nous avons validé le dispositif. Cette année, on s'installe en Moselle, la prochaine étape, c'est le Grand Est. La Lorraine restera le laboratoire expérimental où nous allons continuer à mettre au point nos recettes. Je suis soutenu par la Région ainsi que les deux métropoles pour faire du Sillon Lorrain une terre d'entrepreneurs. Depuis le démarrage, nous avons plus de 400 personnes, en Lorraine, qui nous ont fait part de leur intention de se lancer. On en a formé une soixantaine : parmi eux, un tiers n'y arrive pas, un tiers retourne à l'emploi et un tiers est dans une dynamique entrepreneuriale.

Comment travaillez-vous avec le ministère de l'Economie ?

R. M. : J'ai une subvention directe de l'État pour continuer à développer les travaux de « Tous repreneurs ». L'ambition est de faire de ce dispositif un outil de régénération économique d'un territoire. Dans ce dispositif, on n’invente rien de nouveau, il n'y a pas de nouvelles structures. On utilise les forces présentes, donc il n'y a pas d'argent supplémentaire à dépenser. Si tout le monde s’aligne, on est capable de sortir une usine à entrepreneur sur un territoire, soit de 50 à 100 entrepreneurs nouveaux par an.

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