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Politique maritime : Édouard Philippe n'abattra ses cartes qu'au Havre
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Politique maritime : Édouard Philippe n'abattra ses cartes qu'au Havre

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Tout ça pour ça : le Premier ministre Édouard Philippe s'est rendu à Brest le 17 novembre accompagné de sept ministres pour un Comité interministériel de la Mer (CIMer) dont le but était d'élaborer la méthodologie quinquennale en matière de politique maritime. Une matinée conclue par une visite du futur siège national de l'Ifremer, transféré de Paris à Brest. Mais une visite qui en aura laissé beaucoup sur leur faim, l'annonce des décisions prises étant réservée au Havre, la semaine prochaine.

Le Premier ministre Édouard Philippe est venu accompagné de sept ministres, dont Florence Parly (Armées) et Nicolas Hulot (Transition écologique et solidaire) pour un Comité interministériel de la Mer, à Brest — Photo : Pierre Gicquel

Se rendre à Brest pour établir la méthodologie qu'empruntera le gouvernement pour les cinq années à venir en matière de politique de la mer - tant au niveau environnemental, économique que militaire -, est une belle reconnaissance pour le port de la Cité du Ponant. Une manière de délocaliser la gouvernance de Matignon. Mais pour au final reporter l'annonce des décisions, qui seront présentées la semaine prochaine, au Havre...

Le Premier ministre Édouard Philippe, à Brest, pour le Comité Interministériel de la mer — Photo : Pierre Gicquel

Le Havre 1 - Brest 0

Bien que le Premier ministre ait insisté dans son allocution sur la place de Brest « dans l'imaginaire, l'économie et l'histoire nationales en matière maritime » et sa position « prééminente en matière de défense », tout en saluant « les initiatives prises ici pour valoriser tout le potentiel qu'elle représente dans notre économie », il avait en tête un autre port d'envergure pour faire ses annonces.

En effet les 21 et 22 novembre se tiendront les Assises de la mer, principal rendez-vous annuel de la communauté maritime française, au Havre, ville dont il a été maire. Le choix a été fait de garder la primeur de ces annonces au port normand. Brest n'a donc eu à se contenter que d'un discours de la méthode dans lequel Édouard Philippe n'aura abattu aucune de ses cartes.

Mis à part la volonté de mettre en place « une politique maritime très ambitieuse pour notre pays » et ce, dans les six premiers mois du mandat : « Il est assez courant que les gouvernements disent que la mer c'est important mais, en général, ils le disent tard, au bout de deux ou trois ans. Trop tard pour qu'une action continue, cohérente, puissante dans le temps puisse produire ses effets ».

Et même si le Premier ministre a insisté sur l'importance des enjeux maritimes « qui relèvent fondamentalement d'une logique interministérielle », le CIMer n'est pas une invention récente puisqu'il se tient tous les deux ou trois ans depuis 1978, époque de la création de la Mission interministérielle de la mer (MISMer) qui deviendra Secrétariat général de la Mer placé sous la tutelle du Premier ministre en 1995. Seule changement dans la tradition, une volonté affichée de programmer dorénavant un CIMer par an « mais pas forcément à Brest ».

La France possédant le deuxième espace marin au monde (11 millions de km²) juste derrière les États-Unis, et donc un potentiel en économie bleue considérable, les annonces concrètes pour les cinq ans à venir sont d'autant plus attendues par les entreprises du secteur.

Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne — Photo : Pierre Gicquel

Les Régions ont été consultées

« C'est la première fois aussi qu'avant le CIMer, nous demandons à l'ensemble des régions littorales de donner leur avis sur la façon dont il convient d'envisager la politique maritime, a également assuré Édouard Philippe. L'ensemble des régions ayant répondu, nous avons tenu compte de ces réponses ».

Information confirmée par le président du Conseil régional de Bretagne, Loïg Chesnais-Girard: « Nous avons eu un entretien en tête-à-tête il y a trois semaines, où nous avons tracé quelques perspectives. Mais le principe du CIMer est sa confidentialité ». Là encore, rien ne filtre de ce côté.

La «coopétition » ?

Reste à espérer que les collectivités territoriales, et les ports qu'elles administrent, ne se retrouvent pas en concurrence, notamment sur le dossier des énergies marines renouvelables (EMR). Hypothèse écartée par un terme ambivalent de la part du président de région: « Il n'y a aucune concurrence, nous travaillons de concert entre Normandie, Pays de la Loire et Bretagne. Nous sommes en "coopétition", c'est à dire une compétition et une coordination qui servent le marché et les entreprises. Et qui je l'espère créera encore beaucoup d'emplois dans tout le Grand Ouest. Les investissements sur les EMR que nous réalisons, 200 millions d'euros à Brest, sont de bons signaux. Et les discussions que j'ai avec les industriels nous montrent qu'il y a encore beaucoup de choses à faire dans l'éolien flottant et l'hydrolien ». Éolien flottant et hydrolien : deux termes répétés volontairement trois fois par l'élu, semés comme des indices.

Le Pdg de l'Ifremer François Jacq et Antoine Dosdat, directeur de l'Ifremer à Brest, devant le bâtiment qui, une fois rénové et agrandit, accueillera le siège national de l'Ifremer — Photo : Pierre Gicquel

L'Ifremer s'ancre à Brest

Le CIMer a enfin été l'occasion pour les ministres de visiter le chantier en cours du bâtiment qui accueillera le siège national de l'Ifremer. Un symbole de la décentralisation qui ne fait pas que des heureux. Car nombre de salariés de l'ancien siège d'Issy-les-Moulineaux n'ont pas souhaité s'installer à Brest. Pour l'heure, seulement deux d'entre eux ont déménagé.

Un chiffre qui n'a pas de sens, selon François Jacq, PDG de l'Ifremer, qui souhaite attendre le 1er janvier 2019, date officielle du transfert, pour se prononcer: « Si je devais faire un pronostic, si nous avons une dizaine de salariés à venir à Brest, ce sera l'enveloppe sur laquelle nous pourrons compter ». Le dirigeant de l'institut a aussi insisté sur l'accord de mobilité avec d'autres administrations qui a permis aux salariés parisiens de rester à Paris ou d'aller sur d'autres sites de l'Ifremer en France. Il a aussi confirmé l'embauche à ce jour d'une trentaine de personnes à Brest, sur les 90 postes au total que devra compter le futur siège.

Et lui, déménagera-t-il ? « J'ai des bureaux partout. Je serai comme tout le monde en 2019, si le gouvernement me prête vie... Comme vous le savez, je suis comme on dit dans une positon où l'on est révocable ad nutum ».

De gauche à droite: Frédérique Vidal (Enseignement supérieur, Recherche, Innovation), Florence Parly (Armées), Nicolas Hulot (Transition écologique et solidaire), Édouard Philippe (Premier ministre), Élisabeth Borne (Transports), Stéphane Travert (Agriculture et Alimentation), Annick Girardin (Outre-Mer) et Jean-Baptiste Lemoyne (secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires Étrangères Jean-Yves Le Drian) — Photo : Pierre Gicquel

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