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Augmentation des coûts : les entrepreneurs du bâtiment d'Ille-et-Vilaine en appellent à la solidarité de la filière
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Augmentation des coûts : les entrepreneurs du bâtiment d'Ille-et-Vilaine en appellent à la solidarité de la filière

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Hausse des prix de l’énergie, des carburants, des matériaux… Les entreprises du Bâtiment d’Ille-et-Vilaine, qui font face aux conséquences de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine, craignent pour leur pérennité. Avec le soutien de la FFB35, elles en appellent à la solidarité de l’ensemble de la filière par un partage des surcoûts, et alertent les décideurs et pouvoirs publics.

Franck Queguiner (couvreur), Xavier Champs (menuisier agenceur, président de la FFB35), Véronique Ikène (peintre), Philippe Lelièvre (secrétaire général de la FFB35) et Yannick Hervé (plaquiste, président de l’UMPI-FFB), lancent un appel à l’ensemble de la filière pour partager les surcoûts des chantiers — Photo : FFB35

Qu’ils soient menuisiers, peintres ou couvreurs, tous les professionnels du Bâtiment font face à une augmentation des coûts de production. Depuis plus d’un an, à cause de la crise sanitaire, les dérapages sur les coûts des matériaux et de l’énergie pèsent sur leur quotidien et le coût de la construction. "En un an, il a globalement augmenté de 5 %, précise Philippe Lelièvre, secrétaire général de la Fédération française du bâtiment d’Ille-et-Vilaine (FFB35). C’est très variable d’un secteur à l’autre. Par exemple, alors qu’une tonne d’acier en 2020 coûtait 500 euros, elle a pu atteindre jusqu’à 1 900 euros en 2021, avec de fortes fluctuations. Pour autant, après la hausse, si un prix baisse, il n’est pas forcément répercuté par le fabricant." Pour les entreprises du bâtiment, qui sont engagées par des devis signés avec prix fermes, la situation est plus que tendue. À cette situation est venue s’ajouter la crise en Ukraine, qui a provoqué une nouvelle augmentation du prix de certains matériaux (notamment sur l’acier et l’aluminium, importé de Russie ou d’Ukraine), dont l’approvisionnement se complique. Le prix de l’énergie (notamment du gaz) ayant également augmenté, c’est encore une hausse du prix qui se fait sentir. "Parfois même, les entreprises cessent de produire car le coût de l’énergie est trop élevé. C’est le cas de fabricants de carrelage en Italie par exemple", souligne Philippe Lelièvre.

Des carnets de commandes pleins, mais à quel prix ?

Face à cette instabilité et ces incertitudes, les entreprises du BTP se sentent menacées. "Si les carnets de commandes sont pleins - et l’activité est dynamique en Ille-et-Vilaine -, certaines entreprises ne vont pas pouvoir suivre. Le risque, c’est de mettre la clé sous la porte ! Si elles ne gagnent pas d’argent sur leur travail, elles ne pourront plus payer les matériaux, les charges, les salaires. Si on pénalise l’entreprise, c’est toute la chaîne de production qui est pénalisée", détaille Philippe Lelièvre.

Des situations inédites

Sur le terrain, les entreprises connaissent en effet actuellement des situations inédites. "On en arrive à des situations intenables, parce qu’on est incapable de faire un chiffrage aujourd’hui pour dans un an. Certains fournisseurs demandent aux entreprises de signer un bon de commande de matériaux de construction, sans délai et sans prix, car elles ne connaissent pas les prix à plus de quinze jours. Imaginez sur un an !", témoigne Véronique Ikène, dirigeante de Tiriault Peinture, qui emploie 45 collaborateurs à Acigné (CA : 3,9 M€). Son entreprise n’est pas la plus impactée directement, puisque les matériaux pèsent pour seulement 20 % dans un devis de peinture. "Mais nous sommes impactés indirectement, poursuit la dirigeante, qui est également vice-présidente de la chambre de métiers et de l’artisanat d’Ille-et-Vilaine. Le Bâtiment, c’est une chaîne. Si la charpente ne se monte pas, cela impacte tous ceux qui interviennent après. Chez un couvreur, le prix des matériaux, lui, pèse pour 60 % dans un devis. Si les prix augmentent trop, on risque des arrêts de chantiers, parce que les clients ne vont pas pouvoir suivre, ou alors vont supprimer certains travaux. Et s’il y a un coup de frein, on va mettre beaucoup de temps à repartir."

La situation est d’autant plus compliquée que les entreprises ont besoin de recruter pour honorer les chantiers déjà signés. Elles mettent tout en œuvre pour attirer de nouveaux collaborateurs, dont des jeunes. "On risque de mettre par terre tout ce qu’on a construit dans ce sens", s’inquiète Véronique Ikène.

Crainte sur la santé morale des dirigeants

Alors, dans ces conditions, les entreprises veulent alerter les pouvoirs publics, et demandent que les surcoûts qu’elles subissent soient partagés par l’ensemble de la filière. Elles en appellent à la solidarité, car elles ne pourront pas absorber à elles seules ces augmentations de prix. "Nous ne pouvons plus passer des marchés à prix fermes. Nous demandons qu’une clause de révision des prix soit intégrée dans tous les marchés privés comme publics, ainsi que le gel des pénalités de retard liées aux retards d’approvisionnement", indique Philippe Lelièvre. "En alertant sur la situation, nous voulons trouver des solutions ensemble, ajoute Véronique Ikène. Pourquoi pas, aussi, décaler les nouvelles obligations qui vont arriver, notamment sur le plan environnemental ? C’est important, mais leur lourdeur administrative et le temps de les étudier s’ajoutent à nos contraintes". Pour cette cheffe d’entreprise, la crainte est également de l’ordre de la santé. "Beaucoup d’entrepreneurs sont fatigués, le danger c’est qu’ils ne tiennent pas le coup moralement", alerte-t-elle également.

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