Les levées de fonds des start-up en chute libre au premier semestre 2023
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Les levées de fonds des start-up en chute libre au premier semestre 2023

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Le vent est en train de tourner pour les start-up. Au premier semestre 2023, elles ont levé deux fois moins d’argent qu’un an plus tôt. Un revirement de situation aux allures de changement d’ère, après deux années fastes pour le capital-risque. Or, préviennent deux études, ce retournement de tendance ne restera pas sans conséquence pour les entreprises elles-mêmes.

Parmi les jeunes pousses à avoir su convaincre les investisseurs en 2023, l’azuréen TSE fait partie des rares à avoir bouclé un tour de table à plus de 100 millions d’euros — Photo : TSE

Les start-up mises au régime sec, après deux années de liquidités abondantes. Les levées de fonds sont lourdement retombées au premier semestre 2023 en France, selon deux études parues ces derniers jours. Chacune évoque un retour à la rationalité sur un marché du capital-risque "qui s’était un peu emballé" depuis la pandémie de Covid-19. La correction n’en reste pas moins spectaculaire… et la période potentiellement très compliquée à gérer pour les entreprises concernées.

Les méga-levées en voie d’extinction

Un chiffre suffit à comprendre l’ampleur de ce retournement de tendance : celui des montants collectés entre janvier et juin. Avec un total de 4,26 milliards d’euros, les levées de fonds ont tout simplement été divisées par deux sur un an (-49,3 % exactement), selon le cabinet EY. La comparaison est d’autant plus cruelle, que la situation était inverse début 2022, avec un record historique à 8,4 milliards d'euros à l’époque. Mais elle n’est pas flatteuse non plus par rapport à la fin de l’année dernière : en un semestre, le reflux s’établit alors à -16,3 %.

À l’origine de cette bascule, "la hausse des taux [d’intérêt] et les incertitudes macroéconomiques" ont conduit les investisseurs à resserrer les vannes, justifie l’étude. Et à carrément couper le robinet sur des "megarounds", ces tours de table taille XXL qui avaient affolé les compteurs l’an dernier (à l’image de ceux d’Exotec ou de Back Market).

Les collectes à plus de 300 millions d’euros ont ainsi complètement disparu du paysage en 2023. Celles supérieures à 100 millions se sont, elles aussi, évaporées : il ne s’en est bouclé que 7 en six mois (3 fois moins que l’an dernier) pour un montant cumulé de 975 millions d'euros (en baisse de 78 %). A contrario, les levées plus modestes ont, elles, connu un franc succès (+12,9 % pour celles inférieures à 20 M€).

Une "réallocation" des fonds, plus qu’une désertion des investisseurs

Plus généralement, la fonte du capital-risque en valeur ne s’est pas accompagnée d’un assèchement des volumes. Le nombre d’opérations recensées (395 au total) a même rebondi (+9,1 %), pour atteindre son plus haut niveau depuis deux ans. Autre motif d’espoir : les sommes engagées dans les start-up françaises dépassent encore largement leur niveau d’avant-Covid (+52,7 % par rapport à début 2019).

Pour le cabinet In Extenso Innovation Croissance, cette évolution contrastée est le signe d’un double mouvement : d’une part, un "désengagement des investisseurs late stage et une baisse générale des valorisations" ; d’autre part, une "réallocation vers des entreprises en phase d’amorçage, des projets innovants […] et à impact (par exemple, l’énergie et la santé)".

Un nouveau paradigme qui saute aux yeux dans les données sectorielles d’EY. La cleantech (regroupant les entreprises innovantes de la transition écologique) vire en tête pour la première fois, avec une progression des accords conclus (60 en tout, +76,5 %) comme des montants collectés (1,17 Md€, +26,3 %). Tout le contraire de la fintech, exclue du podium, avec l’effondrement de ses levées de fonds (-82 % en valeur).

Cette vaste réorganisation du capital-risque ne touche pas non plus tout le territoire de manière uniforme. Les jeunes entreprises des Hauts-de-France et des Pays de la Loire en sont ainsi les principales victimes, avec des montants divisés, respectivement, par 12 et par 2 (pour tomber à 32 et 83 M€) ! L’Auvergne-Rhône-Alpes, elle, parvient à conforter sa position de région la plus dynamique (hors Île-de-France), avec une croissance de 36,5 % (pour un total de 348 M€). L’Occitanie parvient également à tirer son épingle du jeu (132 M€, +11,9 %).

Les start-up dans une impasse de financement

Mais la problématique du financement des start-up ne se résume pas qu’à la valeur des deals. Dans son propre baromètre, réalisé avec l’Essec et France Angels, In Extenso Innovation Croissance répertorie bien d’autres difficultés conjoncturelles. Les discussions avec les investisseurs mettent plus de temps à aboutir ("6 à 9 mois, au lieu de 4 à 6 précédemment"). Certaines opérations doivent être revues à la baisse, notamment pour les projets "trop éloignés de la rentabilité". Sans compter la dégradation des valorisations et "des sorties relativement bouchées" du côté des introductions en Bourse et des acquisitions par des acteurs industriels.

Bref, le vent a tourné et dans ce tourbillon de mauvaises nouvelles, les start-up sont poussées à "la réorganisation, entraînant des plans de départs volontaires et licenciements, sur fond de consolidation", assure l’étude. Mais elle voit dans cette nouvelle phase un "sain ajustement sectoriel, après deux années d’exubérance". L’âge de raison et l’heure de vérité, en quelque sorte, pour des jeunes pousses jusqu’ici biberonnées à l’argent facile que la politique monétaire accommodante de ces dernières années leur avait longtemps garanti.

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