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Franck Zal (Hemarina) : « Nous sommes dans un marasme réglementaire »
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Franck Zal PDG d'Hemarina Franck Zal (Hemarina) : « Nous sommes dans un marasme réglementaire »

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L'entreprise Hemarina, basée à Morlaix (Finistère), est proche de mettre sur le marché Hemo2life, son transporteur universel d’oxygène issu d’un ver marin qui permet notamment de préserver les greffons. Franck Zal, son PDG, se bat pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché.

Franck Zal a créé Hemarina en 2007. Depuis, il a réussi à lever 24 millions d'euros pour développer son transporteur d'oxygène issu d'un ver marin. — Photo : Jean-Marc Le Droff

Vous aviez prévu une mise sur le marché en 2019 pour votre transporteur universel d’oxygène issu d’un ver marin permettant notamment de préserver les greffons, Hemo2life. Pourquoi cela n’a-t-il pas été possible ?

Franck Zal : Le sujet est assez complexe car il a trait à des aspects réglementaires. Nous attendons l’autorisation de mise sur le marché. Les essais cliniques pour valider le produit sont terminés. L’efficacité d’Hemo2life n’est plus à prouver. Le produit a d’ailleurs été utilisé en 2018 pour la greffe du visage réussie de Jérôme Hamon par l’équipe du Professeur Laurent Lantieri, à l’hôpital européen Georges-Pompidou. Nous allons faire un essai clinique en France sur 450 patients. Mais c’est un essai dit « pharmaco-éco » qui sert à définir le remboursement d’Hemo2life par l’Assurance Maladie, en calculant, notamment le gain de jours d’hospitalisation du patient après la greffe.

Qu’est-ce qui bloque ?

Franck Zal : C’est assez technique. Nous dépendions auparavant de la réglementation 93-42. Après le scandale des prothèses mammaires PIP à la fin des années 2000, l’Europe a décidé de faire quelque chose et a donc, très vite, mis en place une nouvelle réglementation : la MDR2017/745. Mais c’est allé tellement vite que les autorités comme l’ANSM (Autorité nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) n’ont pas eu le temps de se mettre en ordre de bataille. Tout comme les organismes notifiés, ces entreprises privées qui sont labellisées par l’ANSM pour délivrer les autorisations.

Cela fait deux ans que nous avons déposé notre dossier de 25 000 pages. Le problème, c’est que de 90 organismes notifiés agréés pour l’ancienne réglementation, on est passé à un seul il y a deux ans. Ils sont 12 aujourd’hui, dont seulement deux pour les dispositifs médicaux de classe 3 comme Hemo2life ! Les organismes n’ont pas assez d’experts capables de valider ces dispositifs et ne peuvent pas se faire labelliser par l’ANSM. On se retrouve dans un goulot d’étranglement…

Que pouvez-vous faire ?

Franck Zal : La bonne nouvelle, c’est qu’on a appris mi-janvier que l’American Journal of Transplantation - la référence dans le domaine - a accepté, et va donc publier, un article sur Hemo2life. Cela peut aider à nous faire passer sur le dessus de la pile. Mais on reste dans un marasme réglementaire. On ne peut rien prévoir. Et il est difficile de trop crier car nous dépendons de ces organismes qui ont notre avenir entre leurs mains avec cette autorisation. Nous allons voir les ministres pour leur expliquer les problèmes. Nous faisons du lobbying, on essaye de faire bouger les choses. Mais le résultat, c’est qu’un dispositif qui peut sauver des vies n’est pas sur le marché ! Cela fait 20 ans qu’il n’y a pas eu d’innovation dans la transplantation. Aujourd’hui, on perd un organe sur deux alors qu’avec Hemo2life, c’est comme si le greffon n’avait pas été déconnecté ! À plus long terme, il faudrait former des gens à la réglementation pour pouvoir recruter des experts.

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