Coronavirus : les entreprises de propreté sortent de l'ombre
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Coronavirus : les entreprises de propreté sortent de l'ombre

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La crise sanitaire a mis en lumière le rôle essentiel des entreprises de propreté dans la lutte contre la Covid-19 sur les lieux de travail. Même si elles ont subi le choc, avec parfois des pertes de chiffre d’affaires de plus de 50 %, les entreprises de nettoyage ont su monter au front pour tenir leurs chantiers et proposer des solutions innovantes afin de répondre aux besoins sanitaires de leurs clients.

Les entreprises de nettoyage se sont dotées d'équipements spécifiques dans la lutte contre le virus, tels que des nébuliseurs pour effectuer de la désinfection par voie aérienne — Photo : © Regio Nettoyage

Tous les patrons d’entreprises de nettoyage sont unanimes sur la question : le coronavirus a changé l’image de leur entreprise auprès des clients, et du public en général. La crise sanitaire a ainsi contribué à légitimer une profession pas toujours reconnue jusqu’ici. « Nous avons ressenti que notre métier était perçu différemment, de manière très positive, l’importance de la prestation que nous délivrons a pris tout son sens. Il y a eu une prise de conscience de l’importance du nettoyage et de la désinfection, du rôle clé que nous jouons. Pour nous, c’est une véritable revalorisation de la profession, et qui a mon sens va perdurer », se félicite Jean-Philippe Daull, PDG du groupe Candor (1 500 salariés), dans l'Eure, et vice-président de la Fédération des entreprises de propreté Normandie.

Nicolas Meyer, à la tête de Regio Nettoyage (200 salariés), à Colmar (Haut-Rhin), va plus loin et parle de mission d’intérêt général : « Les clients comptent sur nous en tant que professionnels de l’hygiène. Nos agents sont sortis de l’ombre. On ne sauve pas des vies mais on a pleinement une mission d’intérêt général ». Avec des attentes clients qui ont changé, poursuit le dirigeant : « Hier, on faisait appel à nous pour rendre un lieu de travail propre et agréable. Aujourd’hui, on nous demande de le sécuriser ».

Innover pour lutter contre le virus

Pour travailler en pleine pandémie, les entreprises de propreté ont dû adapter leurs méthodes et renforcer la protection de leurs salariés avec, notamment, le port de masques et de gants, voire de combinaisons de protection intégrales avec respirateur. Dans le domaine de la propreté, les agents peuvent se retrouver en contact direct avec des lieux contaminés à désinfecter.

C’est pourquoi l’entreprise Netman, notamment spécialisée dans le nettoyage industriel et basée à Valliquerville, près de Yvetot (Seine-Maritime), a mis en place un nouveau dispositif de désinfection par voie aérienne des locaux potentiellement à risque. « Cela permet de réduire considérablement le temps d’intervention de nos équipes dans des locaux à risque Covid-19 », explique François Caillou, directeur général du groupe de propreté de 900 salariés, qui intervient dans les bureaux, collectivités, laboratoires pharmaceutiques et micro-électroniques ainsi que les centrales nucléaires dont notamment celle de Flamanville (Manche). Une technologie basée sur la nébulisation, un procédé qui permet de transformer un liquide en nuage de particules extrêmement fines et de projeter un produit désinfectant dans l’atmosphère. « Cette technologie permet de réduire significativement le temps de présence de nos équipes dans une pièce contaminée, et peut ainsi passer de 3 heures pour un nettoyage classique d’une surface de 50 m2, à seulement une demi-heure avec ce système », assure le dirigeant.

De la "propreté" à l’"hygiène"

Et pour lutter efficacement contre le virus, les entreprises ont dû aussi investir. « Dans de nouveaux produits, des désinfectants à la fois bactéricides et virucides », explique Stéphanie Pauzat, à la tête de la société familiale Mil’Eclair, basée dans le Calvados, qui emploie 500 salariés. De nouveaux enjeux et nouveaux process créés par l’urgence sanitaire et qui font fortement évoluer les attentes en matière de propreté et d’hygiène, selon les professionnels du secteur. Les entreprises sont bien conscientes que, pour ramener les salariés dans leurs locaux, il leur faut prouver qu’elles se donnent les moyens de les protéger. « C’est à nous d’être proactifs et d’accompagner nos clients pour faire une transition de la propreté vers l’hygiène », estime Yann Orpin, président du Medef Grand Lille et dirigeant de Cleaning Bio (Lille ; 270 salariés). « Avec la reprise, nous développons une offre de désinfection des locaux avec des appareils achetés au moment de la grippe H1N1 qui permettent de désinfecter 6 000 m² en une journée. Et nous proposons désormais des kits en libre-service, pour que les salariés de nos clients puissent nettoyer leurs postes de travail régulièrement, entre deux passages de nos agents. »

Du côté de Clinitex, basé à Lezennes (Nord), qui emploie 3 500 salariés, les prestations de désinfection, avec délivrance de certificat, vont bon train. Son offre de « kiosque » met, depuis plusieurs années, des produits à la disposition des salariés. « Cela permet d’aller vers du sur-mesure, pour que chacun gère son poste selon ses attentes personnelles, dans un contexte où l’aspect psychologique et le sentiment de sécurité jouent beaucoup », souligne Édouard Pick, dirigeant de Clinitex.

S’unir pour répondre à de nouvelles demandes

Alors que la crise de la Covid-19 a durement touché le secteur de la propreté, certaines entreprises ont décidé de s’unir pour mieux passer le cap. Impactée par une baisse brutale de son activité de plus de 50 %, la PME aixoise A2C Services (30 salariés), s’est ainsi rapprochée de trois confrères pour répondre à une nouvelle demande, en particulier la désinfection des réseaux bancaires ou des sièges sociaux. Sur le terrain, l’entreprise a poursuivi ses activités dans le secteur des déchets alors que d’autres interventions ont été totalement stoppées, comme le nettoyage après incendie, la remise en état dans le milieu du yachting. « Via la Fédération des entreprises de propreté du Sud-Est, je me suis rapproché de trois confrères, pour pouvoir intervenir sur l’ensemble du territoire régional et ainsi prendre en charge la totalité des réseaux : Hygiène Prévention et Apelnet, à Marseille et FAC Services à Nice. Ensemble, nous avons mis en place un protocole, des protections individuelles et des produits standardisés. Nous faisons extrêmement attention à nos agents et à nous-mêmes », explique Ivan Pion Goureau, dirigeant d’A2C Services.

Un regain d’intérêt pour les produits et équipements de nettoyage

Avec les nouvelles règles sanitaires nées de l’épidémie de coronavirus, certains industriels fabricants de produits ou d’équipements de nettoyage ont pu sortir leur épingle du jeu, à l’image de l’entreprise varoise Obioseed (35 salariés), spécialisée dans la fabrication de produits d’hygiène et de désinfection. Elle a ainsi réorganisé sa production pour réaliser du gel hydroalcoolique en masse, qu’elle a conditionné grâce à Qui Sud, entreprise agroalimentaire voisine, Quai Sud, qui a configuré ses machines pour le conditionnement des gels hydroalcooliques et des sprays désinfectants.

Côté équipements, Asthéo (25 salariés, 2,7 M€ de CA en 2018), PME du Maine-et-Loire spécialisée dans la conception et la fabrication de machines de production pour les équipementiers automobiles a, elle, développé une machine pour nettoyer les chariots de supermarché en 2012. Avec le contexte, elle a connu un vif intérêt avec la troisième version de sa machine, baptisée Trolley Cleaner. En pleine crise sanitaire, beaucoup de professionnels de la grande distribution s’interrogent en effet sur le moyen d’effectuer un nettoyage régulier des chariots ou des paniers. En Ille-et-Vilaine, la PME Ocene, spécialisée dans le traitement de l’eau et les machines de lavage pour l’agroalimentaire, a également mis au point une arche de désinfection de chariots de magasins. Une idée qui l’a poussé à réfléchir à de nouveaux marchés. À Cholet, dans le Maine-et-Loire, Octopus Robots est également sorti de l’ombre avec l’épidémie. Ses machines utilisées pour des lieux accueillant du public (services hospitaliers, grandes surfaces alimentaires…) permettent la désinfection de surface par micronébulisation. Les robots imaginés en 2004, qui peinaient à trouver leur rythme de croisière ont ainsi été rattrapés par l’actualité. Les robots choletais ont été très sollicités depuis le début de l’année 2020 avec de potentiels clients jusqu’en Chine.

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