Porté par NatUp, Lemaître Demeestere va pouvoir accélérer sur le lin fabriqué en France
# Industrie

Porté par NatUp, Lemaître Demeestere va pouvoir accélérer sur le lin fabriqué en France

S'abonner

Le tisseur nordiste Lemaître Demeestere, spécialisé dans le lin, a rejoint en 2020 la coopérative agricole normande NatUp. Elle se donne ainsi les moyens d’investir, notamment dans une filature, qui lui permettra de proposer du lin 100 % produit en France.

Olivier Ducatillion a présenté cet automne la première gamme d’étoffes destinées au prêt-à-porter, issue des métiers de Lemaître Demeestere — Photo : Jeanne Magnien

Spécialiste du lin depuis le XIXe siècle, le tisseur Lemaître Demeestere commençait à se sentir un peu seul dans une métropole lilloise désertée par ses manufactures depuis les années 1980. "Autrefois, le long de la Lys, où nous sommes installés, il y avait 15 tissages. Il n’en reste que deux aujourd’hui. Autour de Lille, on comptait peut-être 200 filateurs et tisseurs, il n’y a plus personne," se désole Olivier Ducatillion, le dirigeant de Lemaître Demeestere (37 salariés, 4 M€ de CA), qui a repris la PME d’Halluin en 2008.

C’est finalement en Normandie que cet ardent défenseur du lin et du fabriqué en France a trouvé un allié partageant ses convictions. Sur l’autre grande terre du lin, dont l’essentiel de la production mondiale est réparti entre la Normandie et le Nord, la coopérative agricole NatUp développe des projets liés à cette fibre naturelle, pour laquelle la demande explose au niveau mondial. Intégrée au pôle "fibres" de NatUp, et bénéficiant désormais de la puissance de feu d’un poids lourd (1 500 collaborateurs) réalisant 1,3 Md€ de chiffre d’affaires, la petite PME nordiste va pouvoir réaliser son rêve de lin 100 % made in France.

Remonter une filature

C’est en effet autour d’un projet commun que le rapprochement s’est opéré : remonter une filature de lin sur le territoire français. Les fibres récoltées en France n’auront ainsi plus besoin de faire des milliers de kilomètres pour être filées en Europe ou en Asie, avant de revenir être transformées en France. "La filature est vraiment l’outil qui manquait pour garantir une chaîne de valeur 100 % française, du champ au produit fini, s’enthousiasme Olivier Ducatillion. Ça fait des années que j’en parle, et finalement, c’est sur les réseaux sociaux que s’est noué le contact avec NatUp. Nous avons rapidement constaté que nous avions beaucoup en commun." La coopérative agricole a racheté 65 % du filateur, dont Olivier Ducatillion est désormais actionnaire minoritaire.

Située à Saint-Martin-du-Tilleul, dans l’Eure, la filature, fruit d’un investissement de 5 millions d’euros, sera opérationnelle fin décembre. Elle devrait rapidement monter en volume, pour produire du fil de lin filé "au mouillé", et donc dédié au prêt-à-porter, pour Lemaître Demeestere, mais aussi l’ensemble de l’industrie textile.

"Dans un premier temps, nous serons en capacité de produire 250 tonnes de fil par an. À titre de comparaison, Lemaître Demeestere en utilise 200 tonnes par an, tous types confondus. La capacité devrait évoluer rapidement, nous pourrions notamment nous équiper pour tisser au sec, pour les tissus d’ameublement. En tout cas, la demande mondiale et française explose, le lin est une fibre locale et durable, qui va être amenée à gagner encore des parts de marché dans les années à venir, c’est certain," assure Olivier Ducatillion.

Une diversification dans le prêt-à-porter

Car, à en croire le dirigeant, on n’en est encore qu’au début de la ruée sur le lin, en particulier estampillé "100 % Français". "C’est un phénomène qu’on a vu émerger peu à peu au cours des cinq dernières années, et qui s’est accéléré depuis 2020. Tout le monde veut du lin, les fabricants de canapés comme les enseignes de prêt-à-porter, le milieu de gamme comme les maisons de luxe. Mais aussi les industriels de l’automobile par exemple, qui cherchent à tout prix à "verdir" leurs composites en y incorporant du lin. C’est une tendance de fond, et pas un simple effet de mode. Résultat, les prix explosent, comme le nombre d’appels entrants de fabricants qui veulent une fibre tissée en France", se félicite le dirigeant. Pour suivre cette tendance, Lemaître Demeestere, qui historiquement ne produisait que des tissus d’ameublement, s’est tourné vers le prêt-à-porter. Ses tissus en pur lin, ou en lin mélangé à d’autres matériaux, comme la soie, le cachemire ou l’alpaga, peuvent intéresser l’industrie du luxe comme des marques plus milieu de gamme. Les étoffes mises au point par le tisseur ont été présentées pour la première fois lors de divers salons spécialisés cet automne. Elles devraient se retrouver sur les portants l’hiver prochain.

Porté par la demande et sa diversification, en ayant sécurisé son approvisionnement grâce à la filature, Lemaître Demeestere voit plus loin que jamais. "Notre objectif maintenant, c’est de grossir vite. Nous avons la chance d’avoir un allié de poids avec NatUp, qui nous a donné tous les gages de confiance, alors même que la période était compliquée. Nous sommes entrés en négociation juste avant le premier confinement, ils auraient très bien pu faire marche arrière. Pas du tout, ils ont maintenu leurs engagements, et sont bien prêts à investir, dans les locaux comme dans l’outil de production. Nous attendons d’ailleurs trois nouvelles machines." La PME, qui produit 300 000 à 400 000 mètres de tissu à l’année, entend doubler son chiffre d’affaires sur les prochaines années.

# Industrie # Banque # Textile
Fiche entreprise
Retrouvez toutes les informations sur l’entreprise LEMAITRE DEMEESTERE