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Le groupe de BTP Livio sort le rouleau compresseur de la croissance externe
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Le groupe de BTP Livio sort le rouleau compresseur de la croissance externe

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Après quatre années de réorganisation et de consolidation, le groupe vosgien de BTP Livio a décidé de passer la vitesse supérieure. À grands coups d’acquisitions et d’innovations, la société familiale se rêve désormais en ETI "reconnue dans tout le Grand Est".

Anne-Claire Goulon et Frédéric Peduzzi sont les cogérants du groupe de BTP vosgien Livio, comptant désormais 11 filiales — Photo : Michel Laurent

"Ça y est, c’est reparti", lance Anne-Claire Goulon, cogérante de la société Livio (400 salariés, 65 M€ de chiffre d'affaires en 2020), fondée en 1938 et spécialisée dans le bâtiment, le génie civil, le second œuvre et les travaux spéciaux. Cinq ans après avoir rejoint la direction de l’entreprise basée à Fresse-sur-Moselle (Vosges) aux côtés de Frédéric Peduzzi, la dirigeante lorraine annonce que la phase de croissance externe est de nouveau enclenchée, et ce sur un rythme effréné : une acquisition par an, minimum. "Nous voulons devenir d’ici à 2024 une ETI reconnue dans tout le Grand Est", prévient-elle. À moyen terme, le groupe aux onze filiales aimerait en compter plus d’une vingtaine.

Pour y parvenir, les dirigeants ont entamé un vaste chantier : celui de la réorganisation. Dès son arrivée en 2016, Anne-Claire Goulon s’est attelée au développement d’une holding animatrice à Saint-Étienne-lès-Remiremont. Cette dernière est alors renommée Livio, du prénom de l’ancien dirigeant et père de Frédéric Peduzzi. "Mon travail a été de centraliser toutes les fonctions support et de les mettre au service des dirigeants des filiales, détaille-t-elle. L’objectif est de leur simplifier la vie sur le plan social, juridique et informatique. Bref, retirer tout ce qui peut les empêcher de penser uniquement à leur production."

Deux acquisitions en deux mois

Après avoir posé les fondations de cette nouvelle holding et renforcé ses équipes pendant près de deux ans, la direction s’est attaquée dès 2018 à un plan de développement tout en sollicitant ses partenaires financiers. C’était sans compter l’arrivée d’une épidémie qui, en plus de suspendre les chantiers, a retardé d’une année ses ambitions d’expansion.

Bontempi, une des filiales du groupe Livio, a repris en décembre 2020 l'entreprise de Haute-Saône Bruno Michel — Photo : Michel Laurent

Ce n’est donc qu’à la fin 2020 que le groupe vosgien a décidé d'investir le terrain de la croissance externe. Sa filiale Bontempi (CA 2020 : 2,3 M€ ; 23 salariés), spécialisée dans la maçonnerie, la façade, la charpente et la taille de pierre au Val d'Ajol (Vosges), s’est adjugé en décembre l’entreprise de Haute-Saône Bruno Michel (CA 2020 : 500 000 euros ; 4 salariés), reconnue pour ses activités de zinguerie et de couverture en ardoise. "Avec Bontempi, nous intervenons chez des industriels locaux comme De Buyer pour de la maçonnerie traditionnelle mais aussi sur de la rénovation de bâtiments patrimoniaux comme le fort de Sanchey et dans ces cas-là, nous faisons appel à des métiers très artisanaux, explique Anne-Claire Goulon. Avec la société Bruno Michel, nous complétons notre offre et nous pouvons répondre à une demande qui est de plus en plus forte, notamment dans la rénovation de fermes ou de petits châteaux."

"Nous voulons conserver l’ADN de chaque filiale."

Deux mois plus tard, le groupe vosgien enchaîne avec une autre acquisition : Solibat (CA 2020 : 1,8 M€ ; 11 salariés), basée à Lupstein (Bas-Rhin) et spécialiste du revêtement de sols décoratifs et industriels. "Solibat dispose d’un vrai savoir-faire notamment sur la résine de sol. De quoi compléter les activités de notre filiale EMTS à Golbey, comme l’étanchéité des bétons ou encore le fuselage des réservoirs d’eau." Un compagnon de route qui tombe à pic car, depuis un an, EMTS (CA 2020 : 8 M€ ; 12 salariés) enchaîne les chantiers de taille, notamment dans les territoires d’outre-mer ou encore à Arles sur la prestigieuse Tour Luma.

La société Peduzzi, maison mère du groupe Livio, compte 170 salariés et a réalisé 30 millions de chiffre d’affaires en 2020, contre 35 millions en 2019 — Photo : Livio

Le modèle de l’ETI comme étendard

Dans son travail de prospection, Livio n’a que deux boussoles : la complémentarité et la compétence. Peu importe la taille et la santé financière de la société ciblée. "Avec les années et les crises, nous avons appris à retrouver de la rentabilité dans des sociétés qui pouvaient tousser et souffrir tout en conservant leur ADN, souligne Anne-Claire Goulon. C’est pour ça qu’on aime les sociétés familiales, celles qui n’ont pas beaucoup de turn-over et qui ont un savoir-faire depuis des générations."

"Nous voulons que les dirigeants de chaque filiale tiennent le clou et le marteau. S’ils se sentent déresponsabilisés, ils sont démotivés."

En toquant à la porte de ses nouvelles acquisitions, Livio ne démolit pas pour reconstruire. Le groupe de BTP préfère rénover, en douceur. "Quand nous rachetons une entreprise avec des salariés attachés à leur boutique, nous n’allons pas débarquer en changeant leur nom et leur façon de travailler, avertit Anne-Claire Goulon. Nous voulons lui amener de meilleures pratiques et la faire grandir, sans la travestir." Hors de question, non plus, de mettre son patron de côté : "Nous voulons que les dirigeants de chaque filiale tiennent le clou et le marteau. Ils doivent s’approprier tous les sujets. S’ils se sentent déresponsabilisés, ils sont démotivés et c’est ce qui peut arriver dans les grands groupes."

D’ailleurs, la dirigeante assure ne pas avoir la folie des grandeurs. "Car nous croyons beaucoup en l’ETI." Une entreprise de taille intermédiaire, assez petite pour garder de la souplesse et de la réactivité, assez grande pour répondre aux chantiers importants. "Nous voulons que nos gros clients aient toujours l’impression de trouver une solution au sein du groupe."

Un chiffre d'affaires en baisse de 15 %

Parmi ces "gros clients", Livio peut compter sur Total et ses stations d’autoroutes en bois-béton, sur Lidl et ses nouveaux magasins ou encore sur Burger King et ses restaurants régionaux. Malgré la solidité de ses donneurs d’ordre et la diversité de son portefeuille, le groupe Livio n’a pas échappé aux turbulences de la crise. En 2020, son chiffre d’affaires consolidé s’est affaissé de plus de 15 %, passant de 80 à 65 millions d’euros. "Nous ne retrouverons jamais les chantiers décalés ou perdus, déplore Anne-Claire Goulon. Je pense notamment aux projets d’hôtels-restaurants qui n’existent plus. Heureusement, l’industrie, qui avait décalé quelques chantiers, continue d’investir. En revanche, nous avons vu une baisse de 80 % des appels d’offres dont ne se remettront jamais les travaux publics. Ce sont les premiers touchés et nous sommes le deuxième maillon de la chaîne."

"Comme quoi, ce n’est pas la taille qui empêche l’innovation."

Pour encaisser le choc, l’entreprise de Fresse-sur-Moselle a bénéficié du chômage partiel, emprunté 6 millions d’euros de prêt garanti par l’État et n’a recruté qu’une vingtaine de personnes, soit deux fois moins que d’habitude. Livio a également fait appel à un avantage inhérent à tout groupe familial : la solidarité. "Dans ce genre de situation, nous nous envoyons un maximum d’affaires et nous essayons d’y emmener plusieurs filiales, expose Anne-Claire Goulon. On se sert les coudes et ça paie puisque nous gardons toutes nos ambitions pour 2021."

Investissements portés vers l'innovation

Ainsi, en plus des acquisitions, Livio assure reprendre un haut niveau de recrutements et annonce de nouveaux investissements portés vers l’innovation. D’abord, au sein de la maison mère Peduzzi (CA 2020 : 30 M€ ; 170 salariés) avec un projet de "stratoconception" à plusieurs centaines de milliers d’euros. Cette méthode de prototypage rapide par usinage est actuellement développée par le centre d’ingénierie Cirtes de Saint-Dié-des-Vosges. "L’idée est de produire des formes en béton sur-mesure, le gain de productivité attendu est énorme", confie la dirigeante, qui n’oublie pas ses filiales pour autant. Un outil informatique permettant à la société Paul Valdenaire (CA : 2 M€ ; 15 salariés) de réaliser un devis de manière quasi instantanée est aussi en cours de développement. "Nous y consacrons 150 000 euros, souligne Anne-Claire Goulon. Comme quoi, ce n’est pas la taille qui empêche l’innovation."

La preuve encore avec la numérisation des données analytiques de la société de maçonnerie Schenini, implantée à Belfort (CA : 2 M€ ; 11 salariés) afin d’améliorer son contrôle de gestion. Même chose avec la recherche de nouvelles membranes photovoltaïques chez Vannson (CA : 3 M€ ; 30 salariés), la filiale étanchéité-chauffage-climatisation du groupe vosgien basée au Thillot. Une piste environnementale parmi d’autres puisque le groupe vosgien pense maintenant au recyclage de ses déchets. "Une forme de requalification nécessaire de la matière première, comme l’explique la cogérante. Il faut absolument que le bâtiment soit plus vertueux dans l’utilisation et le tri de ses matériaux." Pour la profession, le chantier de "la construction durable" est immense. Chez Livio, il a déjà commencé. L’entreprise en a même fait son slogan.

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