En quoi consiste le concept de permaentreprise ?
Sylvain Breuzard : La permaentreprise, c’est une histoire qui a démarré en 2019 chez Norsys et qui s’inspire de la permaculture. Cette dernière assume la croissance, tout en remettant en cause le mode de production, dans l’idée de préserver la ressource utilisée. Une permaentreprise est donc une entreprise avec des fondements éthiques, indissociables de ses fondements économiques, à savoir la vente d’un produit, d’un service, etc. Une permaentreprise a un usage raisonné de la ressource, veille à sa régénération et s’engage sur des objectifs d’impacts sociaux et environnementaux, avec des seuils progressifs à atteindre. Cette méthode permet à une entreprise de fixer non seulement son propre référentiel d’objectifs, qu’elle décline en projets et en actions, mais aussi ses propres indicateurs de mesure, contextualisés en fonction de son secteur d’activité, de sa taille, etc. L’entreprise n’a donc plus besoin de se tourner vers les référentiels et labels : elle est capable de mener son propre audit. Au bout du compte, ce modèle est un vrai outil de pilotage de l’entreprise, qui n’intègre pas que des objectifs économiques.
C’est une étape supplémentaire par rapport à l’entreprise à mission ou à la démarche RSE ?
Sylvain Breuzard : Une entreprise qui adopterait le modèle de permaentreprise remplirait toutes les cases nécessaires pour être une entreprise à mission, car c’est un modèle très exigeant. L’entreprise à mission, ou les labels, permettent de se démarquer du marketing vert, mais leur obtention ne doit pas devenir une fin en soi. La permaentreprise va plus loin, en inscrivant l’entreprise dans la construction de l’avenir. Quant à la démarche RSE (responsabilité sociale et sociétale), elle existe depuis 20 ou 30 ans et je constate que cela n’a pas permis d’inverser les mauvaises tendances au niveau environnemental ou sociétal. Il est donc nécessaire de se remettre en cause. Les entreprises engagées dans une démarche RSE n’ont pas d’approche globale : elles se concentrent sur une action sociale ou une problématique environnementale. Ce n’est pas suffisant pour faire bouger les lignes. Et je suis convaincu que ce sont les entreprises, plus que les politiques, qui peuvent faire évoluer les choses, du moins à court terme.
Dans le contexte actuel, n’est-il pas compliqué pour une entreprise de déployer ce modèle ?
Sylvain Breuzard : Ce modèle est à la portée de toutes les entreprises. Norsys accompagne d’ailleurs depuis octobre 2020 plusieurs sociétés, de 10 à 300 salariés, dans le déploiement de ce modèle, en lien avec les réseaux CJD (centre des jeunes dirigeants) et DRO (dirigeants responsables de l’Ouest). L’idée est d’avoir un collectif de permaentreprises, pour montrer que le modèle fonctionne et qu’il rend une entreprise plus performante. D’abord, cela crée un nouveau souffle, un nouvel enthousiasme des collaborateurs : c’est un vrai moteur. Ce modèle répond aux attentes des jeunes et permet d’attirer des talents. En cas de pénurie de compétences, ça coûte cher de former ou de travailler la marque employeur… Ensuite, ce modèle oblige l’entreprise à réfléchir en permanence sur les mutations, les nouvelles tendances et besoins de la société. Cela lui permet d’anticiper au lieu d’avoir à subir, comme pour le télétravail durant cette crise sanitaire…
