Capital-risque : la fin de l’abondance après le record de levées de fonds
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Capital-risque : la fin de l’abondance après le record de levées de fonds

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Les temps sont en train de changer sur le front du capital-risque. Si les levées de fonds ont battu des records historiques l’an passé en France, le second semestre laisse augurer de temps plus difficiles pour le financement des start-up françaises.

Fondateurs en 2015 de la start-up lilloise Exotec, Romain Moulin et Renaud Heitz ont réalisé l’une des plus importantes levées de fonds en France en 2022, en levant 305 millions d’euros — Photo : Exotec

L’argent a continué à couler à flots pour les start-up françaises. L’an passé, les jeunes pousses tricolores ont collecté pas moins de 13,5 milliards d’euros auprès des sociétés de capital-investissement, selon le Baromètre du capital-risque réalisé par EY. C’est 17 % de plus qu’en 2021 et c’est tout bonnement le plus haut niveau de capitaux levés depuis l’existence du baromètre. Dans le top 5 des tours de table les plus importants : ceux de Qonto (486 M€), Ecovadis (478 M€), Backmarket (450 M€), Content Square (393 M€) et Exotec (305 M€). Comme à l’accoutumée, les start-up parisiennes raflent la plus grosse part du gâteau. Elles s’approprient 73 % des montants levés et ne laissent que des miettes à leurs consœurs des autres régions, à commencer par celles des Hauts-de-France (7 % des fonds levés) et d’Auvergne Rhône-Alpes (6 %).

Les start-up françaises devant les allemandes

Au niveau sectoriel, les entreprises des services internet se maintiennent sur la plus haute marche du podium (avec 2,99 milliards d’euros levés en 2022), malgré un recul de 24 % des montants collectés. Elles sont désormais talonnées par les entreprises de logiciels (2,96 Md€, en croissance de 36 %), les fintechs (2,34 Md€, en hausse de 7 %) et les cleantech (2 Md€), dont la croissance est fulgurante (+172 %). Ces résultats permettent à la France de conserver sa deuxième place sur le marché européen. Dans la course aux investissements, seule la Grande-Bretagne fait mieux, avec 27 milliards d’euros levés. L’Hexagone parvient même à creuser l’écart avec le troisième, son voisin allemand, dont les start-up ne captent que 10 milliards d’euros.

Changement de paradigme

Pour autant, ce record de fonds levés et cette belle deuxième place européenne pourraient être suivis par des lendemains moins enchanteurs. "L’heure de l’hyper croissance est en train de laisser place à la sobriété des investissements", analyse Franck Sebag, associé d’EY. La décrue a déjà commencé. Au second semestre, les montants levés reculent de 21 % par rapport au deuxième semestre 2021. Cette fin d’année en retrait va amener, selon le cabinet de conseil, "un changement de paradigme". L’argent va devenir plus rare et les investisseurs vont se recentrer sur les fondamentaux. Pour Franck Sebag, le marché va être marqué par "le retour en force de la profitabilité comme indicateur principal de la performance".

Le retour à la raison

Constat partagé par Patricia Braun, présidente d’In Extenso Innovation Croissance, qui vient également de réaliser une étude sur le capital-risque en France. Pour la dirigeante, les investisseurs accordent désormais "une place plus centrale à la rentabilité" et "une attention particulière aux valorisations très chahutées". Cela contraint les start-up à se serrer davantage la ceinture et à démontrer leurs capacités de développement avec plus de force qu’ils pouvaient le faire ces derniers mois. Une bonne chose pour Olivier Dubuisson, PDG du fonds de capital-risque Karista : "Après trois années d’euphorie sur les start-up de la tech, le marché revient progressivement à la raison. C’est tant mieux pour l’écosystème qui va pouvoir se développer sur des bases saines". La bonne nouvelle, c’est que les investisseurs disposent toujours "de fortes réserves disponibles pour investir", comme l’assure Patricia Braun. Aux startuppers de réussir à les convaincre en s’adaptant à la nouvelle donne du marché.

# Finance # Levée de fonds # Conjoncture # Capital # Gestion