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La Maison Demeure : "Nous voulons créer une filière cuir pour le luxe dans les Hauts-de-France"
Interview Nord # Luxe # Innovation

Charlotte Cazal codirigeante de La Maison Demeure "Nous voulons créer une filière cuir pour le luxe dans les Hauts-de-France"

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Installée à Roubaix, dans le Nord, La Maison Demeure est un imprimeur sur cuir, pour le secteur du luxe. L'entreprise a été fondée en 2013 par Charlotte Cazal, rejointe dans cette aventure par Bernadette Semavoine. Leur volonté est de créer dans la région une filière cuir pour le luxe.

Charlotte Cazal et Bernadette Semavoine, codirigeantes de La Maison Demeure — Photo : Elodie Soury-Lavergne

Comment s’inscrit le travail de La Maison Demeure pour le luxe ?

Charlotte Cazal : Nous sommes sous-traitants de rang 1 pour le secteur du luxe. La Maison Demeure réalise des prestations d’impression numérique sur cuir, essentiellement pour les trois plus grandes maisons de luxe. Il n’existe pas de filière cuir dans la région et nous avons tenu à en créer une. Cela a du sens, car il est plus facile pour notre clientèle parisienne de se rendre dans le Nord, qu’en Italie, où se trouve l’essentiel de l’industrie du cuir. La crise sanitaire nous a d’ailleurs permis de gagner de nouveaux marchés. Nos clients n’avaient plus la possibilité de se déplacer autant qu’avant et ont exprimé une vraie volonté de relocaliser la production. Nous avons donc travaillé à les fidéliser, pour créer une relation qui dure après la crise. Il y a une vraie carte à jouer dans le Nord avec le secteur du luxe.

Est-ce que ce positionnement est porteur ?

C. C : En septembre 2019, nous avons réalisé une levée de fonds auprès de deux acteurs régionaux, l’IRD et Nord France Amorçage, entrés au capital pour un montant que nous ne souhaitons pas dévoiler. Cela nous a permis de nous installer ici, sur 1 500 m², d'acquérir un parc machines et de structurer l’entreprise. Notre parc est composé de machines industrielles que nous modifions pour en détourner l’usage, car il n’existe pas de fabricants d’imprimantes sur cuir. Nous devons créer nous-mêmes notre outil : nous avons par exemple adapté les machines d’un ancien tanneur.

Nous avons aussi mis en place un laboratoire pour réaliser des tests techniques avant le lancement de la production, sachant que nous réalisons de la petite série, ce qui correspond aux volumes industriels du luxe. Nous travaillons sur des cuirs du monde entier, sélectionnés par nos clients et nous nous sommes diversifiés sur le traitement du cuir en surface. C’est un pari qui fonctionne puisque la Maison Demeure affiche une belle croissance depuis deux ans. Nous allons terminer l’année 2021 avec un chiffre d’affaires qui avoisine les deux millions d’euros, tout en étant rentable, avec une quinzaine de salariés. Nous portons aussi un projet d’extension, pour faire un pas de plus vers cette filière cuir que nous voulons créer, mais il est trop tôt pour l’évoquer.

Quels sont les freins au développement ?

C. C : Le principal frein, c’est de passer au stade industriel. Nous travaillons le cuir en pièce à pièce : c’est à la fois de l’artisanat et de l’industrie, le tout reposant sur l’innovation puisque nous remontons la chaîne jusqu’à créer les machines, à mener des réflexions sur les encres, etc. Nous devons continuer à innover, tout en industrialisant la production et c’est cette partie qui est compliquée. Je constate qu’il existe beaucoup d’accompagnement pour créer une entreprise, des aides financières en amorçage, etc., mais ensuite, quand on souhaite passer au stade industriel, rien. C’est un désert. Par ailleurs, comme nous créons nos propres machines, il n’existe donc pas d’école dédiée à nos métiers. Pour nous développer, nous embauchons des profils créatifs que nous formons nous-mêmes.

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