Après une carrière dans l’agroalimentaire, Christophe Lemaire dirige depuis 2020 l’entreprise Bastien Tissage, sur la proposition de son frère, actionnaire principal de la PME. Basée à Caudry (Nord), celle-ci fabrique des textiles techniques, à 95 % pour l’agroalimentaire : par exemple des torchons pour cuire le jambon, des toiles pour la boulangerie, des sacs en coton avec des copeaux de bois pour la tonnellerie, etc. Bastien Tissage emploie 13 salariés, pour un chiffre d’affaires qui devrait s’établir à 1,3 million d’euros en 2023. Son objectif "n’est pas la croissance à deux chiffres", mais d’améliorer la rentabilité, détériorée par la succession de crises depuis le Covid, afin de pérenniser l’entreprise, le tout de manière responsable. "Nous sommes fils d’agriculteurs, c’est important pour nous d’avoir un impact positif sur l’environnement et la société".
Une activité à impact positif
Une question s’est aussitôt posée : "Comment mesurer concrètement notre impact ?". À l’époque, l’entreprise a des clients certifiés B-Corp, ce qui pousse le dirigeant à se tourner vers ce label RSE. Fin 2020, il sollicite une consultante et travaille jusqu’en juin 2021 à réunir les points nécessaires pour lancer la procédure d’audit. Les délais s’avèrent toutefois très longs. Entretemps, en février 2021, Christophe Lemaire découvre le livre du dirigeant nordiste Sylvain Breuzard, qui détaille les principes et la méthodologie de la "Permaentreprise", adopté en 2019 au sein de son entreprise Norsys, et qui transpose le modèle de la permaculture à l’entreprise. "Ça a été une révélation. Je cherchais un business model qui intègre la RSE au même titre que les enjeux financiers, tout était là". Tout en poursuivant B-Corp, il transforme sa PME en société à mission, lançant à cette occasion le modèle de permaentreprise : "J’ai écrit une raison d’être qui intègre les trois principes éthiques de la permaentreprise : prendre soin des humains, préserver la planète, se fixer des limites et partager équitablement. Nous avons déposé le tout au tribunal de commerce."
Les avantages et les freins
"Bastien Tissage est une entreprise à mission depuis septembre 2021, certifiée B-Corp depuis mai 2022 et déploie le modèle de permaentreprise", souligne le dirigeant, convaincu que la RSE permet aux entreprises d’être résilientes face aux crises. Sa mise en place demande toutefois quelques efforts : "Ces démarches ont représenté des coûts d’audit importants pour une PME comme la nôtre, environ 10 000 euros par an". Il a aussi fallu convaincre les salariés les plus âgés : "Nous avons offert aux collaborateurs un livre sur la permaculture, qu’ils ont apprécié, afin qu’ils comprennent l’intérêt du modèle de permaentreprise." La contrepartie est que le dirigeant n’a aucune difficulté à recruter, "nous avons même des candidatures spontanées". La permaentreprise, qui se décline en enjeux stratégiques, avec des actions à mener et des objectifs définis, a aussi permis au dirigeant de créer un outil matriciel de pilotage de l’entreprise : "c’est un gain de temps important, les dirigeants en manquent toujours." La démarche a enfin été un accélérateur d’innovation RH (flexibilité des horaires), réduisant presque à zéro l’absentéisme et le turnover, mais aussi d’innovations produits, avec la création d’un laboratoire textile, la relance de la culture du chanvre et des projets de diversification pour 2024.